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Henry Ingberg, L'avenir du cinéma belge

Publié le 01/01/2001 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

1. Les années nonante


Les années nonante ont été fastes pour le cinéma belge. Singulièrement en ce qui concerne les films choisis par la commission de sélection, en avance sur recettes, et défendus, à divers stades de leur fabrication (dans les Festivals Internationaux via le WBI, publications de catalogues, cartes postales, etc.) par le Centre du Cinéma de la Communauté française. C'est pourquoi il nous a paru utile de nous entretenir avec Henry Ingberg, Secrétaire général de la Communauté française et Directeur du Centre du Cinéma et de l'audiovisuel, sur l'avenir d'un cinéma en plein bouillonnement. 

Cinergie : Notre cinéma a connu une décennie brillante après des années d'obscurité. A quoi, l'attribuez-vous, est-ce à la mise en place, à la fin des années septante, du système de la commission de sélection des films, inspiré de l'exemple français de l'avance sur recettes ?
Henry Ingberg : Au fait que la commission de sélection des films n'a pas de schéma préétabli, n'applique pas une grille de critères devant nous amener inexorablement à la réussite artistique et au succès public. La commission étudie les dossiers de films pour aider aussi bien les producteurs, les réalisateurs que leurs équipes à aller au bout de leurs projets personnels. Plus une oeuvre est personnifiée, individualisée, originale, plus elle a une chance de s'imposer. Donc, au lieu de brider et de corseter les projets présentés la commission intervient - notamment pour dire de prêter attention à tel élément ou à tel autre -pour aider les auteurs du projet à aller au bout d'eux-mêmes et non pour les amener dans un mainstream qui serait insipide et n'intéresserait personne. Cette manière de faire - ce qui ne signifie pas que tout se passe dans la bonne humeur ou avec facilité - aide les talents à s'assumer, à s'exprimer et à se réaliser. Ça c'est fondamental.
De toute façon, l'approche, qui consiste à imposer des critères prédéterminés, demande des moyens tout à fait considérables du type industrie hollywoodienne où l'on peut formater un scénario ou un film qui, n'ayant peut-être pas beaucoup d'inspiration ou de contenu possède suffisamment d'ingrédients pour satisfaire le consommateur. Nous n'avons pas cette capacité industrielle lourde (je rappelle qu'on est en dessous du milliard y compris avec l'aide des télés, des cablo-distributeurs, etc.). Il faut donc absolument s'accrocher au talent et à l'originalité et -- j'insiste - ne jamais avoir de critères prédéterminés qui feraient des films produits, des films de la commission. Un film de la commission ça n'existe pas !

2. Préjugé favorable

C. : Que s'est-il passé de particulier dans cette " décade prodigieuse " ?
H. I. : Dans les années nonante, il y a eu une éruption du talent belge francophone sur le plan international. Une curiosité a été éveillée qui fait qu'aujourd'hui encore on a un préjugé favorable vis-à-vis des films belges. Les critiques sont attentifs, les distributeurs sont intéressés. C'est un changement de climat tout à fait profond puisqu'avant cette période on vivait dans une marginalité permanente accompagnée d'une spirale négative, hormis avec André Delvaux qui était l'exception confirmant la règle. Maintenant qu'on a un préjugé favorable, l'enjeu est de le maintenir. On produit huit longs métrages par an. On dit à juste titre que chacun de nos films est un prototype. Chaque film étant une aventure, on recommence tout à chaque fois mais avec cette responsabilité supplémentaire d'être un symbole pour l'ensemble de notre cinéma. Ça veut dire que chaque auteur de long métrage non seulement doit réussir à imposer son film pour soi mais entraîne également dans son sillage une symbolique positive (nous avons connu le négatif antérieurement). Sa responsabilité est d'autant plus grande mais en même temps il est exaltant de constater qu'au- delà du projet personnel qu'on porte on crée un climat d'effervescence, une émulation qui se reporte sur l'ensemble du cinéma belge. Il y a un climat de vitalité et d'ouverture au monde, pour parler autrement que de la " mondialisation ".
Le cinéma de notre communauté a longtemps vécu en circuit fermé entre des aides publiques à la production, la projection du film en festival, sa diffusion en télévision, puis à l'intérieur des frontières avec un report souvent marginal sur la France, très rarement sur l'extérieur. Actuellement, il est devenu monnaie courante qu'un film belge soit diffusé au Japon qu'il sorte aux Etats-Unis et qu'il aille en Amérique du sud. Il est frappant de voir que cela marque l'imaginaire, l'espace de respiration des auteurs. Leur ambition personnelle est d'emblée le monde même s'ils parlent de ce qui est très proche, très local.

3. Le monde

C. :On atteint l'universel à travers le singulier ?
H.I
. : Peut-être atteint-on l'universel dans la singularité, peut-être, je n'oserais pas l'affirmer. En tout cas, ce n'est pas incompatible. On peut être très proche d'une réalité spécifique et en même temps trouver une résonance universelle. Et ça c'est une caractéristique du cinéma belge et nos cinéastes s'en sont rendus compte. Ils ont une caisse de résonance qui dépasse de loin les frontières de la Belgique, de la France et même les frontières de la francophonie pour toucher des pays avec lesquels nous n'avons pas de traditions de coopération culturelle. Dans leur tête, ça crée un espace, une envie et un appétit qui s'est profondément modifié. Un sentiment qu'il n'y a pas de préalable (comme être d'abord engagé par un grand studio américain ou d'abord obtenir une grande production française) mais pouvoir faire un film avec des moyens limités et rejaillir internationalement (ce qu'on a vu aussi avec des films anglais). Cela est un signal extrêmement stimulant pour tous les jeunes qui ont envie de faire du cinéma. Le climat a changé ce qui ne signifie pas que les ennuis ont disparu. Au contraire les questions du financement se posent de manière de plus en plus pesante. 

4. Ateliers

C. : Qu'en est-il des ateliers de production et d'accueil, de nos nombreux workshops qui sont le garant de la continuité de notre cinéma et un vivier où peuvent s'exprimer de nouveaux talents. N'est-ce pas là que se trouve les cinéastes de demain?
H. I. : Il a fallu que le cinéma belge soit reconnu dans de grands festivals comme Cannes ou Venise, salué par la presse étrangère pour qu'en Belgique on se rende compte de la qualité de notre cinéma. C'est l'effet boomerang ou la traduction dans le cinéma de cette expression : " nul n'est prophète dans son pays ". Dans la période de non-reconnaissance au moment où les ateliers ont été constitués, il y a plus de vingt ans de cela, il fallait vraiment labourer profond pour pouvoir semer puisqu'en terme de récolte c'était des moments extraordinaires mais exceptionnels -- j'ai cité André Delvaux- en tout cas, isolés. La volonté de créer véritablement une pépinière pour que des talents puissent s'y révéler afin d'éviter que nos cinéastes ne soient obligés de s'exiler pour pouvoir exister. Ces ateliers ont correspondu à un travail permanent et en profondeur. Permanent parce que la commission de sélection agit au coup par coup, film par film, il fallait donc assurer une continuité dans la réflexion, dans le travail. Une écriture, un style, ne s'acquièrent pas d'un coup. Se forger une véritable écriture cinématographique pour chaque réalisateur n'est possible que dans la continuité. L'intérêt des ateliers est qu'ils offraient un cadre permanent léger. Les ateliers les plus dotés (WIP et le CBA) ont une subvention annuelle de quelques 9 millions. Ce n'est pas énorme mais ça permet une continuité dans l'accueil des jeunes créateurs, leur offre un encadrement dans le travail de production, leur offre du temps pour faire leurs gammes mais aussi leur offre des interlocuteurs avec lesquels ils peuvent confronter leur point de vue. Ils sortent du circuit de productions classiques où les impératifs de durée sont dépendants des intérêts économiques et commerciaux. La durée est le luxe qu'offrent les ateliers, un temps d'acclimatation. Ils ont permis cela à côté de la commission de sélection.

5. Rosetta

C. : Le succès critique et public de Rosetta a-t-il changé quelque chose ?

H. I. : Oui. Grâce à Rosetta, la Palme d'Or, des frères Dardenne qui sont deux cinéastes typiquement issus des ateliers on a compris que les cinéastes formés dans ceux-ci pouvaient aller jusqu'au bout de leur propos mais aussi jusqu'au sommet de la chaîne cinématographique : au professionnalisme et à la notoriété. La confirmation du travail des frères Dardenne a permis de souligner l'importance des ateliers. Je dirais que paradoxalement elle a interpellé les producteurs professionnels. Ils ont pris conscience de l'intérêt d'un travail sur la durée. Certains ont même réagi en disant que les ateliers avaient les moyens d'un travail permanent qu'ils n'ont pas en tant que producteurs puisque qu'ils ont un parcours qui va de film en film, sans avoir de chemin continu. Ainsi, au lieu de ressentir les ateliers comme des concurrents, les producteurs les considèrent comme complémentaires.
Les ateliers peuvent accueillir des jeunes qui n'ont pas suivis le cursus d'une école, comme l'INSAS, l'IAD, l'INRACI ou La Cambre (chacune d'entre elles disposant aussi d'un atelier de production qui lui est propre où les étudiants à la fin de leurs études se frottent aux conditions réelles de la production, de sorte que ce travail ne soit pas uniquement esthétique.) Par ailleurs, je répète sempiternellement, que trois cents sociétés de production en Belgique - même si certaines sont plus importantes que d'autres - ça veut dire un éparpillement extrême. Chacun pouvant créer sa propre société, c'est formidable mais ça signifie aussi que chacun dispose d'une surface de moyens extrêmement limités. Donc d'une fragilité terrible. Dés qu'il y a un problème qui se pose c'est l'asphyxie. C'est l'un de nos handicaps. Régulièrement nous en faisons le diagnostic avec la profession mais, du coté des pouvoirs publics, on ne peut pas obliger les gens à se regrouper.

6. Capital privé

C. : Comment structurer la production ? Avec l'aide des capitaux privés qui se font attendre ?
 H. I. : Depuis près de vingt ans, on a un projet qui, à coté des aides film par film permettrait à un groupement de producteurs de présenter un programme de développement sur quatre ou cinq ans et qui pourrait faire l'objet d'une aide pluri-annuelle. Si ce projet ne s'est pas encore concrétisé c'est aussi parce que les moyens publics donnés au cinéma ont peu évolué. Le succès du cinéma qui devrait entraîner -- et je pense qu'il y a une envie réelle de la part des autorités politiques -- un apport d'argent se heurte à des tas de conditions financières qui font que les budgets progressent de deux pour cent en moyenne.
Comment peut-on, avec deux pour cent, initier des politiques nouvelles ? C'est matériellement impossible ou alors il faut tuer certains projets qui existent. Si l'argent privé, si le commerce avait pris le relais de la notoriété et du succès de nos films on trouverait des espaces nouveaux. Je pense que c'est possible. On n'en est pas loin. Il y a la création de Wallimages. On commence à voir des interlocuteurs économiques qui on fini par s'apercevoir - au-delà de la sphère artistique - de l'existence du cinéma belge.
Un des objectifs serait de permettre aux producteurs de présenter des projets sur quatre ou cinq ans en disant : nous on fait un pari dans telle orientation. Ce serait des projets qui pourraient être mis en concurrence devant la commission de sélection et ça nous permettrait de comparer le système film par film avec aide aux projets sur la durée.

7. Tax-shelter

C. : Qu'en est-il de ce serpent de mer que sont les Tax-shelter? La plupart des longs métrages belges se tournent désormais au Luxembourg parce que ce système y fonctionne ?
H.I.
 : C'est vrai, c'est un peu comme l'Arlésienne. On a parle beaucoup et on ne la voit jamais. Les décisions dépendent du Ministre du Budget et du Ministre de la Culture. On avait espéré que le projet puisse aboutir lors de la législation précédente. Actuellement, ce qui est encourageant, c'est que le problème a été posé dès le début de la législature. La difficulté étant toujours que les choses prennent forme et se concrétisent. Mais enfin l'environnement économique semble beaucoup plus favorable. Il y a cette reconnaissance et cette notoriété du cinéma belge qui montre que les films - et Rosetta qui est tout sauf un film complaisant a atteint un million d'entrées -- ça veut donc dire qu'économiquement ça devient intéressant. Il ne s'agit plus seulement d'un cinéma fait par des gens sympathiques, talentueux et marginaux mais par des gens qui ont une présence et un impact économique. Tous ces facteurs font que l'on est de plus en plus convaincu au delà des milieux cinématographiques que ça vaut la peine de porter ça. L'intervention de Viviane Reding, la Commissaire européenne, était encore inconcevable il y a cinq ans de même que celle de Philippe Maystadt qui est à la tête de la BEI (Banque Européenne d'Investissement) ont mis en route un programme de prêts à des taux préférentiels pour le domaine de l'audiovisuel et du cinéma. Ils ont annoncé un montant de vingt milliards disponibles à l'échelle de l'Europe. Constater que la Banque Européenne d'Investissement se tourne vers le cinéma et que la Commissaire européenne passe un accord avec elle, tout ça est une confirmation de la crédibilité de ce secteur mais aussi de son importance dans le domaine économique. Ce que les Américains avaient compris depuis longtemps mais pas du tout les Européens. C'est le signe d'une prise de conscience en dehors des milieux professionnels spécialisés. Je signale aussi que la BEI vient en complément de cette perspective du Tax-shelter. Je pense qu'on a vraiment toutes les conditions réunies en termes artistiques et en termes économiques pour y arriver.
Ce qui est resté longtemps en projet c'est l'idée d'une aide économique dans le secteur du cinéma parce que, jusqu'à présent, la Communauté a donné une aide culturelle, au sens large, avec les avances sur recettes mais couvrant tous les stades du développement d'un film, depuis l'écriture du scénario jusqu'à la promotion d'un film lorsqu'il est présent sur les marchés. Du côté de la Région Wallonne il y a eu la volonté de mettre en place une synergie avec la Communauté française, un fonds de développement économique : Wallimages. C'est une approche économique alors que nous avons une approche culturelle, nous sommes donc complémentaires. Mais les priorités sont différentes. Nous allons coopérer puisqu'il y a deux observateurs de la Communauté qui siègent dans le conseil d'administration de Wallimages et nous allons avoir le même échange en terme de présence de Wallimages comme représentation à la Commission du Film et au comité de concertation du Centre du cinéma et de l'audiovisuel. Notre volonté est de faire en sorte que la composition des dossiers soient communs aux deux institutions pour éviter que les producteurs doivent reproduire sous trois présentations différentes le même projet.

8. Wallimages

C. : Concrètement, un producteur qui remet un projet aux deux instances, la Commission et Wallimages peut obtenir de l'argent des deux ?
H. I. : C'est ça. Bien entendu ! Comme j'espère - lorsque le Tax-Shelter sera là -- les gens pourront avoir une aide en avance sur recettes, une aide de la Communauté et une aide de Wallimages. On peut même dire que Wallimages prendra tout à fait son envol lorsqu'il sera accompagné par le Tax-Shelter parce que, à ce moment-là, on pourra y attirer ce qui manque de manière radicale aujourd'hui : le financement privé. Pour le moment il n'y en a aucun. On a des cahiers de charges, les télés, les télédistributeurs mais il n'y a pas de capital privé investi dans les films. Le dispositif d'aide économique accompagné du Tax-Shelter qui attire des capitaux privés sera significatif. Sinon ce sera 400 millions sur quatre ans. Ce qui n'est même pas la moitié du budget du Roi Danse de Corbiau. Les Belges ayant une part minoritaire du budget. (l'argent est franco-allemand). Mais tant mieux si les Belges sont capables de générer des financements importants d'autres pays. Ça prouve notre crédibilité. Mais ça signifie aussi qu'en terme de budget, chez nous, on est proche du symbolique. Il faudrait donc un effet turbo.

9. RTBF

C. : Le rôle de la RTBF ne pourra-t-il pas être d'intervenir davantage au niveau du cinéma et au niveau de séries qui peuvent être créatives tout en ayant du public (on songe à Twin Peaks et à The Kingdom, séries réalisées par David Lynch et Lars Von Trier ou la série culte anglaise : Absoluty Fabulous) ?
H. I. : Il fut un temps où la RTBF n'investissait plus un franc dans la création au moment où son déficit budgétaire l'a amené à prendre des plans d'urgences successifs jusqu'à ce qu'elle revienne à un équilibre financier. C'est le cas actuellement. Il ne faut pas oublier RTL-TVI qui est le partenaire financier du Roi danse de Corbiau ainsi que Canal+, et, dans l'ordre d'une centaine de millions, la RTBF aussi. Les choses s'étant remises en place à l'occasion de la création du Fonds Di Rupo. Cela a permis à la RTBF de redémarrer dans le secteur du cinéma en étant partie prenante d'un projet et non plus par obligation. Ils sont ravis au point de vouloir investir davantage dans la production - malgré un contentieux entre les producteurs et la RTBF dans la mesure où elle a un peu tendance à imposer ses propres conditions. Il faut donc faire en sorte que la partie dans laquelle on joue soit équitable pour tous.
Le problème de la production de séries et de téléfilms réalisés par des auteurs de cinéma est son coût. Une heure de programme produit vaut combien par rapport à une heure de programme acheté ? Dans le domaine de la fiction dix fois plus. Produire c'est ce qui est le plus exaltant mais c'est ce qui est le plus cher. Cela ne devient possible économiquement que s'il y a beaucoup d'achats à l'étranger. Il y a eu le projet des Maîtres de l'orge qui a montré que cela pouvait fonctionner. Et maintenant la RTBF est prête à s'impliquer. Ce sera un des points sur lequel Le Ministre Richard Miller a beaucoup insisté et, d'après ce que j'entends, cela pourrait devenir un point du prochain contrat de gestion entre la RTBF et la Communauté française. Le succès de notre cinéma encourage a entrer dans ce dispositif. Mon pronostic est très positif. Les gens de la RTBF se rendent compte que la fiction est un élément d'entraînement extraordinaire. Il est évident qu'on ne peut pas exister uniquement à travers l'info, des magazines, des émissions de plateau (tout ce qui est libre de droit), un moment donné la fiction est aussi ce qui traduit le mieux la personnalité d'une culture d'un pays et dans toute sa diversité. On a besoin de la fiction comme locomotive.

10. Diffusion

 C. : Comment faire connaître, au public des salles, un long métrage belge lorsqu'il n'a pas bénéficié du battage médiatique d'un grand Festival International ?
H. I. :
Le public ne découvre pas spontanément ou miraculeusement un film. On connaît bien les problèmes de l'exploitation cinématographique. Les distributeurs et les exploitants de salles souhaitent des films qui drainent un maximum de public. Lorsqu'on a un film qui n'a pas fait l'objet d'une opération de marketing, que sa notoriété ne résulte que de la critique cinématographique et d'une réputation qui s'établit de bouche à oreille - sauf s'il bénéficie de la reconnaissance d'un Festival International comme Cannes ou Venise qui lui donne un coup de projecteur - on rame.
La notoriété demande du travail. Il y a des producteurs qui conçoivent ce travail de mise en relation avec le public dés le début de la conception du film. Ça n'a rien d'avilissant pour l'auteur que de chercher à le mettre en contact avec un maximum de spectateurs, cela répond également à son attente. Un réalisateur peut se résigner à ne pas avoir beaucoup de spectateurs mais je ne crois pas que son souhait soit d'en avoir peu ou alors c'est une forme de pudeur.
Beaucoup de producteurs concentrent l'ensemble de leurs moyens sur la production parce que l'objet doit exister et il ne leur reste plus de marge pour l'information, la promotion. Ce que nous avons c'est une structure pour être présents dans les marchés - et c'est très cher d'avoir un stand, un lieu dans lequel on peut montrer un film à des acheteurs potentiels -- donc Wallonie Bruxelles Image offre cette structure pour un coût tout à fait dérisoire. Ça veut dire que chaque producteur doit monter en ligne, trouver ses acheteurs, ses distributeurs. C'est à nouveau les avantages de l'individualisation et les inconvénients de la dispersion. Comment réunir les deux aspects ?
Nous avons plaidé, lors de Média+, pour que dans le programme européen, on fasse la promotion dans l'ensemble de l'Europe mais aussi vers les autres continents, en Amérique Latine en Asie afin que nous soyons présents en terme de marketing (les Européens produisent plus de films que les Américains, ont une palette de choix beaucoup plus diversifiées). Mais là, chaque pays - à part, peut-être, la France - est incapable d'assumer une communication sur ses films dans l'espace du monde entier.

11. Internet

C. Vous ne pensez pas qu'un média comme Internet puisse être l'une des solutions ?
H. I
. : Internet est une solution d'avenir et sur lequel il faut investir. Internet à une croissance exponentielle mais qui, vis-à-vis du grand public, est encore limitée. Il y a le haut débit qui s'étend petit à petit, comme le téléphone. Je pense qu'il y aura une croissance et donc on va atteindre un seuil qui va en faire un média grand public. Pour le moment c'est encore une affaire de gens jeunes mais ça s'étend. On ne peut pas encore mettre tous les moyens sur Internet bien qu'on ait là un accès à une diffusion mondiale. J'y serais favorable. Parce qu'on aurait un maximum de répercussions par rapport aux moyens dont on dispose. La difficulté pour l'instant étant la limitation de l'accès et donc la nécessité de continuer à faire de la promotion via les Festivals, les marchés et via les annonces dans les journaux et la télé. Cette phase est la plus chère parce qu'on doit maintenir les deux systèmes. Je dirais avec Internet on doit y aller - on va le faire ensemble d'ailleurs - mais en attendant, il faut toujours un stand dans les marchés avec une tasse de café à offrir.