Anouk Fortunier est l'une des réalisatrices-pépites dénichées par le Wilcard Program du VAF en 2015, au même titre que Liesbet van Loon dont Monachopsis a récemment reçu le prix Cinergie au festival Anima 2021. Dans Drôle d'Oiseau, son court-métrage justement récompensé, elle abordait déjà avec brio la déconstruction de la figure paternelle classique au travers des pétillants échanges entre une jeune fille et son père "à côté de la société".
Mijn vader is een saucisse d'Anouk Fortunier
Elle persiste et signe dans cette voie avec Mijn vader is een saucisse, son premier long-métrage prévu à la réouverture des salles en Flandre. Cette fois, c'est au travers du personnage de Zoë (impressionnante Savannah Vandendriessche) que la réalisatrice nous conte son récit, adapté avec malice par Jean-Claude van Rijckeghem d'un roman d'Agnès de Lestrade.
Zoë, 12 ans, contemple sa famille quelque peu dysfonctionnelle de manière cynique et prétendument détachée, sans néanmoins réussir elle-même à trouver sa voie. Mais lorsque son père décide de laisser tomber son métier dans le secteur bancaire pour réaliser son rêve d'adolescent et devenir acteur, Zoë se décide. Il n'y a qu'avec son aide que son papa, manquant cruellement de confiance en lui, parviendra un jour à fouler les planches. Commence alors une véritable aventure entre le buddy movie et la quête initiatique, au cœur du monde de la scène.
Sans prétention ou révolution esthétique, cette première réalisation d'Anouk Fortunier coche toutes les cases du parfait feel-good movie familial, d'une sincérité toute innocente. Le duo formé par la fille et son père incarné par Johan Heldenbergh (Broken Circle Breakdown pour citer son dernier film belge avant une carrière à l'international) est extrêmement attachant. De son côté, Hilde De Baerdemaeker, qui incarne la mère de Zoë, emplit l'écran à chacune de ses apparitions pourtant fugaces, tiraillée entre sa famille et sa carrière. Et si, en mettant l'accent sur ce trio, le film met en retrait les autres personnages aux parcours légèrement plus anecdotiques, les performances des acteurs valent néanmoins le détour tant ils semblent dirigés plus par une réalisatrice de talent que par un scénario parfois trop premier degré.
Cette force artistique de la réalisatrice, on la retrouve également dans les séquences d'animation qui parsèment le film, mettant en images les introspections de Zoë. Mêlant rêves enfantins et créativité débordante, ces interludes offrent une petite touche supplémentaire au film, permettant à Anouk Fortunier de sortir de son cadre pour aller chercher le sens le plus profond des réflexions qui se jouent dans les esprits de ses personnages.
Un point de vue artistique et une réflexion sur l’art comme moyen de s’accomplir soi-même, un cheminement qui prendra d’ailleurs son sens également dans la narration, sublimant le propos simple mais honnête du film.
Opposant à la fois visuellement et métaphoriquement les cerveaux artistiques et analytiques de ses protagonistes, la cinéaste déroule un récit sans grands retournements de situation ou faux-semblants, mais résolument honnête tout en étant assez réaliste et pragmatique dans ses conclusions et son dénouement. On pourra parfois reprocher au scénario son manque de subtilité ou son côté trop abrupt, mais l'énergie positive dégagée par l'ensemble est si communicative qu'il est difficile de résister au sourire ravageur et aux yeux de chaton de sa protagoniste principale.
Un film empli de bons sentiments comme il en faut pour pouvoir se faire du bien, tout en démontrant le talent d'une réalisatrice pleine de promesses et d'un casting de haut niveau, le combo parfait pour un hot-dog cinématographique réussi.