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Sortie à Liège pour un débat autour du film Les Astres immobiles, à découvrir sur Auvio

Publié le 26/04/2023 par Kevin Giraud et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Événement

C’est par un vendredi ensoleillé que la RTBF nous donne rendez-vous à Média Rive, en bord de Meuse, pour aller à la découverte de deux courts métrages d’animation en présence d’un public aussi jeune que réactif. Les élèves de cinquième primaire de l’école Saint-Étienne de Vottem, venus assister à une projection privée de la coproduction RTBF Les Astres immobiles, ont fourmillé de questions lors de l’animation qui s’en est suivie, orchestrée par Loupiote.
Au gré de cette matinée, rencontres avec l’animateur et directeur de l’ASBL Christophe Istace, ainsi qu’avec Léna Bouteiller, institutrice très engagée dans la conscientisation des jeunes vis-à-vis de l’information et des images.

Côté du grand écran, surplombant le plateau du Grand Cactus, ce sont deux coproductions belges qui sont ainsi présentées. Luce et le Rocher, signé Britt Raes et récemment récompensé à Berlin par European Children's Film Association, précède Les Astres immobiles de Noémi Gruner et Séléna Picque. Un trio de réalisatrices qui aborde en deux films les thématiques de tolérance, d’immigration et d’acceptation de l’autre et de sa différence. Un message hautement important abordé de manière très différente par chacun des films, mais un message qui a résonné fortement chez les enfants bien préparés à l’exercice.

 

Habitué de ce type de séances, Christophe Istace présentait pour la première fois les deux films. “Lorsque l’on peut utiliser un film, à fortiori belge, pour amener la réflexion auprès des plus jeunes et renforcer la relation qu’ils ont avec l'œuvre, c’est toujours un vrai plaisir et cela fait partie de notre travail d’animateur. [...] Les enfants étaient très participatifs, ils ont beaucoup aimé les deux films proposés et c’est palpitant de les voir adhérer à un film d’auteur sur grand écran. Lorsqu’ils ont envie de revoir le film, lorsqu’ils ont envie d’en parler, cela peut réellement faire grandir la renommée d’un court métrage et contribuer à sa diffusion auprès de son public et au-delà.” Aucun doute que c’est dans cette optique que la RTBF a mis en place ces séances spéciales, car on sait combien il est compliqué de faire vivre les courts métrages dans les circuits de diffusion hors des festivals. L’occasion également de faire la promotion de la toute nouvelle offre Auvio Kids de la chaîne, qui propose désormais du contenu sans publicité aucune, et toujours gratuitement.

 

Une manière aussi de réagir aux nouvelles manières de consommer les images de ces jeunes boulimiques de contenu, qui finissent régulièrement sur les plateformes par besoin d’occupation que par réelle envie. Léna Bouteiller, institutrice accompagnante de cette classe, est ravie de cette initiative. “Chaque jour après la récréation, nous regardons Les Niouzz. Sensibiliser les enfants à l’image et à l’information est d’autant plus important aujourd’hui alors qu’ils sont bombardés de contenu. Et faire découvrir à ceux-ci des films sur grand écran, et les faire réfléchir et se questionner sur leurs émotions, ça fait partie de toute cette démarche que nous mettons en place dès le plus jeune âge.

 

Des fiches pédagogiques, créées par Loupiote, ont également été mises à disposition des élèves pour préparer cette rencontre et pour aller plus loin. “L’intérêt de ces fiches”, selon Christophe Istace, “c’est de permettre aux enfants de rentrer chez eux et de poursuivre la discussion, avec leurs camarades mais aussi avec leur famille. L’élève n’est pas seul pour aborder ses parents sur une thématique compliquée, il peut amener la réflexion grâce au film qu’il a découvert et aux questionnements que celui-ci a suscité. Si on arrive à atteindre cet objectif et que le film devient support d’un positionnement plus profond chez l’enfant, alors nous avons réussi notre mission.”

 

Mission définitivement accomplie, si l’on en croit notre ressenti et celui de Christophe Istace après cette heure d’échange avec les enfants. Très éveillés et chacun avec leurs questions plus pertinentes et pointues les unes que les autres, ils ont parfaitement compris les films et les enjeux qui les parcouraient. Une facilité, due au choix de l’animation? “Il est certain que le choix de ce médium amène plus de symbolique, des messages plus forts, et que l’on peut ajouter des aspects avec des formes, des couleurs, des tonalités de personnages, comme dans Luce et le Rocher. Il y a peut-être moins de subtilité en apparence, mais cela permet d’approfondir plus facilement”.

 

Dans Luce et le Rocher, les oppositions entre couleurs primaires revêtent une symbolique puissante qui se passe de paroles. Une constante de l’esthétique si caractéristique de Britt Raes, pour un court métrage qui a pu conquérir même les plus dissipés. Et si Les astres immobiles est plus littéral dans sa représentation des difficultés de l’immigration, le film utilise aussi l’animation pour rendre son propos plus poétique.

 

“Amener un documentaire en prises de vue réelles à des enfants, c’est possible, mais c’est plus difficile. La question est donc : est-ce qu’on préfère ouvrir le cœur des enfants à coups de Bulldozer, ou bien est-ce qu’on y va plus doucement. En tous les cas, il faut de la préparation et de la médiation pour amener à la compréhension du film, mais c’est plus long avec la prise de vue réelle. Pour autant, nous l’utilisons également lors de nos ciné-clubs en classe. Là, on propose d’aborder des thématiques de société au travers de courts métrages et de films que nous produisons, le plus souvent en prises de vue réelles. L’animation a un coût non négligeable et demande des délais de production qui ne nous permettent pas forcément de l’utiliser régulièrement, même si on aime beaucoup sa poésie.”

 

Et c’est cette poésie qui semble avoir parlé aux enfants, peut-être moins habitués aujourd’hui à cette expérience du cinéma, selon Christophe. “Cela fait presque vingt ans que Loupiote existe, et on a pu constater une réelle évolution dans la manière qu’ont les enfants d’appréhender l’image. Aujourd’hui, il y a plus de films pour enfants qui sortent mais il y a aussi plus de plateformes. Ils ont moins l’habitude de découvrir des films sur grand écran, mais ils voient plus de choses et ont plus envie de parler audiovisuel. Les ramener au cinéma est quelque chose d’important, pour leur faire vivre une émotion cinématographique. Quand on voit un plan très large sur petit écran, on rate la poésie de l’écran. Les espaces de respiration sont plus minces sur les écrans de téléphone, et l’implication du spectateur s’en ressent. Le cinéma permet au spectateur de se retrouver face à l’écran avec ses propres émotions, et de se confronter à d’autres points de vue. Un film, c’est le point de vue d’un réalisateur, et c’est grâce au film qu’on peut amener le public à découvrir d’autres réalités. Le cinéma peut nous aider à voir le monde différemment, à nous ouvrir aux autres.

 

Et quelle meilleure raison de partager le cinéma après tout?

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