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Entrevue avec Stefano Tononi

Publié le 01/10/2004 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Le tout premier film dont il a un souvenir cinématographique est l'Avventura d'Antonioni vu à 11 ans. Vous vous étranglez ? Nous aussi. Non pas que nous ne soyons pas fan de Michelangelo Antonioni mais à 11 ans nous étions moins précoce. Un cadeau offert par un parent, simplement parce qu'il s'appelait Tonini. D'ailleurs cela ne le conduit pas à la cinéphilie mais à la photographie. Italien, né en Suisse, Stéfano suit les cours d'une école de photographie avant de rejoindre l'IAD pour y faire du documentaire. Il y apprend la fiction. Tout en découvrant les grands réalisateurs de docs que sont Johan Van der Keuken (son préféré) mais surtout le documentaire militant de Patricio Guzman et Fernando Solanas (La Hora de los Hornos). Portrait.

Entrevue avec Stefano Tononi

Son premier souvenir de cinéma est E.T. de Steven Spielberg. « J'ai une formation de photographe de plasticien. Plutôt qu'être un cinéphile j'étais passionné par le documentaire et les voyages. J'ai parcouru pendant trois ans l'Amérique latine. En entrant à l'IAD je voulais connaître le domaine de la fiction et du scénario » Son rêve de gamin était d'écrire des romans. Il dévorait les livres. L'IAD lui permit de découvrir sa voie dans l'écriture. « Ce que l'école m'a appris c'est de passer de la feuille blanche à un écran blanc »


Il devient accro au cinéma et c'est le documentaire qui l'a poussé à étudier : « J'aime beaucoup Johan Van Der Keuken car c'est quelqu'un qui va au-delà du langage cinématographique. C'est un poète. Son point de vue a toujours été pour moi une façon hallucinante de filmer le monde. Et dans ses films on trouve la misère, le drame humain. C'était quelqu'un de très sensible aux petites choses de la vie. Sinon je suis plutôt attiré par les documentaristes latino-américains comme Patricio Guzman (La Bataille du Chili) et Fernando Solanas dont l'Heure des brasiers est l'un des grands films révolutionnaires des années septante. » Par ailleurs, après réflexion, il nous avoue que deux grands réalisateurs l'ont inspiré : Frederico Fellini avec La Dolce Vita et Amarcord, le maître de l'illusion et le second Emir Kusturica, parce qu'il s'agit de réalisateurs qui transmettent aussi bien le rêve que la réalité, le réalisme magique comme dans la fiction latino-américaine. Tout ce qui est vrai et tout ce qui est faux : en un mot l'illusion. « Ils travaillent la métaphore. Celle-ci est tellement plus forte que le mot ou la représentation directe. Cela amène davantage à la réflexion, permet la polysémie. C'est eux qui m'on fait comprendre comment passer du scénario à l'image. » C'est Paul Emond, à l'IAD, qui lui a donné confiance dans l'écriture. Il s'est concentré sur la fiction. Du coup il réalise, son premier court métrage de fiction : Come una dominica.

 

« L'immigration italienne sert de toile de fond au film puisqu'il s'agit d'une famille d'immigrés vivant à Charleroi, mais le sujet de l'histoire est celle d'une incompréhension entre un père et un fils. Celui-ci sort de prison. Le père qui est traditionaliste refuse de parler à son fils. C'est un peu l'incommunicabilité qui existe entre générations. Il y a ce fossé qui se traduit par le maniement des langues. Les parents parlent italien et baragouinent en français. Et les enfants maîtrisent parfaitement le français. Les italiens que je filme viennent de la région des Pouilles. On n'y supporte pas l'honneur bafoué et surtout le regard que les autres posent sur soi lorsqu'une faute est commise. Donc on se cache et on renie le fautif. J'ai eu le bonheur de travailler avec Fabrizio Rongione parce que c'est un acteur qui donne beaucoup. C'est quelqu'un qui aide beaucoup dans la mesure où il connaît parfaitement la technique. D'ailleurs Fabrizio Rongione ne voulait plus tourner de courts métrages. «S'il l'a fait c'est parce que c'était une histoire sur l'immigration italienne. Cela l'a suffisamment interpellé pour lui donner le désir de participer au film. Pour lui c'était des vacances. Pour moi, je peux dire que j'ai eu de la chance de l'avoir comme comédien principal. Il m'a appris plus que je n'ai pu lui apprendre. On a tourné en S16 gonflé en 35mm donc en pellicule argentique. Le numérique m'intéresse mais pas pour ce genre de film. Ceci étant j'ai acheté une HD-Cam Panasonic. Ce qui est intéressant c'est le coût par rapport à la pellicule. Comme on coupe les budgets un peu partout, on est bien obligé de commencer à écrire pour la vidéo si on veut continuer à tourner. L'erreur est d'écrire un scénario en fonction du support pellicule et ensuite se résigner à tourner en vidéo, alors que celle-ci à sa propre esthétique. Il y a de multiples avantages à utiliser une HD-Cam : on peut faire de multiples prises, on peut varier l'angle des caméras, on a une immédiateté du résultat et c'est très bien notamment pour le documentaire. » Ceci étant, Stéfano écrit son prochain court métrage en fonction du 35mm qu'il espère réaliser après le documentaire qu'il prépare. Le sujet tourne autour de l'immigration italienne en Suisse et l'intégration qu'elle suppose et qui est plus difficile qu'ailleurs en Europe. C'est aussi l'histoire de la transmission d'un père d'une soixantaine d'années et de son fils qui approche de 30 ans. « Dans dix jours je vais tourner un premier long métrage documentaire en Amérique Latine sur les élections présidentielles en Uruguay, qui sont un moment très critique où les prévisions donnent la gauche pour gagnante. Un grand tournant dans l'histoire du pays et du continent, surtout après la victoire de Chavez au Venezuela et de Lula au Brésil. Il y a une sorte de grand mouvement politico social qui se dessine en Amérique Latine. Le sud commence à se réveiller. »

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