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Marieke Marieke de Sophie Schoukens

Publié le 01/01/2011 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

OEdipe roi

Après Alice ou la vie en noir et blanc, un court métrage aux allures de portrait fragile, Sophie Schoukens revient avec son premier long métrage consacré une nouvelle fois à une figure féminine, celle de la jeune et belle Marieke. Présenté au Festival du Film Francophone de Namur, Marieke Marieke prend le chemin sensible d’un cinéma cathartique et peut-être un peu trop fragile.

Extrait du film Marieke Marieke de Sophie Schoukens.

Si un film était un objet de science à analyser, une exploration raisonnée, celui de Sophie Schoukens pourrait être comparé à un spécimen de perfection cinématographique. Le décortiquer soigneusement, comme un médecin légiste séparerait chaque partie d’un corps idéal, nous conduirait bien vite à n’y voir aucun défaut.

Parfaite d’abord la photographie d’Alain Marcoen (chef opérateur attitré des frères Dardenne), qui transcende le paysage urbain en désert froid et statique et joue de sa douceur feutrée dans les endroits confinés où l’on aurait envie de rester pour s’y étendre.

Parfait aussi le montage qui compose un univers à la fois très précis et très fluide, qui en dit beaucoup en montrant peu, de même que la mise en scène, irréprochable elle aussi… Sophie Schoukens sait jouer des plus infimes détails avec style, aux aguets, et sans jamais s’appesantir. Enfin, inattaquable l’interprétation toute en ambiguïté de Hande Kodja qui campe une Marieke à la fois femme et enfant, rebelle, volontaire, douce et abandonnée

L’abandon, c’est bien dans les deux sens que le film le déroule, puisque abandonnée par son père à l’âge de 8 ans Marieke, 12 ans plus tard, s’abandonne dans les bras d’hommes qui auraient l’âge de l’être. Privée de souvenirs, de photos, d’images auxquelles elle pourrait se raccrocher, Marieke sait seulement que son père est mort. Avec lui, se sont aussi enfuis les rires de sa mère qui joue de la distance et de la froideur pour faire face à l’insupportable absence. Dans cet univers morose, la jeune femme évolue entre l’appartement maternel et l’usine de chocolaterie dans laquelle elle travaille. Le soir pourtant, elle part à la recherche de ce dont elle a été privée enfant, et, armée de son appareil photo, prend des clichés de ses amants comme pour reconstruire l’image de celui qui l’a quittée trop tôt, étirant ainsi la réalité jusqu’à ce qu’elle s’adapte à son rêve. Dans les bras de ces hommes qui ont déjà fait l’expérience de la vie, Marieke trouve le réconfort et la douceur qui lui manquent. Ses clichés sont comme les débris nostalgiques d'une image définitivement perdue.
À l’image de ces photographies de corps fragmentés qui visent à retrouver l’unité d’un idéal, le film lui-même, dont les éléments disparates pris séparément sont, on l’a dit, irréprochables, résiste pourtant et peine à trouver sa place. Bien que parfaitement rodée, cette machine descriptive, narrative et invocatrice trouve donc à fonctionner admirablement sans jamais viser droit au cœur. Et l’ensemble apparaît alors comme un grand tour de force dans lequel les morceaux de beauté désintégrés, les éclats d'un art maîtrisé ne parviennent pas à atteindre leur but.

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