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Manneken Pis de Frank Van Passel

Publié le 09/04/2019 par Marine Bernard / Catégorie: Critique

Manneken Pis est une comédie dramatique de Frank Van Passel qui reçut, notamment, le Prix de la Semaine de la Critique en 1995. Ce long métrage vient d’être restauré par la Cinematek dans le cadre de Bruxelles à L’écran, un cycle de films qui célèbre du 15 avril au 31 mai, la région Bruxelles-Capitale et l’invention du tram.

Manneken Pis  de Frank Van Passel

Après des années d’errance, Harry, 28 ans, revient à Bruxelles pour trouver du travail et un endroit où déposer le poids de ses souvenirs. Jeune homme filiforme qui semble s’être désaccoutumé des pratiques sociales, il se montre souvent incisif et sans filtre. La première personne qu’il rencontre s’appelle Jeanne, la conductrice du tram qui le mène vers sa future résidence, rue au Beurre. Le coup de foudre est immédiat. Elle est jeune, belle et timide. Les hommes lui font la cour mais cela ne l’intéresse pas, elle rêve d’une autre histoire. A peine le temps d’échanger quelques timides regards, Harry est déjà arrivé à destination. Il descend du tram à contrecœur et marche vers Denise, la vieille concierge de l’immeuble d’appartements qui l’intéresse. Elle est excentrique, piquante et ne laisse aucun détail lui échapper. Depuis la mort de Jos, elle noie sa douleur dans l’alcool et passe le plus clair de son temps à observer ses voisins. En flânant dans son nouveau quartier, Harry tombe sur la Croquette magique, un restaurant poisseux qui sert des plats répugnants à des clients disgracieux. Il s’y fait embaucher comme plongeur avec deux autres hommes. Malgré leurs répliques saugrenues et insensées, ils deviennent rapidement ses plus proches confidents. Chaque jour, il retrouve Jeanne. D’abord le temps d’un voyage en tram, ensuite dans les rues d’une Bruxelles poétique et fantasmatique où ils s’aiment mais jamais au même moment.

Manneken Pis apparaît comme une suite de hasards heureux et malheureux. Il oscille entre joie et mélancolie, légèreté et tourment, tendresse et absurdité. Nous sommes plongés dans un univers plutôt nocturne où tous les regards, ceux de Denise et des deux collègues d’Harry, sont tournés vers les deux amants. Les trois personnages secondaires sont traités comme des stéréotypes de la société moderne. Leur comportement est presque théâtral, leurs gestes et leurs répliques exagérés. Quant à Harry et Jeanne, ils apparaissent plutôt comme des figures discrètes et réservées. D’un bout à l’autre du film, nous éprouvons des difficultés à les situer dans un espace-temps précis. Il n’y a pas vraiment de temporalité, nous sommes davantage guidés par les aléas de leur amour naissant.

Van Passel fait avec le cinéma ce que l’on ne peut faire nulle part ailleurs. Réalisateur inventif, il teinte son film d’un aspect onirique et surréaliste. Les couleurs sont acidulées, les éclairages sont expressifs et les objets scintillent. Les sentiments des personnages se traduisent souvent par des images métaphoriques. La rêverie se mêle à la banalité de leur quotidien.

Quand le film s’arrête, nous restons en suspens avec l’impression étrange d’avoir été sorti d’un moment de rêverie, le temps d’un voyage en tram.

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