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Justine Montagner : Festival International des Ecoles de Cinéma de Huy

Publié le 04/11/2008 par Katia Bayer / Catégorie: Entrevue

À Huy, se tient, depuis huit ans, au mois d’octobre, un festival de courts métrages unique en son genre en Belgique : le FIDEC. Ce Festival International des Ecoles de Cinéma ne programme que des films réalisés par des étudiants issus d’écoles belges comme étrangères. Cette année, du 14 au 19 octobre, 35 films, venant de 24 pays et 14 écoles, étaient en compétition à Huy. Rencontre avec Justine Montagner, responsable de la programmation du FIDEC.

Justine Montagner : Festival International des Ecoles de Cinéma de Huy
Cinergie : Le FIDEC est un festival créé dans le sillon d’un autre festival implanté à Huy. Dans quelles circonstances est-il apparu ?
Justine Montagner : Pendant 40 ans, la ville et le Centre Culturel de Huy ont accueilli un festival de courts métrages amateurs, porté par des bénévoles. L’équipe, fatiguée, avait décidé de terminer en beauté sur un 40ème anniversaire. Ce festival était présidé par Roger Closset, le grand-père d’Audrey Lekaene, notre actuelle présidente. Quand elle a appris que l’équipe arrêtait, Audrey a sollicité plusieurs personnes de son entourage pour occuper ce créneau que le Centre Culturel était toujours prêt à accueillir. Après réflexion, nous avions envie, tout en assumant l’héritage du festival précédent, de proposer quelque chose de totalement différent, et de se démarquer des festivals de courts métrages belges. Nous nous sommes inspirés de ce qui se faisait à l’étranger, et pas encore ici. Audrey avait eu l’occasion d’aller au Festival International des Ecoles de Cinéma de Poitiers [Rencontres Henri Langlois]. Elle est revenue motivée : le créneau était trouvé. Nous nous sommes dit : “pourquoi ne pas décliner ce concept en Belgique, et particulièrement à Huy ? ”. Depuis, nous avons constitué une asbl, le Centre Culturel de Huy s’est associé au projet en nous offrant une structure et un cadre.

C. : Parmi les festivals de courts métrages belges, aucun ne s’intéresse spécifiquement aux films d’écoles, à part le FIDEC. Est-ce que tu n’as pas le sentiment que les programmateurs de festivals ou même le public considèrent ces films comme des essais, des brouillons ?
J.M. : Peut-être que certains programmateurs craignent que ces courts issus d’écoles de cinéma comportent des “erreurs”. Mais dans les courts réalisés par des professionnels, il peut y avoir aussi des maladresses. Nous, nous avons envie de les montrer, ces films. Cette année, nous en avons reçu 450 soit 100 de plus que l’année dernière. L’offre est énorme, riche et diversifiée : depuis huit ans, nous recevons de plus en plus de films. Pour moi, la majorité des films qui passe à Huy pourrait très bien être sélectionnée dans de nombreux festivals de courts métrages, et pourtant, ils franchissent rarement la barre de la sélection.

C. : Pourquoi ?
J. M. : Je pense qu’ils sont noyés dans une masse. Ce que je sais, c’est que ce n’est pas un problème de qualité. Sur les 450 films reçus cette année, il y en a vraiment des bons, et je ne m’explique pas que d’autres festivals n’aient pas eu, avant nous, l’envie de les mettre à l’honneur.

C. : Pour quelles raisons ces futurs réalisateurs doivent-ils être davantage mis en évidence ?
J. M. : Ces futurs réalisateurs sont jeunes, ils ont des choses à dire et un regard à porter sur le monde. Ils ont la possibilité de pouvoir s’exprimer, à eux de saisir cette chance. Dans les écoles, ils ont une équipe, un cadre, et les moyens, pour porter leurs films de l’idée à la réalisation. Ils y trouvent des libertés comme des contraintes. Ceux qui ont vraiment des choses à dire dépassent, subliment, ces contraintes. Malheureusement, pour certains, il n’y aura qu’un seul court métrage car ils ne travailleront plus dans le cinéma. Ils y mettent donc tout leur engagement et leur foi. Même si ces films font partie de leur formation, qu'ils interviennent dans l’accès au diplôme, ils revêtent une importance particulière  pour eux. C’est une implication qu’on ressent très fort au FIDEC.

C. : Est-ce facile de maintenir sa spécificité dans un format déjà spécifique ? Le court métrage est une niche. Vous, vous avez choisi une niche dans la niche !
J. M. : Ce n’est pas évident. C’est vrai, nous avons choisi une niche dans la niche, dans une petite ville qui n’a pas d’école de cinéma, de surcroît. Nous aurions pu penser à nous installer à Louvain-la-Neuve parce qu’il y a l’IAD, ou à Bruxelles, parce qu’il y a d’autres écoles. Mais le fait de ne pas être attaché à une ville évitait tout conflit d’intérêts. De plus, nous sommes attachés à Huy et plus globalement, à la province de Liège. Même si je suis une adepte de Bruxelles, j’ai envie de croire que des projets ambitieux en termes de culture peuvent se faire ailleurs que dans les grandes villes.

C. : Au-delà de votre intérêt pour la nouvelle génération, vous cherchez à “tirer la langue aux idées reçues”. Pourrais-tu m’expliquer ce credo ?
J.M. :
Il y a plusieurs niveaux de lecture dans cette expression. Dans la province de Liège, on est le seul festival à exister depuis 8 ans et à avoir conservé la même forme. Cette manifestation, nous voulons la défendre dans cette province, et plus particulièrement dans la ville de Huy. Nous désirons également montrer que le court métrage n’est pas quelque chose d’inaccessible : nos séances sont conçues au regard de critères techniques et professionnels, mais nous envisageons aussi le plaisir ressenti par le public. Enfin, autre idée reçue que nous nous efforçons de combattre : le court métrage n’est pas du sous-cinéma et les films d’école ne sont pas des sous-films.

C. : Qu’est-ce que, selon toi, les réalisateurs tirent de leur expérience au FIDEC ?
J. M. : En découvrant notre programmation, les réalisateurs nous disent fréquemment : “c’est étonnant de penser que tous ces films ont été réalisés par des étudiants”. J’ai plaisir à croire qu’en voyant des courts métrages réalisés par leurs pairs issus de formations, d’écoles et de pays différents, ces réalisateurs vont évoluer dans leur propre travail. En étant sélectionnés, les réalisateurs présents ont la possibilité d’avoir des retours sur leurs films. Pour certains, il s’agit de la première projection publique, donc des premiers retours. Et puis, il y a l’ambiance du festival : on essaye d’associer à notre événement un aspect convivial, presque familial. Les jurés et les invités se mélangent au public. Comme on travaille avec des jeunes, on n’a pas forcément de stars, du coup, on peut se permettre de loger notre jury sur une péniche-hôtel et pas dans un hôtel 4 étoiles. Le matin, on prend  le petit déjeuner tous ensemble en pyjama : c’est plutôt original ! Quant aux réalisateurs invités, on essaie de les loger dans des chambres d’hôtes, chez des particuliers. On a vraiment envie d’être dans l’humain, la rencontre et la découverte. 

C. : Cette année, les films d’étudiants proviennent de 14 pays. Comment vous êtes-vous fait connaître des écoles?
J. M. : À nos débuts, nous n’avions pas vraiment de réseau. Nous sommes partis de la liste du CILECT (Centre International de Liaison des Ecoles de cinéma et de télévision) avant de découvrir qu’il y avait bien d’autres formations. En France, par exemple, plusieurs écoles d’animation se sont créées, ces dernières années,  autour de l’infographie et du multimédia. Nous essayons également d’être présents à des événements comme Poitiers et Clermont-Ferrand. À Poitiers, nous pouvons faire un important travail de pré sélection, et au marché du film de Clermont, nous pouvons rencontrer les représentants de beaucoup d’écoles.

C. : Le festival est doté d’une compétition internationale et nationale. Est-ce que les écoles belges vous envoient systématiquement leurs films ?
J. M. : C’est assez particulier. Les institutions structurent peu la présence en festival et l’envoi des films. On serait ravi d’accueillir à chaque fois les enseignants, les directeurs d’école, mais ce n’est pas simple : ils se déplacent peu. Par rapport à l’envoi de films, c’est très variable. L’IAD envoie systématiquement un DVD de la production annuelle, et nous invite à leur projection de films de fin d’études. Pour la première fois en huit ans, l’INSAS nous a également invités à sa projection en juin. En ce qui concerne l’animation, La Cambre, via l’Adifac, nous envoie régulièrement un DVD. Par contre, cette année, les écoles flamandes, KASK comme le Rits, ne nous ont rien communiqué. Ça m’intrigue : ces films existent et représentent la plus belle carte de visite pour les écoles. Pourquoi ne sont-ils pas diffusés ou même inscrits ?

C. : Le FIDEC a deux représentantes au sein du Centre Culturel : Anne Wathelet et toi. En tant que programmatrices, comment l'initiation se passe-t'elle au niveau du court métrage ?
J. M. :
Il y a beaucoup d’appréhension, un problème de méfiance et de méconnaissance de la part du public. Quand une information intéresse les gens, ils peuvent la trouver facilement. Nous, nous avons vraiment un travail inverse à faire : nous vous proposons quelque chose que vous ne recherchez pas a priori mais cela vous intéressera si vous franchissez la salle. Malgré ce pessimisme, nous avons quand même quelques spectateurs dans la salle ! Une partie du public est régionale, et l’autre est festivalière. En tant que Centre Culturel, nous avons des contacts avec beaucoup de gens, des associations et des groupes scolaires de la région. Les autres spectateurs sont des habitués de festivals : nous les voyons à Huy, à Média 10-10, mais aussi à Namur et à Bruxelles. C’est un public intéressé par le court métrage qui se dit que notre projet apporte un autre éclairage au secteur et qu’il a d’autres choses à montrer en matière de films.

C. : Qu’est-ce qui te touche finalement dans le format court ?
J. M. :
Ce qui me touche, c’est l’immédiateté, la rencontre. Moi, j’ai un vrai intérêt pour les récits, les univers. J’ai plutôt tendance à retenir un film dont l’histoire me plaît. D’habitude, j’ai une préférence pour les courts “courts”. Ce qui me heurte, c’est quand un film comporte une bonne idée, mais qu’il fait 15 ou 18 minutes alors qu’il aurait pu être traité en 7-8 minutes. Dans de nombreux courts d’écoles, il y a encore un problème de longueur. Mais cette année, mes coups de cœur, vont à des films plutôt longs. Je me surprends moi-même...

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