Cinergie.be

Famille choisie, d'Elisa VDK

Publié le 18/04/2025 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Paillettes politiques 

Alors que la visibilité de la pratique du drag est de plus en plus importante en raison notamment du succès des émissions Ru Paul Drag Race aux États-Unis et ses pendants français et belges, la réalisatrice nous entraîne dans la vie d'artistes bruxellois.ses et met en lumière leurs talents, leurs luttes et la passion qui les anime sur scène comme au quotidien.

Famille choisie, d'Elisa VDK

Iels ont pour nom de scène et de queen Blanket la goulue, Drag Couenne, Mama Tituba et Dame Lilybeth. Elles sont toutes les quatre des drag queens qui évoluent et performent essentiellement à Bruxelles. Talons hauts, sequins débridés et maquillage volontairement outranciers et décapants, elles pratiquent avec fougue le drag, outil d'expression performatif et de genre qui vient «réparer autant celle et celui qui le fait que celleux qui le reçoivent et le regardent.» 

Issu des spectacles transformistes et des shows travestis, l'art du drag s'est développé et a évolué au fil des nouvelles questions apportées par les mouvements queers au début des années 2000. Intégrant les thématiques des genres non-binaires, des transidentités et des personnes racisées, l'art s'est profondément politisé et est devenu une caisse de résonance des tremblements qui parcourent la société sur les interrogations d'identité de genre et d'appartenance aux communautés queer. Profondément subversif l'art drag est autant une expression de la multitude de soi qu'une prise de position radicale contre les normes sociales et hétéropatriarcales et racistes. Cette pratique est comme un bouclier où il s'agit « d'effacer ses traits pour en recréer de nouveaux » et d'affronter la scène et le monde avec une force et une puissance décuplées. On y interroge enfin les notions de féminités et de masculinités en les exagérant, les déformant ou en les moquant. 

Elisa VDK brosse quatre portraits, entrelacés par un montage fluide, particulièrement attachants faisant alterner avec rythme et émotion les moments purement scéniques où se dévoile cet art si singulier et des entretiens pertinents qui permettent de comprendre la démarche individuelle de chacun.e des performeur.ses. Leur parcours est une aventure en soi. Des caves humides et brutes de squats queers à des théâtres reconnus, elles ont gagné en audience et en visibilité grâce à leur engagement, leur talent et leur volonté. 

Faire communauté et faire corps leur a permis de s'opposer aux peurs et aux lgbtphobies multiples, agressions verbales et physiques dont elles ont pu être victimes.  Se promener en robe dans les rues de Bruxelles lorsqu’on est identifié comme homme a toujours un grand impact sur la société. Vivre et faire ensemble, c'est cela la famille choisie du titre, composer une cellule familiale alternative pour être soi, avec le prénom et le pronom désirés, l'apparence voulue. Mais l'intérêt du film réside également dans la grande place qu'il donne aux familles d'origine de ces artistes. Leurs parents sont également interviewés, leurs relations mises en lumière ainsi que la manière dont ils ont découvert et accepté l'orientation sexuelle ou l'identité de genre de leur enfant. 

Ces intimités ainsi racontées nous touchent et nous exhortent à résister et à saupoudrer «des paillettes sur nos cicatrices pour les magnifier».

Tout à propos de: