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L'Empereur du goût - série de Frank Van Passel et Jan Matthys

Publié le 01/01/2008 / Catégorie: Tournage

L'empereur du goût est la prochaine série belge qui sortira sur nos écrans. Coproduction francophone (Tarantula) et néerlandophone (Caviar Films et VRT Eén) de dix épisodes de 52 minutes, cette saga familiale se déroule dans le milieu de la distillerie de genièvre. De 1940 à nos jours, l'histoire couvre trois générations. Les séquences, tournées du côté francophone, correspondent aux flash-back sur la période de la seconde guerre mondiale. Ces dix épisodes seront diffusés sur la première chaîne de la VRT et également sur la RTBF, fin 2008.

L'Empereur du goût - série de Frank Van Passel et Jan Matthys

 

Visite sur le plateau. Un peu de pluie, beaucoup de brume, des explosions, des coups de feu et des cris dans le fort de Tancrémont, voilà le décor du tournage de L'Empereur du goût ce 12 décembre. Petit à petit, le passage incessant de l'équipe et des comédiens a transformé ce lieu en un gigantesque champ de boue. Ils sont néerlandophones pour la plupart, ou bien germanophones, ce qui complique la tâche des interviews. Sur place, heureusement, Valérie Bournonville de la maison de production Tarantula (Nue Propriété de Joachim Lafosse et Congorama de Philippe Falardeau), Jean-François Tefnin, responsable du bureau d'accueil des tournages CLAP, et Frank Van Passel, un des deux réalisateurs de la série, répondent à nos questions.

Cinergie : Valérie Bournonville, pouvez-vous nous donner le synopsis de L'Empereur du goût ?
Valérie Bournonville : La série démarre à l'époque contemporaine. Helena, le personnage principal, est mariée à Georges (Mathijs Scheepers). Jeune, elle était amoureuse d'Alfred, l'ami de Georges, mais celui-ci est mort à la guerre. Bien après, elle charge sa petite fille de découvrir les circonstances de la mort d'Alfred car une rumeur douloureuse court à ce sujet. 

La série est un perpétuel ballet temporel.

C : Comment s'y prend-t-on pour vieillir les personnages ? Sont-ils grimés ?
V.B. : Non. Nous préférons recourir à différents acteurs pour chaque étape de la vie des personnages. Et le casting ne perd pas en qualité, que du contraire ! Ainsi, Johan Leyssen joue George âgé et Mathijs Scheepers le jeune George. La seule actrice qui « vieillit » est Helena, le personnage principal.

C : Combien de temps va durer le tournage et combien de personnes mobilise-t-il ?
V.B. : Il y a 145 jours de tournage. On tourne depuis le mois de juin, et on aura fini le 19 décembre. Cela fait un total de six mois. Pour les scènes extérieures, il reste la nuit de demain, le reste se fera en studio jusqu'au 19 décembre. Pour le nombre de personnes par jour, cela varie selon les besoins. C'est une soixantaine de personnes par jour, sans compter les extras. Aujourd'hui par exemple, nous sommes quatre-vingt-huit. Pour les journées en studio, ce nombre est beaucoup plus léger évidemment.
Jean-François Tefnin : Mais dans les scènes où il y a 60 figurants le chiffre monte !

C : Quels sont les intervenants principaux au niveau de la production ?
V.B. : VRT est l'investisseur principal. Le deuxième intervenant majeur est Caviar qui a obtenu une aide de la ville d'Hasselt et du Limbourg. Ils ont eu 3 ou 4 investisseurs privés pour le Tax-shelter ainsi que le Fond flamand. Il y a enfin Tarantula, la Communauté française et la RTBF (en préachat).

C : Aviez-vous déjà travaillé avec Caviar ?
V.B. : Oui. Nous avons déjà coproduit deux films ensemble. Un documentaire qui s'appelle Lampião, rêve de bandit de Damien Chemin et un moyen métrage du même réalisateur, actuellement en finition, la Monique de Joseph.

C : Comment Tarantula est entré dans le projet ?
V.B. : Suite à la Monique de Joseph, nous avons parlé d'une continuité dans le partenariat et directement est venu L'Empereur du goût. Ils nous ont exposé le projet de la série en nous sollicitant pour déposer la demande à la Communauté française. C'est la première fois qu'il y a les deux fonds, deux productions sur une série télé. Puis il y a des comédiens et des décors du côté francophone, l'intervention du CLAP pour le casting et les repérages des décors.

C : Est-ce le début d'une plus longue série de coproductions avec le cinéma néerlandophone ?
V.B. : Oui pourquoi pas ! Caviar est un partenaire de confiance. C'est quelque chose de très important et plus encore lorsque ce sont deux cinémas assez différents. Dans le contexte actuel, cela permet aussi de voir le décalage entre le discours politique et la réalité des coopérations que nous vivons, nous, entre les deux communautés. D'ailleurs, la Communauté française désire augmenter le nombre de participations avec les Flamands sur d'autres projets.
Pour la suite, nous avons encore deux autres projets de coopération avec Caviar dont le premier long métrage de Damien Chemin.

C : Pensez-vous que c'est cette idée de coopération qui a convaincu la Communauté française ?
Jean-François Tefnin : Certainement, mais aussi, et avant tout, la qualité artistique du projet !

C : Quel est le rôle du CLAP dans tout ça ?
J.F.T. : Son rôle est d'avoir trouvé des décors (repérage), des figurants (plus de 400), des autorisations et des contacts, ainsi qu'une aide administrative. Il y a un bel enthousiasme autour de ce projet ! Même les riverains sont ravis. Nous les avons prévenus en faisant du porte-à-porte. Ils peuvent venir assister au tournage car le plateau est assez libre d'accès ce qui lui confère une ambiance détendue. Nous avons droit à une multitude de commentaires de leur part. C'est très positif. L'autre jour, une vieille dame racontait ses anecdotes sur la vraie guerre. Elle n'avait encore jamais pénétré les murs du fort dans lequel nous nous trouvons maintenant. Elle était vraiment impressionnée !
En attendant Frank Van Passel, nous nous dirigeons tous trois sous la tonnelle de la table régie pour se réchauffer avec un café. À côté, les infirmiers de la tente de la Croix-Rouge veillent. Ils ne sont pas encore totalement frigorifiés, peut-être juste leurs pieds… comme tout le monde ! La machine à expresso affiche « voorbereiding »… (attendre).
Derrière nous, s'apprête à être jouée, pour la quatrième fois, la scène des soldats courant sous les coups de feu et les impacts d'obus dans le sol projetant la terre à tout va. Mais le temps semble s'être arrêté pour un moment, c'est le calme avant la tempête. Personne ne parle. L'accessoiriste répand la fumée blanche autour des soldats. Caméra à l'épaule, le cadreur s'apprête à ne rien rater de cette fusillade. Nos chaussures collent dans la gadoue. « Voorbereiding » toujours…. 

Soudain, des bruits de pas inquiétants de font entendre :  la tente est prise d'assaut par trois militaires figurants. Pas le temps de bouger, nous sommes encerclés. Au même moment, à droite, des cris de douleur : une explosion retentit devant la caméra. On s'y croirait ! Notre regard ne sait plus sur quoi s'attarder avec tous ces mouvements. Le mien trouve néanmoins un visage ; celui du figurant qui boit mon café en se moquant gentiment de ma contemplation fixe.

C : Jean-François Tefnin, le CLAP propose, entre autres, une base de données des différents lieux de tournages à Liège et depuis peu, au Luxembourg. Quels sont ces décors pour L'Empereur du goût ?
J.F.T. :
Les Forts de Tancrémont et d'Eben-Emael, la gare de Treignes et le camp militaire de Marche-en-Famenne sont les différents lieux de tournage de la province de Liège et du Luxembourg. Les scènes qui sont tournées aujourd'hui et demain au Fort de Tancrémont racontent l'attaque de l'armée allemande en 1940. Il s'agit principalement de scènes de nuit, avec beaucoup de comédiens et de figurants ainsi que des effets spéciaux spectaculaires. Treignes est un des derniers endroits où on peut trouver un train à vapeur en état de marche.

C : Valérie Bournonville, c'est la première fois que Tarantula participe à une série télévisée. C'est un changement. Vous n'avez pas eu trop de craintes ?
V.B. : Ici, les initiateurs du projet sont avant tout les Flamands étant donné les moyens qu'ils ont déployés. Il y a un avantage pour eux de coproduire avec Tarantula; ne serait-ce que pour les décors dans la partie francophone du pays qui, dès le scénario, incluaient le Fort d'Eben-Emael.
De plus, la qualité de la série est convaincante. Elle est filmée en super 16, il y a une véritable profondeur de champ. Le spectateur est appréhendé autrement que dans les séries habituelles où on retrouve une image toute plate et peu agréable. Il y a peu de sagas de ce type-là, de l'ordre des Maîtres de l'Orge.

Frank Van Passel passe près de nous, l'air décontracté. Nous l’interpellons.

C : Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l'importance de la qualité de la série ?
F.V.P. : Des séries prestigieuses comme celle-ci, la VRT en produit tous les 5 à 7 ans. Avec un budget de 500 000 € par épisode (6 000 000 € au total). Cela fait quatre ans que le projet existe. C'est important pour nous de montrer aux gens qu'on peut faire de la qualité sur... le petit écran, appelons-le comme ça, même si la télévision n'est pas si différente du cinéma quand tu vois la taille des téléviseurs maintenant ! Cette série est donc cinématographique comme je viens de le dire. Elle est historique et dirigée par les personnages. Comme dans la saga italienne Nos meilleures années, les personnages sont plus importants que le contexte. Je pense que si les gens comprennent les émotions, le reste suit. En ce qui concerne le déroulement historique, nous sommes fort prudents, cela doit être bien fait !

C : Vous n'êtes pas l'unique réalisateur. Jan Matthys et vous avez choisi de travailler ensemble. Faites-vous cela pour gagner du temps ?
F.V.P. : Oui, nous sommes deux réalisateurs et nous nous partageons le travail. Vous savez, c'est physiquement impossible de survivre tout seul. Nous sommes tous très fatigués ici, et c'est déjà assez dur comme ça. Alterner nous permet de rester en vie, sinon je serais sans doute mort d'épuisement aujourd'hui (rires). Concrètement, Jan et moi permutons d'un plan à l'autre. On ne gagne pas vraiment du temps avec ce système, mais plutôt de la qualité. Deux avis valent mieux qu'un et nous nous entendons très bien. Ce système présente aussi un avantage de direction d'acteurs : étant donné que nous travaillons à deux sur les mêmes séquences, les comédiens restent sur le qui-vive. Ils ne savent pas qui va les diriger et ils restent toujours très attentifs.
Le grand éclairage se coupe et sans qu'on s'en aperçoive vraiment, le plateau se vide peu à peu. Les techniciens remballent du matériel et une autre partie du site s'éclaire : celle des maquettes d'avions. Historiquement, le Fort d'Eben-Emael a été pris en une nuit et une après-midi par les planeurs allemands. Cette séquence se tournera au Fort de Tancrémont pour des raisons pratiques.
Un bus de l'armée amène les soldats figurants qui ne tardent pas à blaguer avec les techniciens. Tout un petit monde foisonne à présent à l'entrée du site. Les habitants du coin, appareils photo en main, attendent que les soldats prennent la pose pour une photo de groupe mais ceux-ci préfèrent impressionner les automobilistes qui ne savent pas quoi penser face à ce déploiement. Qu'attendons-nous au juste ? Le peu d'activité indique sans doute une pose catering. Les riverains imaginent déjà en rigolant la tête du personnel du restaurant en voyant débarquer un bus de soldats néerlandophones armés. "Ils vont croire au séparatisme ! Ça y est !" Mais on aperçoit le drapeau belge dressé sur le fort, on peut aller manger la conscience tranquille…

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