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Le Jour où Dieu est parti en voyage de Philippe Van Leeuw

Publié le 11/05/2010 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Et Dieu créa l’homme, et l’homme créa la barbarie

Sélectionné en 2009 au Festival International du Film Francophone de Namur, Le jour où Dieu est parti en voyage y a obtenu le Prix découverte. Ce premier long métrage de Philippe Van Leeuw, bien connu par ailleurs pour son travail de directeur photo auprès de Claire Denis ou encore Bruno Dumont, est enfin visible dans les salles belges depuis le 5 mai. Sujet pour le moins difficile, le film nous propulse, tête baissée, dans le génocide rwandais à travers le portrait d’une femme, figure emblématique de la folie des hommes.

Le Jour où Dieu est parti en voyage de Philippe Van Leeuw

Le 6 avril 1994, l’avion du président Juvénal Habyariman s’écrase dans des circonstances plus qu’étranges. Est alors mis en place, par les milices et l’armée rwandaise, l’organisation d’un horrible massacre perpétré à l'encontre des Tutsi et des Hutu modérés qui s’opposent à leur élimination. D’avril à juin, plus d’un million de personnes figurant sur des listes sont assassinées, la plupart à la machette, hommes, femmes, enfants, nourrissons…

Faire acte de mémoire, c’est avant tout ce qui anime Philippe Van Leeuw, qui, loin de proposer une reconstitution historique des événements inconcevables qui ont ensanglanté le pays des mille collines, nous précipite, presque directement, dans le cauchemar de son personnage principal, Jacqueline. Comme volées, il offre, en guise de pré générique, quelques images d’un bonheur furtif dans lesquelles Jacqueline et ses deux enfants rient au bord d’une nature luxuriante, vivent le doux temps de l’innocence, un Eden qu’ils ne savent pas encore perdu.  Court répit. Un deuxième plan laisse lentement une cascade déverser son eau pure, eau qui va se transformer, peu à peu, par un zoom explicite, en un bouillonnement noirâtre et inquiétant sur lequel se font entendre les cris et les plaintes, les coups et la sauvagerie. Image puissante qui nous dit, sans s’appesantir, le basculement soudain du paradis à l’enfer. 

Mais l’enfer est déjà là, et le départ précipité de la famille belge qui emploie Jacqueline comme nourrice, la laisse seule face au chaos qui déjà, règne hors des murs. Seule, cachée dans le plafond, elle reste prostrée, sans savoir si ses enfants, au village, sont encore en vie. Longs et beaux plans fixes sur ses yeux, ses larmes d’angoisse, pendant que, dans la maison, la caméra se fait virevoltante pour montrer le terrible saccage, la folie de la destruction des assaillants. Et c’est bien cette polarité formelle qui permet de séparer les victimes des bourreaux, bourreaux qui resteront des silhouettes agitées et déréglées sur lesquelles on ne s’attardera jamais.

Descendue de son refuge, Jacqueline court retrouver ces enfants, mais ce sont les corps sans vie, jetés sur le sol avant qu’un camion ne vienne les chercher comme de vulgaires déchets, qu’elle observe de loin. D’une sauvagerie sans nom, la scène, dévoilée du point de vue de la mère, ne nous rend pas voyeur de sa souffrance, mais nous la fait éprouver à ses côtés. Et c’est le parti pris fort et honorable de Philippe Van Leeuw que d’éviter de souligner trop explicitement la violence sans jamais pourtant l’atténuer, sans jamais trahir la nécessité du témoignage pour l’exorciser.

Difficile pari en effet de nommer l’innommable, de montrer l’inconcevable, mais pari réussi qui parvient à saisir, sans effets superfétatoires et avec une pudeur respectueuse, toute l’horreur de la réalité.

Ensuite, le film bascule dans une longue et lente description de cette femme au bord de la folie, traquée comme une bête dans une nature indifférente, qui va ostensiblement abandonner foi et courage face à l’inhumanité. Rien ne pourra la ramener, pas même sa rencontre avec un homme blessé qu’elle décide pourtant de soigner comme elle peut, avec des moyens de fortune.
Et rien de plus difficile que de s’attacher réellement à un personnage qui n’a plus envie de vivre et a perdu tout espoir. 

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