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Rencontre avec Christophe Istace sur le tournage de Mal de mère

Publié le 04/05/2009 par Dimitra Bouras et Antoine Lanckmans / Catégorie: Entrevue

Perdu dans la province du Hainaut, à quelques kilomètres de la capitale, un petit village au doux nom de Silly a accueilli, dans son école champêtre, une dizaine de joyeux perturbateurs armés de caméras, perches, réflecteurs et projecteurs. La belle salle de gymnastique nichée dans la tourelle de l'aile gauche du bâtiment s'est transformée, le temps d'une journée de tournage, en décor d'une des scènes-clé du court métrage Mal de mère. Ce projet, mené par l'asbl Loupiote et orchestré par Véronique Dahout et Christophe Istace, est l'aboutissement d'une longue réflexion sur l'éducation à l'image. Cette association, active dans le milieu scolaire, a reÁu une aide pour réaliser un film écrit par des enfants et les mettant en scène, l'histoire de trois jeunes vivant la séparation de leurs parents sur fond de schisme linguistico culturel. Un deuxième film a également été réalisé pour expliquer chaque étape et chaque poste de la réalisation. Les enfants acteurs racontent les difficultés du métier : recommencer 4 voir 5 si pas 6 fois la même séquence, ce qui signifie deux heures de tournage pour 30 secondes de film, tout en restant concentrés pendant ces deux heures sous peine de les voir se rallonger si le réalisateur n'est pas satisfait ! Le glamour perd un peu de son éclat, mais au profit d'une compréhension active du cinéma. Démystifier le 7ème art, décortiquer chaque image créée, tout en recherchant le plaisir de l'implication et de la compréhension des jeunes spectateurs, tel est le défi que prétend relever cette association, tout comme les cinéastes et les professionnels du cinéma belge francophone, auquel nous joignons notre soutien et notre action.
Quelle est la genèse de ce projet ?

Christophe Istace : L'aventure a commencé avec l'écriture du scénario, couronné par le Prix du scénario interactif Promimage en 2004. Nous avons écrit les trois premières pages, en plantant le décor, pour ensuite le mettre sur Internet et laisser la possibilité aux enfants d'écrire la suite. Au fur et à mesure que les idées venaient de la part des enfants, nous les avons résumées et nous avons écrit la suite. La situation de départ était celle-ci : une grand-maman se dispute avec son beau-fils avec, en trame de fond, la séparation de la Belgique et la séparation des parents. Les premières réactions des enfants étaient très outre-Atlantique, très cliché ! On leur a demandé de se recentrer, de mieux réfléchir sur le fait que l'histoire devait s'organiser autour des enfants protagonistes, et non pas sur les adultes.

C.: Quelles ont été les propositions les plus marquantes ?
C. I.: C'était très touchant de découvrir les solutions proposées par les enfants. Elles allaient souvent dans le sens d'une réconciliation des parents séparés. Tout se terminait par un beau happy end ! Mais on ne pouvait pas accepter cette fin illusoire, on ne voulait pas leurrer les enfants. Nous savons bien, nous, adultes, que les parents divorcés ne se remettent pas ensemble !

C.: Et qu'avez-vous choisi de raconter ?
C. I.: Les trois enfants protagonistes s'appellent Frédéric, Farah et Jean. Frédéric fugue avec le vélo de Farah, Farah et Jean vont le chercher sans prévenir les parents, ils vont se disputer et Jean va laisser tomber Farah. Il se rend compte de son erreur et retourne vers elle. Ensemble, ils découvrent Frédéric qui s'est laissé enfermer dans le thé‚tre o_ son père se représente, et l'aident à se libérer. Le père y retourne après son travail et trouve avec surprise les trois enfants. Frédéric tente des explications mensongères, mais finit par avouer la vérité et termine sa phrase par : « Papa, j'aimerais voir maman plus souvent ! » Le lendemain, happy end, les amis de Frédéric et lui-même replantent des fleurs dans le jardin de la grand-mère qu'ils avaient auparavant écrasées.

Cinergie: Parallèlement au tournage du film, vous avez réalisé également le making off didactique. Pourquoi ?
Véronique Dahout: Le making off se fait en même temps que le film par une petite équipe de 3. Nous nous adaptons au plan de travail au jour le jour, selon le poste le plus demandé pour une scène et selon la disponibilité des techniciens. Le but de ce making off est de montrer aux enfants comment se met en place un tournage pour leur permettre de comprendre la fonction de chaque poste : réalisateurs, acteurs, costumière, ingénieur son, etc. Ce qu'on essaie de faire, c'est de les filmer dans l'action, et lorsque c'est possible, d'avoir un retour de ce qu’ils font. De même pour les enfants acteurs, on a un entretien avec eux après chaque journée de travail pour avoir une explication des enfants aux enfants.

C.: Combien de postes suivez-vous ?
V.D.: Nous en suivons une douzaine régulièrement comme la costumière, le régisseur, le décorateur, le producteur, etc.

C. : Comment pensez-vous vous en servir ?
V. D. : Le making off servira en particulier aux animateurs de l'asbl Loupiote qui iront dans les écoles. Il permettra un apprentissage du cinéma et de tout ce qu'il comporte. L'explication d'une réalité que les enfants ne comprennent pas : le travail fourni, la fatigue que l'on peut endurer, le fait qu'on ne devient pas célèbre en un jour et que l'argent ne coule pas toujours à flot. Ce concept de joindre le film et le making off est un concept qu'on a élaboré, il y a 4 ans, avec l'asbl Loupiote et qui s'appelle : ´ Les enfants du Ciné ª. Notre objectif est de provoquer chez les enfants une sorte de débat citoyen sur les thèmes qui sont pour la plupart des thèmes qui touchent les enfants d'aujourd'hui, qui leur tiennent à cœur. Dans le film Mal de mère, les thèmes principaux sont la séparation, les conflits linguistiques, les conflits entre amis, les malentendus, etc. Notre objectif fondamental est l'éducation citoyenne par le cinéma et en second temps, l'éducation au cinéma.

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