Dans le dernier documentaire de Thierry Michel, L’ Acier a coulé dans nos veines, le cinéaste braque magistralement son objectif sur la beauté sauvage et la réalité crue de la vie dans une ville sidérurgique. Connu pour ses portraits perspicaces des défis sociaux et environnementaux, Thierry Michel nous emmène dans un voyage viscéral dans la vie des travailleurs façonnés et marqués par l’impitoyable industrie de l’acier.
L’ Acier a coulé dans nos veines de Thierry Michel, 2024
Ce film nous fait découvrir cette tradition autrefois bien connue en Belgique, un savoir-faire perdu, plus de 50 000 personnes : l’histoire de la sidérurgie liégeoise. Une lutte humaine dans le haut fourneau, la version industrielle de David contre Goliath. Ce film suit ainsi une série de personnes à travers leur savoir-faire dans le haut fourneau, leur révolte face aux patrons, leurs témoignages et de nombreuses images d’archives. Tout ceci rassemble le mélange de métaux rares, précieux, forts et violents d’un film poignant.
Les hommes et femmes qui y ont travaillé parlent toujours comme si la fermeture de l’usine était une perte intime. Une seconde maison, avec une famille à part entière et des histoires qui unissent. Ce sentiment d’appartenance les a rassemblés face aux décisions implacables de puissants patrons, bien éloignés du quotidien du métier.
Ce métier est avant tout une affaire de corps. Le film prend le temps de nous le faire comprendre avec de nombreux plans contemplatifs autour du haut fourneau, sur les corps animés qui manipulent le métal en fusion, les bras tendus, les peaux couvertes de suie. C’est une histoire physique, presque organique, entre des hommes et leur usine.
Cette usine vit aussi. Le travail de la nappe sonore transforme chaque souffle en respiration et chaque cliquetis en cri. L’usine devient un monstre infernal, nourri par une armée d’hommes. Un enfer où l’on ne veut plus sortir, plongé dans l’obscurité et le rouge incandescent : une vision saisissante des mineurs modernes.
Thierry Michel nous rappelle que derrière chaque bouleversement industriel se cache une tragédie humaine. L’ Acier a coulé dans nos veines n’est pas qu’un film sur la sidérurgie ; c’est aussi une réflexion profonde sur la perte d’identité d’une région, sur la fracture entre les décideurs économiques et ceux qui subissent les conséquences de leurs décisions.
Ce documentaire met en lumière l’urgence d’écouter ces voix, ces témoignages vivants d’un monde en voie de disparition. C’est un cri d’alarme face à la déshumanisation progressive de l’industrie et à la nécessité de sauvegarder la mémoire collective de ces métiers du feu.
Avec son regard incisif et sa sensibilité palpable, Thierry Michel nous offre bien plus qu’une œuvre cinématographique : il nous invite à réfléchir sur la place de l’humain dans un système économique en constante mutation. L’ Acier a coulé dans nos veines est un hymne à la dignité ouvrière, une déclaration d’amour à ces hommes et femmes qui ont donné leur corps et leur âme à une industrie qui les a trahis.
À travers ce film, Thierry Michel signe une œuvre essentielle, aussi poétique que politique, où chaque plan, chaque sonorité, et chaque témoignage résonnent comme une leçon d’humanité face à un avenir incertain.