Un matin glacial et brumeux, la petite équipe image de Cinergie s'en va en gare, direction La Hulpe. Sarah, l'attachée de presse d'EES, nous y attend pour nous conduire sur le lieu du tournage, dans un domaine, au milieu des bois, où elle aime se promener avec ses enfants, « mais pas trop près de la clinique Derscheid, on ne sait jamais les rencontres qu'on pourrait y faire ! » À notre expression étonnée, elle précise que c'est une clinique psychiatrique et que c'est là que l'équipe de tournage d'Oscar et la dame rose a établi son QG. Le tournage se fait en extérieur, dans le parc, aux pieds de la clinique : quelques bureaux du rez-de-chaussée sont occupés par la production et servent à accueillir les figurants. Au fond du parc, un chapiteau a été monté pour recevoir la cantine.
Deux roulottes sont garées au bout d'un chemin, l'une réservée à l'habillage et au maquillage des comédiens, l'autre est un petit havre de paix pour Michèle Laroque, dans lequel elle peut se réchauffer et se reposer.
L'équipe nous reçoit, le sourire en coin : « encore des journalistes ! » Ils n'en ont jamais vus autant que sur ce tournage. Eric-Emmanuel Schmitt et Michèle Laroque les attirent. Mais quand ils reconnaissent les fourmis de Cinergie.be, les visages s'éclairent. « Bien sûr, on connaît Cinergie ! » Après quelques heures passées à leurs côtés, ils nous prennent en pitié; nous sommes frigorifiés, les doigts collent à la caméra, les poings n'arrivent plus à se délier, les jointures ont blanchi. La neige artificielle est recouverte de vraie neige, de gros flocons obscurcissent la fenêtre de la caméra.
L'équipe s'agite autour d'Eric-Emmanuel, emmitouflé sous sa cape cirée doublée polar et son stetson, et son premier assistant, Thierry Guerinel, aussi rouge que son anorak. Une grue, chargée d'une caméra, s'élève et filme la scène finale; la voiture rose de la dame rose qui distribue des bonbons et des sucettes roses à tous les enfants. L'humidité de la neige empêche de tourner la scène. Rapidement, une autre caméra est mise en place, sous les combles du manoir (il s'agit d'une belle bâtisse avec tourelles, oeils-de-boeuf et fenêtres hautes). D’une de ces fenêtres, Oscar voit la voiture de la dame rose. À la pause, entre le café et la reprise de l'après-midi, la comédienne principale du film, la dame rose, nous reçoit dans « ses appartements ». Michèle Laroque, chaleureuse et charmante, répond à nos questions face caméra.
Oscar et la dame rose d'Eric Emmanuel Schmitt - Tournage
Cinergie : Quelle a été votre réaction lorsque Eric-Emmanuel vous a proposé le rôle de la dame rose ?
Michèle Laroque : J’ai reçu cette proposition comme un cadeau. Le livre m’avait émue, et j’ai considéré que c’était une chance énorme de pouvoir interpréter ce rôle dans une histoire profonde et très belle.
C. : Vous aviez déjà lu le livre. Votre idée du personnage était préconçue.
M.L. :Evidemment, mais c’est avant tout l’histoire d’Oscar qui importe. Et puis, je savais que la dame rose du livre ne serait pas la même dans le film puisqu’elle n’a pas l’âge que j’ai. Certaines choses ont été transformées pour qu’elle devienne une femme qui a une vie complète en dehors de l’hôpital. Ce que je trouve très riche, c’est que dans le film, elle évolue : c’est une écorchée vive qui se découvre en s’occupant d’Oscar. Il lui apprend à vivre, et lorsqu’il part, on a le sentiment qu’il vit à travers elle. C’est plein d’espoir, et je trouve ça très important pour le spectateur.
C. : Votre personnage n’est donc pas celui que vous aviez lu et que vous aviez imaginé. Comment avez-vous fait pour préparer le rôle ? Y a-t-il eu des répétitions, des préparations spécifiques ?
M. L. : Il y a eu quelques répétitions avec Eric-Emmanuel, mais on a surtout beaucoup parlé. Je lui proposais des choses, et il me donnait des indications très précises sur la manière de jouer et sur les messages qu’il voulait faire passer. Les répétitions ont eu lieu une semaine avant le tournage, on s’est mis d’accord sur ce qu’il fallait faire passer dans certaines scènes, mais il n’y avait pas besoin de travailler beaucoup parce que la situation est très forte. Amir Ben Abdelmoumen, qui joue le rôle d’Oscar, est magique. Il déclenche toutes les émotions qu’on a envie de trouver, donc c’est très facile de jouer.
C. : Comment se passe le tournage avec Eric-Emmanuel Schmitt ? C’est quelqu’un qui débute dans la réalisation, mais qui a déjà une grande expérience dans la direction d’acteurs avec le théâtre.
M.L. : Il sait exactement ce qu’il veut. Il est très calme, parce qu’il n’a rien à prouver. Il n’y a donc pas de rapports de force. Il met en confiance et il est très à l’écoute. C’est quelqu’un d’extrêmement précis dans ses choix et c’est très sécurisant, ça donne beaucoup de confiance. Ce qui peut paralyser parfois lorsqu’on tourne, c’est le doute. Les doutes d’un metteur en scène, c’est un réel cauchemar ! Douter de soi aussi… Avec Eric-Emmanuel, c’est le rêve absolu parce qu’il supprime ces doutes, et cela donne tous ses moyens à l’acteur. C’est un pur bonheur.