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A New Old Story d’Antoine Cuypers

Publié le 15/07/2012 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

L’amour dans tous ses états

Déjà plein de prix dans sa besace, et tout dernièrement celui du Meilleur court métrage au Brussels Film Festival, A New Old Story, le nouveau film d’Antoine Cuypers, reprend des motifs qui nourrissaient déjà ses précédents films pour les ciseler et affirmer un univers fort, bourré d’un vrai plaisir de faire du cinéma, qui se donne en partage. À déguster, donc. 

A New Old Story d’Antoine Cuypers

Antoine Cuypers aime les films chorals, cela ne fait plus de doute, et les chorégraphies de corps en poursuites, en danses, en batailles et caresses. Des corps, en un mot, désirants. Cela aussi se confirme. Ici, non pas huit personnages comme dans Autonomie de la volonté mais quatre. Non pas une multiplicité de liens qui viendraient se jouer sur un seul territoire imaginaire, mais deux espaces-temps que l’imaginaire amoureux traverse et irrigue. Deux couples, donc, dont les histoires, montées en alternance, viennent peu à peu se caramboler, pour se rejoindre et se nouer dans un temps au-delà de la chair, un temps de la mémoire vivante et brûlante. La séquence d’ouverture du film autour d’une danse solitaire et expiatoire, sacrément maîtrisée, contrastée et découpée, donne le premier tempo d’un film à deux temps. D’abord rock’n’roll pop, violent et dévoré par la chair et le désir, avant que d’être doux, déglingué, vague comme l’âme après bien des errances, solitaire dans la ville anonyme. Deux couples qui vont et viennent entre l’amour et la solitude, deux dimensions, deux styles que le montage, tantôt ultra cadencé, tantôt posé et presque flottant, vient raconter à la caméra, à petit pas de regards, de désirs échangés, de fièvres ravageuses ou de paroles lâchées comme des injures ou des mots d’amours. Secondé par Manu Dacosse à la caméra dont le talent n’est plus à prouver depuis Amer ou De leur vivant, Cuypers travaille ainsi, d’un côté, une sorte de film muet, une mise en scène de la captation amoureuse à travers les corps en transe, tandis que de l’autre côté, c’est la parole, les dialogues, la rencontre, les gros plans qui viennent tisser les liens. Un va-et-vient entre l’autre et soi-même que tout le film, de l’histoire au montage, vient mettre en abyme.
Sans tout vouloir dévoiler, le scénario du film repose sur un petit trick qui aurait presque pu le rendre mièvre. Oui, mais non, pas un instant, parce qu’il y a là Arno pour étaler sur cette vision de l’amour un peu trop sucrée sa dose de fatigue fragile et farouche. Parce qu’il y a aussi la langue bien pendue et le corps vibrant de Sophia Leboutte, forte et nerveuse. Parce que cette vision de l’amour comme un arrachement à soi-même, comme une violence faite à l’autre, n’a rien de mièvre. Et qu’enfin, ici encore, c’est le désir des corps en mouvement, qu’ils se cherchent ou se quittent, qui vient porter le film, lui insuffler une énergie vibrante et forte. Enfin, parce qu’il y a une musicalité constante, une énergie bouillonnante qui irrigue tout le film, et communique la joie de ce cinéma-là, celle d’aller se frotter à des défis scénaristiques ou techniques, de se payer le luxe de quelques séquences de bravoures, à les porter jusqu’au bout avec délice.

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