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Le Paradis de Zeno Graton

Publié le 14/09/2023 par Marine Bernard / Catégorie: Critique

Joe, en centre fermé pour mineurs délinquants, est seulement à trois semaines de passer devant la juge qui décidera de lui accorder ou non sa liberté conditionnelle. Bien que sa voie vers la réinsertion semble toute tracée, il appréhende cette sortie. Il est tiraillé. Quand sa soif d’autre chose devient incontrôlable, il multiplie les fugues et met, sans remords, sa situation en péril. Mais sa rencontre avec William, un autre adolescent placé, va bouleverser son rapport à la liberté.

 

Le Paradis de Zeno Graton

On découvre Joe au cœur d’une communauté d’adolescents liés entre eux par leurs sources d’espoir et leurs déceptions. Privés de liberté, leur quotidien est régi par un horaire disciplinaire qui laisse peu de place aux travers. Ils sont suivis par des éducateurs intraitables qui ne cessent de les encourager malgré la complexité de leur situation. Anesthésié par la répétition des activités, Joe est un solitaire impatient qui parle peu et préfère s’évader à travers l’écriture, la danse et ses souvenirs.

Dès les premiers instants de leur rencontre, Joe est intrigué par ce qu’il ressent pour William. Comme lui, c’est un solitaire qui préfère se réfugier dans ses dessins. À l’écart des autres, ils commencent à explorer cet amour qui les embrase. Sans cesse ramenés à la réalité étriquée du centre, ils se créent un territoire propre dans lequel leur symbiose peut être totale et leur tendresse infinie. Ils s’y expriment sans tabous et font de la paroi qui sépare leurs chambres, une surface propice à l’expression de leur fusion érotique. Leur rapport au monde extérieur et ce qu’il peut leur offrir change complètement. Très vite, c’est leur amour qui devient le seul catalyseur de leur liberté. Cette liberté leur semble plus réelle et enrichissante que tout le reste. Ils sont prêts à vivre cet amour sans limite au point de tout risquer, même de ne plus jamais sortir de leur prison dorée. 

Zéno Graton place la question de la liberté, et ce qu’elle représente pour chacun, au centre de son récit filmique. Une liberté vue comme un paradoxe, au dehors et au sein du centre fermé. Par ailleurs, il offre un autre regard sur l’homosexualité. Celle-ci n’est pas seule à définir l’identité des protagonistes. Quant aux questions de genre et de sexualité, elles sont pleinement vécues et ressenties. Nous sentons que ce que le réalisateur souhaite avant tout mettre en avant, c’est l’histoire amoureuse et les enjeux liés à la passion, à la trahison et au manque.  

Par ailleurs, le travail de l’image par Olivier Boonjing participe à l’évasion amoureuse, il magnifie la grâce des deux adolescents et l’intensité de leurs sentiments. Le choix du format cinémascope et des couleurs franches déconstruit les codes du film social pour en faire une fable lyrique. D’un bout à l’autre, la bande originale de Bachar Mar-Khalifé vient résonner avec toutes ces expressions vibrantes.   

Le Paradis est une histoire d’amour vertigineuse, intense et émouvante qui remue les consciences. C’est un film sur la révolution d’une génération qui ne s’excuse plus d’être ce qu’elle est et qui s’affirme.

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