Dans EUtopia, le journaliste et réalisateur Bryan Carter s’intéresse de près au sort de plusieurs milliers de conducteurs de poids lourds qui traversent l’Europe, parfois pendant des mois, loin de leur famille. Son enquête documentaire parcourt les routes pour rencontrer les camionneurs, mais aussi les politiques et les compagnies. Un travail d’investigation dans lequel le réalisateur questionne les lois nationales et les traités européens.
EUtopia de Bryan Carter
Publié le 07/10/2020 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique
Le moteur du film est la mort de deux travailleurs polonais dans un entrepôt belge, en 2012. De cet événement marquant et douloureux, le réalisateur commence par suivre plusieurs points de vue, ceux des victimes, de la famille, d’un camionneur afin d’y déceler les questions que sous-tendent un tel drame. Très vite, Bryan Carter s’attelle à dénouer la sous-régulation du secteur des transports européens devenue un problème de plus en plus évident et cherche à trouver le responsable.
Le film joue en permanence sur le mélange des matériaux, entre l’image brute du film et les archives journalistiques, télévisuelles mais aussi des archives sur la signature des traités. Ce montage alterné, entre image du passé véhiculant espoir, se confronte à une image du présent dans laquelle les travailleurs sont jetés dans un marché de dumping social. Qui est vraiment responsable des conditions dégradantes dans lesquelles les chauffeurs routiers d'Europe de l'Est doivent travailler ?
Au fil de son enquête, Bryan Carter cartographie l’Europe, passe de paysages en drame, rencontre les « second hand european », ces travailleurs sous-payés principalement de l’Est. Mais le dumping social semble toucher tous les travailleurs routiers et le cliché est renversé par plusieurs témoignages.
Finalement, le film engagé EUtopia dépasse la simple envie de faire un état des lieux, mais fait émerger ci et là la concurrence déloyale et l’esclavage moderne, la course vers celui qui acceptera de travailler pour le moins cher. Mais à côté des problématiques soulevées, c’est aussi une volonté de dépeindre une autre Europe, celle dont on parle peu, des oubliés de ce rêve européen.
