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Hommage à la communauté juive de Salonique

Publié le 25/05/2023 / Catégorie: Événement

La douleur de la mémoire

Thessalonique ou Salonique était nommée madre de Yisrael (mère d'Israël) en ladino, la langue des Juifs sépharades. Après la « Reconquista » chrétienne finalisée en 1492, les musulmans et les juifs sont expulsés de l’Espagne d’Isabel de Castille et Fernando d’Aragon et trouvent refuge partout dans le monde, mais principalement, les uns au Maroc, les autres à Salonique. La communauté juive a longtemps constitué plus de la moitié de la population de la ville, alors sous occupation ottomane.

Hommage à la communauté juive de Salonique

En 1912, suite à la Première Guerre balkanique, la ville passa sous contrôle grec. L’incendie de 1917 de Thessalonique marqua un tournant dans la réalité de la communauté. Concentrée dans la ville basse, elle fut fortement touchée par le sinistre. Dès 1918, suite à la guerre gréco-turque qui se termina en 1922 avec « la Grande catastrophe » et le déplacement des populations entre ces deux pays, Thessalonique et Athènes ont accueilli un exode massif de réfugiés. La population grecque augmenta d'un seul coup de 20 %. À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, 40 % de la population de Thessalonique était juive. Puis vint l’occupation allemande dans le nord du pays et l’extermination massive des juifs. Des 77.377 juifs qui vivaient en Grèce en 1940, 67.149 sont morts, beaucoup exterminés à Auschwitz, dont les vieillards, les femmes et 13.000 enfants.

Le premier train de la mort quittait Thessalonique pour Auschwitz le 15 mars 1943.

Quatre-vingts ans plus tard, en mars 2023, le 25e Festival international du documentaire de Thessalonique rend hommage à la communauté juive de la ville en organisant l’événement « Adio Kerida », une série de projections de films-témoignages des atrocités que la communauté a subies. Oubliés des livres d’Histoire, expulsés de leurs racines ancestrales, les juifs de Grèce vivent profondément leurs blessures toujours vives. C’est un acte d’une grande humanité que le Festival a accompli en permettant de montrer sur grand écran et dans des salles combles plusieurs documentaires historiques sur la déportation et l’extermination des juifs de Thessalonique, basés sur des témoignages de survivants. Une pierre importante dans les fondations de la reconnaissance de la collaboration ou du moins de la passivité des autorités et de la population grecque face au massacre d’une partie de sa population, avec la spoliation de ses biens et même de son cimetière ancestral.

Les films montrés étaient des productions anciennes, exception faite du bouleversant Heroes of Salonika (2021) de Tom Barkay. Six survivants de l’Holocauste venus de Thessalonique décrivent avec une précision glaçante les tortures, les méthodes d'extermination, les maladies, la famine et les expériences qu'ils ont subies.

Dans Salonique, ville du silence (2006), le réalisateur Maurice Amaraggi, né à Thessalonique, rend hommage au glorieux passé multiculturel de la ville, appelée "Jérusalem des Balkans".


Dans le documentaire Kisses to the Children (Embrasse les enfants) (2011) de Vassilis Loules, on part à la rencontre de cinq enfants juifs grecs sauvés par des familles chrétiennes pendant l'occupation allemande, cinq "enfants cachés" qui ont vécu dans un silence total. Cinq enfants forcés de mûrir subitement.


Le documentaire By-standing and Standing-by (2012) de Fofo Terzidou retrace la riche histoire de la communauté juive de Thessalonique. À travers des témoignages de survivants et des interviews d'historiens et d'autres experts, le documentaire explore des histoires difficiles de traumatisme collectif. La programmation de « Adio Kerida » était complétée par des films sur l’Holocauste : À pas aveugle (From Where They Stood) de Christophe Cognet : Dans des camps de concentration et d'extermination de la Seconde Guerre mondiale, une poignée de déportés ont risqué leur vie pour prendre des photos clandestines et tenter de documenter l'enfer que les nazis cachaient au monde. Shoah, le film culte de Claude Lanzmann, The Driver is Red de Randall Christopher, le Spécialiste de Eyal Sivan et la copie restaurée du film de Carl Boese, Paul Wegener, Le Gholem, réalisé en 1930.

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