Un peu plus d'un an après l'ouverture de la prison de Haren dans le nord de Bruxelles, les critiques de la nouvelle institution sont nombreuses de la part des médias et des associations. Le film nous plonge dans la période du déménagement de la prison de Saint-Gilles vers la nouvelle prison de Haren et soulève les questionnements et les doutes qui aujourd'hui se sont malheureusement concrétisés.
La Petite Prison dans la prairie, de Jean-Benoît Ugeux - Festival Millenium
Dès le début, c'est la prison en tant que projet que le film présente. En donnant la parole aux différents acteurs du projet, aux détenu-es, à la direction, aux agents et aux journalistes, le film confronte les positions pour mettre en lumière la violence et les impasses d'un tel projet. Dès son ouverture, le film s’attaque à la nouvelle rhétorique institutionnelle qui ne nomme plus la prison “prison”, mais “village pénitentiaire” et révèle ainsi les conditions de détention inquiétantes que ces euphémismes dissimulent.
A travers un montage très précis de la parole, le film opère sans cesse des liens entre les questions logistiques et concrètes de la nouvelle prison de Haren et des questionnements d'ordre social et politique sur le rôle et le sens de la prison en Belgique. Ainsi, en s'attardant sur l'architecture innovante de Haren qui a de la place pour 1200 personnes et est constituée de six différents bâtiments chacun ayant 200 places, c'est la question de la sociabilité des détenu-es qui est posée : comment le projet de réinsertion sociale qui est censé être à la base de l'idée de la prison moderne peut-il aboutir si le rapport social entre les détenu-es est de plus en plus limité ? La question ne reste pas théorique, car le réalisateur intègre tout au long du film les témoignages de quelques détenu-es qui ne font que confirmer le sentiment de solitude et d'isolement éprouvé dans la nouvelle prison.
Système informatisé, procédures ultra-sécuritaires, privatisation des services, tout, sous un vocabulaire lisse qui cache la plus forte répression des détenu.es, il s'agit d'une institution de plus qui se modernise selon le paradigme néolibéral et c'est cette transition dont le film témoigne. Mais c'est aussi les contradictions de la prison dans ses fondements mêmes que le film expose, car construire une prison est d'office paradoxal : plus on construit des prisons, plus on les remplit. S'ouvre ainsi la question philosophique de ce que la prison refoule et représente de nos sociétés.