La société IOTA Production a vu le jour en mars 2000. Son intérêt, depuis le début, se porte sur le film documentaire, véritable passion de sa productrice Isabelle Truc, mais s'ouvre progressivement en fiction et animation. IOTA Edition se mettra en place pour fin 2006 avec le catalogue des films produits par la société, édités en DVD et vendus en ligne sur le site ou dans quelques lieux spécialisés. Rencontre avec une femme passionnée et volontaire qui aime son métier et ne compte pas ses heures...
Isabelle Truc pour IOTA Production
Cinergie : IOTA, d'où vient ce nom ?
Isabelle Truc : On voulait un nom qui puisse fonctionner quelles que soient la langue et la culture. Je voulais quelque chose de méditérranéen, de féminin, et on a choisi cette lettre de l'alphabet grec sans remarquer que mes initiales se trouvaient dedans (rires)!
C. : Vous avez commencé par travailler dans le social et tout d'un coup vous êtes passée au cinéma. Que s'est-il passé ?
I. T : J'ai fait des études sociales à Liège c'est vrai, mais j'étais déjà une grande fan du cinéma Le Parc où je passais toutes mes soirées. Puis, j'ai fait des études de journalisme qui m'ont permis de savoir ce qu'est une caméra, une équipe de tournage. J'ai fait aussi une année en Elicit pendant un an, puis un travail dans le service de presse de la Communauté Européenne : c'est à partir de là que j'ai découvert le documentaire et progressivement, j'ai eu envie de me rapprocher de ça. Cela m'a donné envie de travailler dans des boîtes de production belges. J'ai commencé chez Saga Film il y a déjà longtemps. Puis, suite à l'aventure chez Latitudes Production à Liège, je me suis lancée. Depuis lors, l'aventure continue.
C. : C'est surtout le documentaire qui vous attirait ?
I. T : Dans le documentaire, il y a ce travail avec la réalité et une manière particulière de regarder dont je ne me lasse pas. Chaque film est une aventure, une découverte du monde, un point de vue particulier. Mais c'est surtout vrai pour le documentaire; c'est une force incroyable.
C. : Et vous n'êtes jamais passée derrière la caméra ?
I. T : Non. Je suis bien là où je suis et c'est une place que je découvre chaque jour. Je suis polyvalente et j'aime brasser les idées et ma position d'accompagnement et de défense des projets est idéale. Cela me permet d'évoluer chaque jour. Dans mon travail, j'ouvre au maximum toutes les possibilités de collaboration au niveau international, ce qui est très enrichissant. C'est un métier qui se professionnalise de plus en plus. Mon rôle est de tisser des liens hors de la Communauté française de Belgique, et vu notre financement qui reste encore fragile, c'est très important.
C. : Vous collaborez uniquement avec les pays francophones ?
I. T : Il y a un lien privilégié avec la France bien sûr, mais j'ai aussi des contacts avec l'Allemagne, l'Espagne, les pays nordiques... le Canada aussi qui permet une ouverture sur le marché américain.
Une de nos forces en Belgique, c'est d'être justement au coeur de l'Europe, ce qui ouvre facilement sur les autres pays européens. Nous avons besoin des autres pour avancer mais ça reste une lutte continuelle. On repart un peu à zéro à chaque nouveau projet. Quand on réussit à avoir des partenaires à l'étranger et qu'on peut travailler en confiance, cela permet d'être plus fort et c'est très profitable. Travailler en vase clos serait une erreur. L'inter-culturalité est une nécessité à tous les niveaux; elle fait partie de notre identité.
C. : Et en ce moment, quels sont vos projets ?
I. T : On a plusieurs productions en route : documentaires, courts métrages et films d'animation. Le film documentaire reste précieux pour nous, même si on s'ouvre peu à peu à la fiction. Il y a d'un côté les projets de films, de l'autre le projet IOTA en lui même qui petit à petit prend forme, avec toute une équipe de production, de plus en plus de matériel etc. Sur Bruxelles, nous avons un bureau, avec une salle de montage et sur Liège nous sommes en partenariat avec Digital Graphics pour tout ce qui est animation. Il est important qu'un producteur indépendant puisse apporter une faisabilité, même modeste.
C. : Comment se passe le travail de production ?
I. T : Il est important d'accompagner le projet du début à la fin. Dans la phase de production, le directeur de production est présent et travaille vraiment sur le projet. Le soutien est quelquefois technique, d'autre fois plus moral. En période de montage, on continue à le suivre. Enfin, quand le film est terminé, le but est qu'il soit vu le plus possible et nous devons le défendre pour lui trouver un public; c'est une autre bagarre. Cet encadrement se fait en équipe. Il faut faire ce chemin ensemble. On travaille aussi avec des réalisateurs qui ont leur propre boîte mais qui ont besoin de quelqu'un techniquement fort pour défendre les projets. Je fais ça avec Patric Jean, avec Anne Lévy-Morelle, Marie-France Colin... C'est la diversification qui nous permet de grandir. Il faut juste être bien organisé.
C. : Pour que les films soient vus, vous comptez recourir à la production de DVD ?
I. T : J'aimerais beaucoup mettre en place une société d'édition de DVD pour que les films soient vus. On aimerait très prochainement proposer une paiement en ligne et envoi du film commandé et je crois que ça peut fonctionner. La visibilité reste un réel problème. Il y a une multitude de films et il n'est pas toujours facile de se distinguer, de se faire connaître. Les écrans sont colonisés par le cinéma américain évidemment. Je veux continuer à défendre les projets que j'aime. Et même si c'est difficile, je ne veux pas abandonner.
C. : Pour la visibilité, il y a les festivals ?
I. T : Oui, mais ça reste difficile. Il va y avoir la sélection de Biarritz prochainement. On se retrouve devant 2000 films et 30 seulement seront sélectionnés ! Il faut être pris. Le label "cinéma belge" est fort. Il faudrait avoir une meilleure vitrine ! Proposer des films à la demande... C'est maintenant que tout se joue !
C. : Vous êtes membre d'EURODOC. Vous pouvez nous en parler ?
I. T : Moi, j’ai fait ARISTA, une formation pilotée par le British Film Institute. C’était une formation très intensive et très intéressante au niveau de l’écriture et l’analyse de scénario, avec ce côté anglophone très rigoureux. Cela permet de prendre conscience des manières différentes de fonctionner. J’ai ensuite suivi la formation EURODOC, un réseau européen de producteurs de films documentaires. Cette formation est très utile pour apprendre à suivre un projet, comprendre où sont les sources de financements et comment les atteindre et enfin comprendre ce qu’est la coproduction. Ce qui est formidable, c’est qu’il y a des festivals ou des marchés qui permettent de se revoir chaque année et de tisser des liens en fonction de projets particuliers. Pour les réalisateurs, il y a des concours, des formations spécifiques (écriture de scénarios par exemple) qui sont un véritable enrichissement. Je crois qu’il existe aussi des formations pour les techniciens. Je ne peux qu’encourager cette ouverture car cela donne des outils pour mieux se définir, pour mieux fonctionner et trouver des partenaires.