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Festival International du Film de Gand – 11-21 octobre 2016

Publié le 11/10/2016 par Fred Arends / Catégorie: Événement

Pour sa 43e édition, le Festival de Gand fait à nouveau de la diversité des genres et des propositions cinématographiques, son pari. Avec environ 130 longs-métrages présentés, le festival est, avec Namur, le plus important et le plus prestigieux festival de Belgique. Cette année est particulièrement riche pour le cinéma belge où une dizaine de longs-métrages sont programmés mais aussi via une riche programmation de courts. La Belgique est également très bien représentée à travers de nombreuses co-productions dont le film d'ouverture I, Daniel Blake de Ken Loach, co-produit par Les Films du Fleuve (les frères Dardenne) ou le sublime Réparer les vivants de Katell Quillévéré, co-produit par Frakas (Jean-Yves Roubin). Rencontre avec Patrick Duynslaeger, directeur artistique.

Cinergie : Comment construit-on un tel festival qui est très grand, très large et qui va dans beaucoup de directions ?
Patrick_Duynslaeger programmateur du Festival de GandPatrick Duynslaeger : Mon collègue Wim (De Witte, ndlr) et moi sommes les programmateurs et comme tous les festivals, nous essayons d'abord de montrer de bons films. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut une ligne éditoriale, montrer qu'on a réfléchi à une vision d'ensemble de la programmation même si, au final, la plupart des spectateurs n'y font pas attention. Ainsi, chaque année, le programme est construit autour de différentes sections dont la compétition officielle, les classiques, les séries et des sections thématiques dont un focus sur le cinéma nordique et le cinéma japonais cette année. Ces sections sont traversées par des « Parcours », sorte de guides pour les spectateurs où l'on retrouve notamment l'Explore Zone dédiée aux jeunes, le Belgian Cinema Today, le parcours LGBTQ ou encore le parcours « Docs ». Chaque année, nous mettons également un pays ou une région à l'honneur. Cette édition met le cinéma japonais en avant avec des films actuels, des classiques dont 5 films d’Oshima, la présence de Ryuichi Sakamoto pour les World Soundtracks Awards et la présidence du jury par Jeremy Thomas, producteur de Merry Christmas Mr. Lawrence du même Oshima. Si nous montrons des films de tous horizons géographiques, notre volonté est aussi de trouver un équilibre entre Art et Essai « pur et dur » et des films d'auteur plus grand public. En compétition par exemple, nous avons des films assez pointus comme Réparer les Vivants et surtout The Ornithologist de Joao Pedro Rodriguez. Mais aussi Hermia & Helena de Matías Piñeiro qui est, selon moi, une révélation majeure de ces dernières années. Enfin, en tant que festival, nous souhaitons montrer des films non distribués en Belgique et qui ne le seront sans doute pas.

C. : Comment le festival se situe-t-il par rapport au cinéma belge ? Cette année, il est très représenté dans la sélection...
P. D. : Oui, il y a 11 longs-métrages proposés.

C. : Dont Home de Fien Troch qui est assez radical...
P. D. : Oui ! C'est d'ailleurs aussi pour cela que nous l'avons mis en compétition. Fien Troch est une vraie auteure, elle a un regard très fort sur le monde. Et avec ce film, je crois qu'elle peut toucher un public plus large qu'avec ses précédents. Il y a quelque chose de plus direct dans celui-ci au niveau des émotions. J'ai rarement vu un film qui parvient, avec des moyens audiovisuels, à rentrer aussi profondément dans le monde des adolescents. On peut la rapprocher de Gus Van Sant ou de Larry Clark qui sont les chroniqueurs d'une certaine jeunesse américaine. Ici, c'est une chronique d'une jeunesse flamande. Malgré la disparité des origines des films, on constate qu'il y a des thèmes et des façons de les aborder qui peuvent se retrouver d'un pays à l'autre sans que ce soit des imitations ou des répétitions. Même si c'est un cliché, le cinéma est une fenêtre ouverte sur le monde. Le cinéma est aussi un cadre; ce n'est pas LE monde, mais c'est le monde vu à travers ce cadre singulier.

C. : Et il y a une responsabilité du festival dans la sélection des films belges. C'est très important d'être présenté ici ?
P. D. : Oui, c'est vrai. Je suis à ce poste depuis 5 ans, et j'ai eu la chance de voir l'émergence de très grands talents dans le cinéma flamand de ces 10 dernières années. C'est aussi l'émergence d'un cinéma d'auteur car il fut un temps où le cinéma d'auteur en Belgique était quasi exclusivement représenté par le cinéma francophone. Le cinéma flamand était considéré comme très commercial et cela finissait par devenir ennuyeux. Heureusement, nous nous sommes rattrapés. Économiquement parlant, cet équilibre entre cinéma flamand commercial et d'auteur est sain. Mais c'est vrai que personnellement, je pense que les plus grands cinéastes belges sont les frères Dardenne... Ils ont réussi ce que très peu de cinéastes belges et même internationaux sont parvenus à faire : inventer un style reconnaissable.
Pour le cinéma d’Art et Essai flamand, c'est important d'être présenté au festival qui est quand même une vitrine et un tremplin pour les nouveaux talents. Alors que nous devons aller chercher les films étrangers, le cinéma flamand vient plutôt à nous via les producteurs, les metteurs en scène. Par contre, pour les films commerciaux flamands présentés, cela dépend fortement de la stratégie des distributeurs.
Notre ambition est également de révéler de nouveaux talents et de les accompagner, de leur rester fidèles. Ainsi, tous les films de Fien Troch ont été montrés à Gand et c'est très réjouissant de pouvoir suivre un auteur, son évolution. Nous présentons My First Highway de Kevin Meul qui est un premier film, Le Ciel flamand est le second long-métrage de Peter Monsaert dont nous avions montré le premier. The King of Belgians du duo très original, Jessica Woodworth et Peter Brosens, propose un mockumentary (ou documenteur) très éloigné de leurs autres films, avec une dimension satyrique et un humour très particulier. Il y a aussi le documentaire Shadow World qui traite de la vente d'armes au niveau international et qui est très politique. Enfin, le documentaire sur le chanteur Arno permet aussi de faire le lien avec la musique qui est un élément essentiel de ce festival. Enfin, nous présentons Souvenir, deuxième long de Bavo Defurne avec Isabelle Huppert et qui fera la clôture. Isabelle Huppert sera présente, et c'est évidemment essentiel pour nous de bénéficier de la présence de grands noms.
J'espère que le festival permet de donner une crédibilité, une visibilité et une certaine force à ces films parfois fragiles et que nous réussissons à être des « passeurs ».


 

Film Fest Gent – 11 > 21 octobre  www.filmfestival.be


 

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