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Jean-François Levillain, gérant de Chocolat-Noisette, studio de post-production

Publié le 07/01/2019 par David Hainaut et Tom Sohet / Catégorie: Entrevue

Chocolat-Noisette, un studio qui se fait un nom
Travail dans l'ombre mais ô combien précieux, la post-production compte, avec le studio Bruxellois Chocolat-Noisette, une référence grandissante dans le domaine.
Depuis sa création en 2007, cette société a su se glisser au générique de nombreux projets, allant du court-métrage (Make Aliens Dance, May Day – présélectionné aux Oscars 2019 -) aux séries (La Forêt, La Trêve, Lucas etc, Unité 42...), en passant par le long-métrage (Even Lovers Get The Blues, Je me tue à le dire...) ou le documentaire (Le dernier Gaulois, Bureau de chômage, Congo Lucha...). Rencontre avec son gérant de 36 ans, l'efficace mais discret Jean-François Levillain.

Cinergie : Le moins que l'on puisse dire, déjà, c'est que le nom de Chocolat-Noisette interpelle !
Jean-François Levillain: Oui (sourire). Ce qui était au début une blague entre potes est devenu une évidence, quand on a dû rédiger les statuts, il y a douze ans. Venant de France, on connaissait assez mal le surréalisme belge, mais quand on a vu qu'il existait autour de nous des noms de boîtes comme "Banana Films", "Cookies Film" ou "Dame Blanche", on n'a plus hésité...

C. : Pourquoi avoir imaginé la création de ce studio, finalement ?
J-F.L. : En arrivant en Belgique avec des amis, on a directement eu envie de créer notre propre outil. Tout s'est fait progressivement. On a repris à l'époque un studio qui avait fait faillite, ce qui nous a permis de racheter du matériel et de démarrer assez vite. Avec la chance d'arriver à un bon moment, puisque tant le numérique que le Tax shelter se développaient alors. Donc, avec un investissement minime, on a pu avoir un bon outil de travail. Et comme, à titre personnel, je voulais diminuer mon implication sur les tournages comme perchman (NDLR: il a été formé à l'ESRA de Rennes comme ingénieur de son) pour me spécialiser dans la post-production, c'était parfait...

C. : Que votre société soit devenue une référence, en une grosse décennie, vous en avez conscience ?
J-F.L. : On a surtout la chance de pouvoir être une structure qui mise beaucoup sur le relationnel. Au début, on ne connaissait personne, mais notre réseau s'est rapidement constitué, avec des gens avec qui on s'entendait bien, et des boîtes en vogue comme Eklektik Productions ou Hélicotronc. Comme ça s'est bien passé, on a simplement continué ainsi. Notre surface de travail n'est peut-être pas immense, mais cela nous permet de rester cohérents dans nos choix, sans mettre en danger la viabilité économique de la boîte, en s'obligeant à faire de la publicité ou des films d'entreprises. Puis, si je prends par exemple un long-métrage que j'aime beaucoup, comme Je me tue à le dire de Xavier Seron, même si le budget était restreint, moi, ça m'aurait beaucoup embêté de ne pas bosser dessus...

C. : On pourrait dire que vos ambitions, si elles existent, restent donc modérées ?
J-F.L. : Oui ! Disons qu'on sait où on veut aller, sans pour autant se fermer des portes. On a cette chance et ce plaisir de pouvoir alterner entre tous les genres. Là, on a bossé sur la deuxième saison de La Trêve, on travaille sur Superjhemp Retörns, un film de super-héros... luxembourgeois, et on se prépare à attaquer la saison 2 d'Unité 42, ainsi qu'un long-métrage documentaire pour France 2. Tout en continuant à défendre le cinéma indépendant, raison pour laquelle on garde toujours un œil sur le court-métrage belge. Et à moyen terme, vu notre expérience, on a aussi envie de faire plus de long-métrages...

C. : Aujourd'hui, les séries prennent une place importante dans le paysage. Y compris chez vous, indirectement...
J-F.L. : Oui, c'est valable ici, comme en France et ailleurs ! Pour nous, c'était une aubaine de recevoir un projet tel que La Trêve, l'expérience étant jusqu'ici inédite en Belgique francophone. On a réfléchi pour travailler de la façon la plus viable pour tout le monde, en obtenant le résultat qu'on souhaitait. Je viens justement de recevoir un coup de fil d'un studio à Los Angeles, puisque Netflix, qui a racheté la série pour la diffuser dans le monde entier, envisage à présent de doubler les deux saisons, plutôt que de se contenter des sous-titres. Et ça, je peux vous dire que la plateforme le fait très rarement pour une série étrangère. Signe de sa qualité...

C. : Pour vous, qui êtes Français, l'esprit belge, ce serait quoi ?
J-F.L. : Pour moi, c'est d'abord la simplicité dans le travail. La grande différence avec la France, c'est qu'on arrive encore à travailler sans un stress lié à une production intense. Ce qui ne nous empêche bien sûr pas de travailler aussi bien avec des Belges, qu'avec des Français ou des Luxembourgeois. Et vu que notre société est installée à deux pas de la gare du Midi, c'est même une vraie valeur ajoutée : je peux vous assurer qu'énormément de réalisateurs sont heureux de juste devoir descendre du train pour venir finaliser leurs projets ! (sourire)

C. : En outre, vous bénéficiez paraît-il de votre propre "sonothèque"...
J-F.L. : Oui, au-delà de cumuler au sein de nos studios la prise de son et le montage, nous avons notre propre catalogue de sons. Cela représente un travail en amont assez conséquent, qui se fait via un logiciel qui les agence. Mais on tient à jouir d'un tel outil, car cela nous permet de proposer aux gens avec qui on travaille une gamme de sons originaux, issus du monde entier.

C. : Dernière chose, la "marque" Chocolat-Noisette semble être régulièrement présente, dans différents événements, tout au long de l'année. Pourquoi ?
J-F.L. : Toujours dans cette logique d'aider des films ayant du mal à se financer. Via des festivals comme le FIFF de Namur, le Brussels Short Film Festival et bientôt, le Festival Millénium, on noue ainsi des partenariats pour permettre à des réalisateurs de glaner des prix, de se faire connaître, et leur mettre à disposition notre studio. Cette présence extérieure est donc importante, tant pour notre visibilité que pour la nouvelle génération, qu'on continue logiquement de suivre...

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