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Les Héritières de Charlotte Diament

Publié le 18/06/2021 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

Qui suis-je ? Depuis hier, aujourd’hui et demain ? On vient de là, on vit ici. Comment être avec ce bagage, ces cultures diverses qui s’entrechoquent ? Comment concilier nos propres envies, nos idéologies et celles de nos mères ? Comment cohabiter avec l’autre en nous, avec les autres qui nous entourent ? 

Dans Les Héritières, la jeune réalisatrice Charlotte Diament plonge dans la grande Histoire, celle du multiculturalisme en Belgique, en passant par la petite histoire, celle de quatre jeunes femmes qui tentent aujourd’hui de trouver leur place dans notre société pleine d’incertitudes quant à l’avenir.

Les Héritières de Charlotte Diament
Esinam, Zeynep, Laïla et Charlotte se connaissent depuis l’enfance. Dans les années nonante, ces jeunes filles se voyaient évoluer dans un monde ouvert, riche de ses diversités culturelles.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment ces filles, devenues femmes, conçoivent leur présent, leur avenir et comment définissent-elles la place qu’elles occupent dans ce nouveau monde individualiste ? Quatre destins croisés mis en lumière par la réalisatrice, fille d’une autre réalisatrice, Marie-Hélène Massin, qui avait réalisé Petites filles en 1998, documentaire dans lequel elle avait suivi quatre fillettes, dont la sienne, occupées à grandir. Une histoire d’héritage familial, culturel, des citations, une boucle qui ne se termine pas comme elle avait commencé. Les temps ont changé, les illusions de l’époque ne sont plus.
 
Quatre filles aux racines diverses et aux parcours distincts. Esinam, racines ghanéennes, musicienne. Laïla, racines marocaines, actrice. Zeynep, racines turques, commerciale et bénévole sociale. Charlotte, racines belges, réalisatrice. Dans ce documentaire, cette dernière questionne aussi les liens avec la mère dans des scènes intimes de vie. Comment la mère d’Esinam a-t-elle rencontré le père de ses enfants au café du coin ? Pourquoi la mère de Laïla est-elle devenue blonde ? Pourquoi la mère de Charlotte s’est-elle installée dans ce quartier mixte de Bruxelles ?
 
Autant de confessions qui rendent compte de l’ouverture représentative des années 1980. D’autres scènes, centrées sur le quotidien des quatre jeunes femmes, montrent, au contraire, les réalités professionnelles, sociales, personnelles auxquelles elles sont confrontées. Comment définir son style de musique sans être trop cliché ? Pourquoi tenter sa chance à Londres lorsque l’on est une actrice métisse belge ? Comment trouver un homme qui convienne à la fois à la famille et aux attentes personnelles ? Les jeunes femmes se questionnent, tirent les cartes qui leur offrent des réponses possibles.
 
À côté de ces destins croisés, la réalisatrice met en scène un autre personnage : sa ville.
Bruxelles qui, comme les protagonistes, a évolué au fil des années. Autrefois, ouverte, aujourd’hui, Bruxelles se ferme, se communautarise. L’autre est différent, l’autre ne vit pas comme moi, l’autre effraie, l’autre est un étranger. Comment en sommes-nous arrivés là ?
 
Une lueur d’espoir persiste, dans ces plaines de jeux où les gamins mangent les mêmes glaces en parlant différentes langues, où les gamines marquent des buts, le regard fier.
 
« Nous sommes tous des enfants d’immigrés », le slogan proclamé après les élections fédérales de 2019, résonne encore dans les rues. Pourquoi en est-on toujours là ? Ne serait-il pas temps d’unir nos forces, nos richesses, nos différences pour lutter pour des causes qui concernent notre avenir à tous et toutes ?

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