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Entretien avec Adrien Léonard, pour le 2è Young Filmmakers Festival de Bruxelles (Kinograph), les 4 et 5 décembre 2021

Publié le 01/12/2021 par David Hainaut et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

« La jeune génération de réalisateurs reste optimiste »

 

Offrir un espace de visibilité aux courts-métrages estudiantins et indépendants, tout en encourageant les cinéastes belges en herbe, tels sont les principaux moteurs des organisateurs du Young Filmmakers Festival, qui, après une édition virtuelle, prend ses quartiers à Bruxelles (au cinéma Kinograph) en ce premier week-end de décembre, avec vingt-quatre courts-métrages au menu.

L'occasion d'évoquer l'événement avec son initiateur, Adrien Léonard. Lui-même réalisateur (et primé au BIFFF en 2019, pour Soleil Noir), ce jeune homme de vingt-huit ans est issu de la Haute école libre de Bruxelles Ilya Prigogine (HELB) et est titulaire d'un Master en art du spectacle (Elicit) à l'ULB.

 

Cinergie : C'est donc une deuxième édition mais... pas tout à fait. Pourriez-vous nous rappeler les origines de ce Young Filmmakers Festival ?

Adrien Léonard: En fait, c'est grâce à une bourse de 5000 euros qu'offrait l'ULB en 2019 – à l'époque où j'étudiais encore – en vue de créer un projet artistique qu'est né ce festival. Avec quelques collègues, on l'a appelé dans un premier temps le Springboard Short Film Festival. Comme cette organisation test a eu quelques beaux échos, on a décidé de le poursuivre en sortant de l'université, à cinq, en changeant de nom pour repartir sur de nouvelles bases.
Le 1er Young Filmmakers Festival aurait dû avoir lieu en décembre 2020, mais suite au Covid, on a dû le reporter en ligne, en mars dernier. Dans une ambiance forcément spéciale, mais là encore, pas mal de gens étaient contents de sa tenue.

 

C. : On sait qu'il y a en Belgique – francophone, surtout - déjà beaucoup de festivals. Qu'est-ce qui vous a tout de même motivé à créer le vôtre ?

A.L. : Disons que dans d'autres festivals, en général plus gros, il n'y a pas toujours une vitrine pour les films d'école ou indépendants. Et ce sont ceux-là qu'on voulait mettre en avant, en leur permettant d'être diffusés sur un grand écran. Tout en favorisant des rencontres entre étudiants, techniciens, etc... Cela existe un peu ailleurs, mais on voulait se concentrer là-dessus. À savoir des films à petit budget, où il y a une vraie patte artistique, un point de vue, une intention de mise en scène, un accord entre la forme et le fond...

 

C. : Et c'est ainsi que vous en avez sélectionné 24 courts-métrages cette fois...

A.L. : Oui, pour près d'une centaine reçus ! La grosse partie vient des écoles belges (La Cambre, École Agnès Varda, HELB, IAD, INSAS, LUCA, SAE), et l'autre, plus réduite, provient de films totalement indépendants ou auto-produits. Ce qui est positif pour ces derniers, car certains réalisateurs ne se rendent parfois pas compte que quand ils font des films en dehors des circuits traditionnels, ils peuvent envoyer leurs courts-métrages dans des festivals ! Quelques films ont déjà été montrés au Brussels Short Film Festival ou au FIFF de Namur, d'autres sont inédits. L'idée est aussi de servir de tremplin aux réalisateurs. Mais cela n'a pas été simple de faire le tri et de refuser plusieurs courts-métrages qui auraient mérité une attention. Faute de plage-horaire, de budget...

 

C. : ...d'une forte concurrence, aussi ?

A.L. : C'est vrai qu'il y a toujours énormément de courts-métrages produits en Belgique. C'est presque effrayant même, mais l'important, pour un jeune réalisateur, c'est de garder l'envie et de toujours y croire. Dans la jeune génération en tout cas, beaucoup restent optimistes, malgré l'embouteillage qui a été créé par le Covid. Parce que l'évolution des moyens techniques permet aujourd'hui de faire un film plus facilement, entre amis. Avec un appareil-photo ou même un téléphone, parfois !

 

C. :  Concernant le lieu : pourquoi avoir opté pour le Kinograph ?

A.L. : Ce choix nous semblait évident, d'autant que les locaux du festival se trouvent dans le même espace, au See U. On connaît bien ce cinéma, par nos contacts et même nos affinités. Car le Kinograph est un petit cinéma qui reflète bien l'esprit un peu différent qu'on veut montrer. Pour nous, aller dans un UGC ou au Palace n'aurait servi à rien, car ce sont de trop gros lieux.

 

C. : Ce n'est pas seulement l'altruisme qui vous guide, on imagine...

A.L. : On espère avoir des fonds à l'avenir bien sûr, ce qui serait plus rassurant. Mais si cette édition-ci fonctionne, cela pourrait peut-être débloquer des choses à ce niveau. Après, des collaborations se font parfois automatiquement, comme nous le faisons avec l'Aaaargh Festival de Namur, plus ciblé sur le cinéma de genre. Ou l'échange qu'on a avec le ciné-club de l'ULB, le Cinéphage et l'Association des Scénaristes (ASA), pour notre concours de pitch.

 

C. : Vous concernant, vous combinez donc l'organisation d'un festival en gardant une casquette de réalisateur. C'est jouable, donc ?

A.L.: Disons surtout que... j'essaie d'être réalisateur (sourire), ce qui n'est pas évident, étant donné la concurrence et l'embouteillage dont on parlait, qui vaut pour les festivals et même la commission du film. Face au nombre important de films faits chez nous, c'est un vrai parcours du combattant pour se faire produire, qui plus est pour quelqu'un qui commence. Mais j'ai d'autres projets de courts-métrages et un autre de websérie. Parfois, je fais de la régie sur un clip ou un court-métrage, car j'ai besoin d'être en mouvement. Chaque réalisateur trouve son équilibre comme il le peut. Certains d'entre eux travaillent dans des bars, par exemple...

 

C. : Pour un jeune réalisateur voulant émerger, au-delà de l'envie, la patience est donc de mise. Surtout en début de carrière...

A.L. : Je pense. Rien que la mise en place d'un court-métrage peut parfois prendre un an ! Du coup, l'idéal est d'avoir plusieurs projets en même temps pour faire ses preuves et justement combler cette patience. Personnellement, je n'ai appris qu'à 17 ans qu'on pouvait faire du cinéma en Belgique. Et le cinéma nous offre quand même cette chance de toucher à tout : à l'image, au son, à la mise en scène, au montage... La pluridisciplinarité qu'offre cet art-là continue de me convaincre.

 

C. : Que peut-on vous souhaiter pour cette édition ?

A.L. : Qu'elle se... fasse, en espérant qu'il n'y ait pas un dernier changement lié au Covid et que les cinémas doivent fermer, par exemple (sourire). Nous, en tout cas, on y croit et on fonce tête baissée. Dans le pire des cas, on l'organisera plus tard. Mais j'ai l'impression que beaucoup de gens veulent venir. On espère le maximum de visibilité pour les films, que des débats et des rencontres se fassent, y compris avec notre jury de trois comédiens (Edson Anibal, Helena Coppejans et Jean-Jacques Rausin). Tout ça est toujours utile pour l'évolution d'un réalisateur. Avec la création de liens, bien sûr, entre personnes et écoles. En buvant toutes et tous un verre autour d'une même passion : le cinéma...

Site du festival: https://youngfilmmakersfest.wixsite.com/youngfilmmakersfest

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