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José Luis Escudero : Festival Cinémas d'Espagne et d'Amérique Latine

Publié le 01/12/2004 / Catégorie: Entrevue

Réalisé sous les auspices des programmes Al-Invest et ProInvest de la Commission Européenne, le V Marché Audiovisuel Europe/Amérique Latine/Caraïbes a eu lieu à Flagey le 8, 9 et 10 novembre dans le cadre du Festival Cinémas d'Espagne et d'Amérique Latine.

Lors de sa 12ème édition, l'événement a voulu souligner la relation, qui se veut de plus en plus étroite, entre les cinémas espagnol et latino-américain et la Belgique. Raison suffisante pour un Courriel Express avec José Luís Escudero, directeur du Festival.

José Luis Escudero : Festival Cinémas d'Espagne et d'Amérique Latine

 

Cinergie : Quel est le bilan du V Marché Audiovisuel Europe / Amérique Latine / Caraïbes réalisé ce mois de novembre au Flagey?

José Luis Escudero : Il y a eu une présence importante d'entreprises - près d'une trentaine latino-américaines, majoritairement de l'Argentine, mais aussi du Brésil, du Mexique, de la Colombie - plus une présence de 15 entreprises dominicaines grâce au programme programme ProInvest. IL y a eu également une cinquantaine d'entreprises européennes. Cela est déjà un succès parce que il y a aucun marché dans aucun Festival de cinéma belge, ni même dans les festivals les plus importants : le festival de Gent et le Festival de Namur. Le fait de réunir toutes ces entreprises européennes et latino américaines pour la seconde fois consécutive en Belgique, c'est déjà un succès.

En plus, il y a 12 préaccords qui ont été signés, mais je préfère attendre parce que un préaccord ce n'est pas un contrat. Cette année on a montré dans le festival quatre films qui ont été tournés grâces aux marchés réalisés à Bruxelles et à Buenos Aires. On a déjà signé pour un montant total de huit millions d'euros en contrats de co-productions entre l'Europe et l'Amérique Latine, entre tous les marchés qu'on a fait. Un bilan concret est encore compliqué à établir parce que ces gens se sont réunis il y a quelques jours. Mais pour l'instant, pour moi, le bilan le plus positif c'est qu'on est le seul festival en Belgique qui organise un marché du film.

 

Cinergie : Malgré la dimension réduite du milieu cinématographique belge, croyez-vous que la co-production de films de fiction avec l'Amérique Latine sera un jour une priorité? Le documentaire serait peut-être un terrain à explorer, plus que la fiction...

José Luis Escudero : C'est vrai que le milieu cinématographique belge est assez réduit. Cela peut apporter des avantages et des inconvénients. C'est un avantage pour les latino-américains parce qu'ils négocient avec quelqu'un qui ne peut pas être arrogant et qui, en principe, ne pourra pas être un producteur majoritaire. Un producteur latino-américain trouve qu'il est plus ou moins dans la même condition qu'un belge. Deuxièmement, la Belgique a une certaine tradition de collaboration avec l'Amérique Latine, notamment au niveau des documentaires. Il y a beaucoup de réalisateurs latino-américains d'ici qui ont fait des productions avec l'Amérique Latine comme Ronnie Ramirez, Diego Martinez Vignatti, Patricio Guzmán.

Ils ont tourné là-bas mais ils n'ont jamais eu sur place des gens avec qui travailler parce qu'ils ne connaissaient aucun professionnel de ces pays. Pour ces gens qui ont déjà ouvert un canal avec l'Amérique Latine, on veut créer des nouvelles conditions de co-productions. C'est vrai que, effectivement, la Belgique ne participe pas majoritairement dans beaucoup de longs métrages de fiction, mais cela n'est pas un terrain vierge non plus... On peut penser à Putain de vie de Beatriz Flores Silva, où la Belgique était présente via Saga Films. Donc, la Belgique ne rejette pas la possibilité de travailler avec l'Amérique Latine. Ce qu'on veut c'est augmenter cette collaboration. Même si le cinéma belge est assez différent des cinémas espagnol et français, on croit que Bruxelles est un lieu stratégique pour avoir un marché. Pourquoi un marché à Rotterdam et pas à Bruxelles ?

 

Cinergie : Imaginez que je suis un producteur belge qui n'a pas participé au marché. Que me diriez vous afin de me convaincre à participer dans la prochaine édition qui aura lieu en mars 2005 en Argentine?

José Luis Escudero : Je dirais que je comprends que l'Amérique Latine n'est pas un territoire naturel pour les producteurs belges. Buenos Aires est à 12 heures d'avion. Les producteurs belges trouvent que l'Argentine est loin. C'est marrant, pour moi, en tant que hispano-belge, l'Argentine est tout près. C'est peut-être une question de mentalité et d'affinités culturelles. Mais il faut penser que, par exemple, tourner en Argentine est trois fois moins cher que tourner ici ! Il faut faire savoir que là-bas il y a un marché potentiel qui peut être utilisé par les producteurs belges.

 

Cinergie : Une dernière question. Vous êtes un passionné du cinéma espagnol et latino américain. On voudrait savoir ce que vous pensez du cinéma belge.

José Luis Escudero : Quand j'ai revu 25° en Hiver de Stéphane Vuillet, je me suis dit : c'est typiquement belge, mais qu'est-ce que ça veut dire ? Ce film était un mélange d'influences et de visions qui se reflètent, parfois de façon bizarre, dans le cinéma. J'ai parfois du mal à classer le cinéma belge. Cinématographiquement, il ne respecte aucun genre; il rompt toutes les règles. Je l'aime bien, mais parfois je ne suis pas à l'aise. Le cinéma des frères Dardennes, par exemple, est un cinéma fait sans aucune complaisance. C'est tellement dur que ça devient très difficile d'entrer dans le film. Comme tous les spectateurs belges, parfois, j'ai du mal à me situer. En tant que spectateur, on a du mal à aller voir le cinéma belge parce qu'il est tellement bizarre, mais c'est cela aussi qui fait qu'il soit si différent de n'importe quel autre cinéma.