Illustration Gwendoline Clossais
Qui vive d'Anaïs Debus
Lettres blanches sur fond noir installant le contexte, 1914, chants d'oiseaux, blés qu'un bras de femme coupe à la faux et monte en petits tas. Au loin la terre tremble et est projetée dans les airs sous l'effet d'un obus. La vie rurale se poursuit tandis que la guerre gronde à ses portes. La jeune femme, malgré tout peu rassurée, regarde ; son bébé pleure à côté du chien qui aboie ; elle poursuit hâtivement son fauchage. Comme beaucoup de femmes, elle vit seule. Les hommes sont partis en urgence au combat pour retenir les Allemands qui se sont précipités en territoire belge. La peur est devenue permanente et on comprend que chacun reste sur ses gardes. Il arrive qu'un soldat fuit, ou se perd. Difficile alors de savoir qui peut frapper le soir à sa porte et mettre éventuellement toute la famille en danger. On a du mal à imaginer en temps de paix ce que la peur peut générer comme sensation voire psychose en s'installant insidieusement jour après jour. Surtout pour une femme qui, aussi courageuse soit-elle, entend les rumeurs et les atrocités que peuvent commettre les envahisseurs. Instaurer la peur est souvent une arme très efficace, condamnant la plupart du temps ceux et celles qui y sont soumis à l'inaction, à la paralysie. Cependant, cette jeune fermière n'est pas du genre à laisser son enfant ni celui qu'elle porte sans protection, et c'est en louve qu'elle compte bien se défendre l'arme à la main. L'individu qui s'est présenté à sa porte en fera les frais. D'origine étrangère, il deviendra son prisonnier le temps qu'une communication s'installe, que la peur s'estompe néanmoins chaque fois ravivée par les nouvelles venant du front et portées tantôt par les lettres, tantôt par les gendarmes.