Leonardo Van Dijl a réalisé plusieurs courts-métrages, dont Stéphanie, qui était en compétition officielle à Cannes en 2020. Son premier long-métrage, Julie Keeps Quiet, a glané deux prix à la Semaine de la Critique en mai dernier : le Prix SACD et le Prix de la Fondation Gan à la diffusion. Le film raconte le choix (se taire ou parler) d’une jeune joueuse de tennis, Julie, face au monde du sport et à son entraîneur attitré.
Il fait partie des 5 titres en lice pour le Prix Lux du public 2025, un prix consacré au cinéma européen, présenté ces jours-ci à Strasbourg. Présenté au Festival de Gand, le film représentera la Belgique aux Oscars 2025. Le dernier réalisateur belge à avoir vécu cette pression et cette visibilité, c’est Lukas Dhont avec Close en 2023. Dans les prochains mois, Leonardo Van Dijk sera très sollicité. À Strasbourg, où nous l’avons rencontré, il enchaîne les interviews. On l’attrape pour 7 minutes top chrono.
Leonardo Van Dijl : « J'essaie toujours de garder un peu de distance entre un film et la vraie vie »
Cinergie : On sait à quel point un premier long-métrage c'est très compliqué. Dans votre court-métrage Stephanie, vous vous intéressez déjà au sport. En quoi l’écriture de vos courts vous a aidé à préparer votre long ?
Leonardo Van Dijl : Avec Stephanie j’ai trouvé une manière de faire des films. Une voie, presque. Ça m’a aidé à travailler, à tourner en « péloche », à trouver aussi une certaine esthétique. C’est comme si c'était du ballet. C'est quand même mon premier long-métrage. Ça n’a pas été très facile. Je me disais qu’avec une carte visite comme Stephanie, ce serait bien si je continuais dans le monde du sport. D’une manière, ça m’a aidé, ça a facilité les choses pour vendre le projet. En parallèle, moi, je suis aussi un grand fan de tennis. Le film a été une bonne opportunité pour passer beaucoup de temps dans ce monde-là !
C. : Ce que vous avez perçu à travers le ballet, c'est quoi exactement ?
L.V.D : Quand vous regardez les exercices [des joueurs] dans Julie Keeps Quiet, c'est comme une danse, en fait. Il y a toujours cette chorégraphie, j'aime bien ça. En fait, la compétition, ça m'intéresse moins. Un joueur, la plupart du temps, ne fait pas de compétition, il est en train de s'entraîner. Je voulais montrer cet aspect, comme une danse, comme une chorégraphie.
C. : Est-ce que c'est quelque chose que vous expliquez à vos acteurs, cette idée de travailler, de s'entraîner, et de, justement, fonctionner un petit peu comme dans la danse ?
L. V. D. : Non, moi, je suis assez pratique, en fait. J'ai toujours mes pensées, mais finalement, j'essaie de ne pas compliquer les choses par un discours, surtout pour les comédiens. Ceux-ci n'avaient pas d'expérience et étaient très jeunes. Ça doit être clair. Vous ne pouvez demander à un comédien qu'une chose : jouer. Vous ne pouvez pas commencer [à les embrouiller] avec un discours. Pour moi, c'est une technique, puis, on monte. On a fait beaucoup de répétitions. Ce qui est important, c’est de leur apprendre qu’on ne doit pas sentir les choses pour les jouer, qu’il faut être juste dans le moment et connaître tes dialogues. J'essaie toujours de garder un peu de distance entre un film et la vraie vie et aussi mes pensées artistiques et bizarres (rires) ! Finalement, j'ai toujours mes théories, mais je ne les trouve pas forcément très intéressantes !
C. : Ça fait combien de temps que vous développez vos théories ? Vous avez été rédacteur pour Vice, vous êtes passé par le clip, par la mode aussi. C'est quand même des choses qui nourrissent, qui influencent ce que vous faites aujourd'hui, c'est-à-dire des films. Et du coup, ces théories, elles changent, en fait.
L. V. D. : Diane Vreeland, une ancienne journaliste de Vogue, disait : « The eye has to travel » (traduction : L’œil doit vagabonder, c’est même le titre d’un documentaire qui lui est consacré, réalisé en 2011 par Lisa Immordino Vreeland, Bent-Jorgen Perlmutt et Frédéric Tcheng, ndlr). Pour moi [cet œil], c’est surtout une expérience pour trouver mon propre goût, mes esthétiques. Avec Stephanie, j'ai aussi réalisé que c’est l'histoire qui compte, ce n'est pas le packaging. C'est à ce moment que j'ai commencé à vraiment réfléchir à comment faire des films. Mes pensées empruntent aussi à la moralité, c’est récent.
C. : On est au Parlement européen, c'est très différent d'un festival de cinéma. Comment avez-vous appris à rester vous-même malgré la pression ?
L. V. D. : Je pense que je peux donner deux réponses à ça. J'ai toujours écrit des lettres à Julie. Je l'ai toujours imaginée comme une vraie personne. Via ces lettres, il y avait toujours un discours entre elle et moi. Finalement, c'était vraiment un exercice de « letting go of the ego » (abandon de l’ego) de trouver ce qu’est la vérité et ce dont une fille comme Julie a besoin. Ce qui me semblait important, c’est aussi comment raconter cette histoire, comment la filmer. C'était vraiment un exercice de trouver cette énergie, d’enlever ma personne et ma personnalité aussi de cette histoire. Je pense que ça m'a aidé beaucoup après aussi pour trouver une manière de parler du film. Et puis, c’est vrai qu'au début, c'était un peu difficile, parce que je devais trouver quand même une certaine musique [pour m’exprimer]. Ce n’est pas ma responsabilité de faire de la politique. Moi, j’écris de la poésie. Celle-ci peut vraiment être aussi une manière de s’exprimer.