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Rencontre avec Anne-Françoise Reynders, coordinatrice de l'Agence belge du court-métrage

Publié le 29/04/2019 par David Hainaut et Tom Sohet / Catégorie: Entrevue

« Pour le court-métrage belge, c'est une année formidable »

C'est un fait. Historiquement, le court-métrage ne s'est jamais aussi bien porté chez nous. Avec deux films belges parmi les cinq rescapés des derniers Césars (Les Petites Mains de Rémi Allier, le lauréat, et Kapitalistis de Pablo Munoz Gomez), deux dans les dix finalistes des Oscars (Icare de Nicolas Boucart et May Day du Tandem Fedrik De Beul – Olivier Magis) et un autre (Lucia en el Limbo de Valentina Maurel) concourant pour le prochain Festival de Cannes, le genre est aux nues.

Et alors que le 22e Festival du Court-métrage accueille en ce moment 25 000 festivaliers à Bruxelles, Anne-Françoise Reynders, coordinatrice de l'Agence belge du court-métrage depuis sa création en 2016, évoque ce petit phénomène.

Cinergie : Dites-nous tout : que se passe-t-il donc, en ce moment, pour le court-métrage belge ?
Anne-Françoise Reynders: C'est vrai qu'il vit une année formidable et suscite un intérêt partout dans le monde. La raison ? Je pense simplement que nous avons une grande force de créativité, de bons talents, que ce genre de films est bien encadré et qu'on parvient donc à sortir beaucoup de films de qualité. Puis, il y a cette éternelle patte belge, avec un humour et un sens de l'absurde qui plaisent, ainsi qu'une variété de genres qui s'élargit, grâce aussi, aux coproductions de plus en plus nombreuses avec la France...

C. : On le sait, c'est face à cet engouement qu'est née la première agence belge du court-métrage, dont vous vous occupez. Après trois ans, quel bilan en tirez-vous ?
A-F.R. : On est très satisfaits. Même si on s'en doutait un peu en se lançant, on a constaté en trois ans le réel intérêt des professionnels. De plus en plus de films s'inscrivent chez nous et font de belles carrières, ce qui est forcément bénéfique pour l'agence. On aimerait développer encore plus de choses, comme organiser davantage de cartes blanches chez nous et à l'étranger, des débats et surtout, continuer à montrer le court-métrage au public qui les connaît encore peu. C'est par exemple pour cela que depuis plus d'un an, on organise chaque mois un ciné-club à Bruxelles, au Cinéma L'Aventure. Car excepté en festivals, en télévision tard le soir ou en vidéo à la demande, le court-métrage attire surtout un public de cinéphiles. Nous, on aimerait le sortir de cette case, le décloisonner en quelque sorte, pour mieux le faire connaître aux gens.

C. : Replacer le court-métrage dans nos salles figurait parmi vos utopies de départ. Cela en reste une ?
A-F.R. : Toujours à ce stade, mais on garde le projet en tête, même si la publicité a un peu pris sa place dans nos salles. On réfléchit donc à faire des programmations parallèles ou créer de petits événements, même si tout ça reste encore ponctuel. Comme nous l'avons fait à Bruxelles au Palace, autour de deux courts-métrages qui ont aussi eu de belles carrières, D'un château l'autre d'Emmanuel Marre, et La Bague au doigt de Gerlando Infuso.

C. : En ce moment, se tient le Festival du court-métrage de Bruxelles. On imagine que cette période est importante pour vous...
A-F.R. : Oui, elle est bien chargée, pour l'instant. Depuis la reconnaissance du Brussels Short Film Festival par l'Académie des Oscars l'an dernier, on peut le dire, c'est un des plus importants festivals de courts-métrages dans le monde. L'événement a son marché et son forum de coproductions donc, pas mal d'acheteurs et de programmateurs internationaux s'y retrouvent. Même si elle n'est pas comparable au long-métrage, c'est tout de même une petite industrie. Puis, nous avons une quinzaine de films inscrits là-bas, avec une nouvelle vague plaisante de réalisatrices qui arrivent cette année, comme Catherine Cosme (Famille), Marie Le Floc'h (Je serai parmi les amandiers), Bérangère McNeese (Matriochkas), Isabelle Schapira (Garçon), etc...

C. : Le court-métrage : plus que jamais le tremplin obligatoire avant d'envisager la réalisation d'un long ?
A-F.R. : Je pense. Pour un réalisateur, c'est une carte de visite qu'il peut montrer à un producteur en lui disant : «Voilà, j'ai fait mon film, il a été sélectionné là, là et là, engage-moi pour faire un long chez toi». Car un producteur engagera difficilement un réalisateur s'il n'a rien vu de lui au préalable. Donc oui, je dirais que c'est un passage obligé. En général, on en fait un, deux ou trois avant de passer au long. Ceux qui y passent directement sont rares. Mais il reste quelques réalisateurs de courts qui n'ambitionnent pas forcément de long.

C. : Environ 400 courts-métrages belges ont été déposés au Festival du court-métrage de Bruxelles, cette année. À peine une petite trentaine figure en sélection nationale...
A-F.R. : Oui, c'est plus ou moins la même proportion depuis quatre ou cinq ans, en incluant les autoproductions, qui réservent parfois de belles surprises. La concurrence est devenue très forte depuis que les moyens de fabrication se sont démocratisés et qu'on peut tourner un film avec son téléphone, mais ce n'est pas pour autant plus simple aujourd'hui de faire un bon film, avec un bon scénario ! Nous, c'est ce qu'on recherche. On constate aussi qu'il y a de plus en plus de longs cours (NDLR: de plus de 25 minutes), ce qui complique la tâche des programmateurs, tant chez nous qu'à l'étranger. Or, l'idéal pour qu'un court fasse carrière est de ne pas dépasser cette durée, sauf exception...

C. : Pour en revenir à l'Agence, outre la promotion et la distribution du court-métrage, il y a la vente. On imagine qu'elle se porte bien en ce moment ?
A-F.R. : Oui, bien que vu la transition numérique et l'avènement de la vidéo à la demande, les chaînes de télévision classiques en achètent moins qu'avant. Il s'agit donc de s'adapter. Mais nos films se vendent absolument partout. Chez nous, bien sûr, via la RTBF ou Be TV, mais aussi en France (Arte, Canal +, France Télévision, TV5...) et dans le reste du monde, jusqu'en Scandinavie ou au Japon. Et puis, en ce moment-même, on est en train de conclure avec la Flandre (via Dalton Distribution, une boîte de référence du court au nord du pays) un accord pour de futurs échanges de cartes blanches. Tout en continuant de nous occuper bien sûr de nos films. L'un d'entre eux, Calamity (de Séverine De Streyker & Maxime Feyers) fait en ce moment une carrière exceptionnelle dans le monde, avec près de 300 sélections en festivals. Et puis, Cannes va vite arriver pour nous, où nous soutiendrons donc Valentina Maurel à la Semaine de la Critique...


Infos pratiques : http://agenceducourtmetrage.be/

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