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Rencontre avec l'équipe de tournages de la STIB

Publié le 14/06/2022 par David Hainaut et Harald Duplouis / Catégorie: Entrevue

Quand la STIB fait son cinéma

Des frères Lumière à Audrey Hepburn, en passant par Bertrand Blier, Claude Chabrol, Jacques Brel ou Stijn Coninx, la STIB a déjà vu défiler de nombreuses personnalités du cinéma sur son réseau. Et en ces temps où l'image règne, les sollicitations pour tourner dans un bus, un métro ou un tram, bruxellois en particulier, se multiplient forcément.

Rencontre avec Julie de Caluwé, manager et Pierre-Philippe Hamoir, officer, le duo qui coordonne aujourd'hui ces demandes, au sein de la société des transports, qui, ces derniers temps, ont concerné tant le cinéma (Nabil Ben Yadir, Lukas Dhont, François Troukens, Adil El Arbi et Bilall Fallah, Jaco Van Dormael...) que des séries (La Théorie du Y, Pandore ou la future 1985).

Cinergie : C'est donc par vous qu'il faut passer pour tourner dans un transport à Bruxelles ?

Julie de Caluwé : Par notre département communication et des relations publiques que nous représentons donc, oui. On travaille sur plusieurs volets et sur toutes les demandes de tournage sur le réseau, allant des clips aux publicités, en passant par les films et les séries. On s'occupe aussi de tout ce qui concerne l'événementiel et protocolaire, comme les commémorations du 22 mars.

Pierre-Philippe Hamoir : Oui donc, les visites officielles, scolaires, royales, celles des entreprises, qu'elles soient nationales, internationales, etc...

 

C: En ce moment, qu'est-ce qui dominerait le plus, concernant les demandes à l'écran ?

J.d.C.: J'ai quand même envie de dire les séries et les longs-métrages.

P-Ph.H.: Et assez peu de publicités en fait, car leurs délais sont en général courts, et nous devons veiller à notre charte éthique. On a déjà dû refuser plusieurs demandes de grandes marques prestigieuses.

J.d.C.: Oui, quand une demande ne rejoint pas nos valeurs, comme par exemple une publicité sur l'alcool, ça va difficilement se mettre en place.

P-Ph.H.: Concernant la fiction par contre, c'est plutôt rare qu'on dise non. On n'est pas là pour jouer un rôle de censeurs ou de critique de cinéma, et on n'agit jamais par favoritisme. Ce qu'on regarde surtout, c'est si un projet ne choque pas le public et ne touche pas l'image de la STIB. S'il y a des scènes de meurtres aussi, on refuse.

 

C.: Et parmi ces films et ces séries, vous avez de récents titres à l'esprit ?

P-Ph.H.: Oui. Il y a Rebel, le deuxième film d'Adil El Arbi et Bilall Fallah qui sortira cet automne. Puis, The Pod Generation de Sophie Barthes, qui se passe en 2060 à New York. La série belge 1985, qui évoque les tueries du Brabant. On peut aussi parler de la saison 2 de Braqueurs, qui a nécessité une belle scène de cascade dans le tram. Et récemment aussi, le film Le plus vivant possible de Delphine Girard, avec Veerle Baetens. On a toujours quelque chose en perspective. Bas Devos va bientôt revenir une troisième fois et ces jours-ci, une publicité qui va se faire pour un équipementier sportif.

 

C.: On imagine que tout cela peut désordonner le trafic et que cela réclame du personnel en plus, non ?

J.d.C.: Clairement ! C'est pourquoi on analyse bien chaque demande, en voyant la faisabilité du projet. On oriente sur des horaires et des moments les plus calmes. Puis, il y a un coût de personnel à estimer oui, car on doit mettre à disposition un conducteur ou une conductrice, dédier un véhicule approprié, etc...Tout cela prend en fait du temps, avec un aspect administratif qui ne s'improvise pas. Mais on essaie toujours de se débrouiller.

P-Ph.H.: Ce qu'on facture, ce sont les coûts de fonctionnement. On calcule tout ce qui est relatif à la demande : le personnel nécessaire, si le tournage se fait de nuit ou non, le nettoyage, le kilométrage du véhicule, avec la distance qu'il va parcourir pour le tournage, etc...

 

C.: Les tournages clandestins, c'est courant ?

J.d.C.: Ah oui, ça existe ! (sourire)

P-Ph.H. : Oui, on a plusieurs exemples. Les gens ne s'imaginent pas toujours qu'il faut une autorisation pour filmer sur le réseau, car tout le monde imagine qu'il s'agit de l'espace public. Or, si vous tournez dans un aéroport, vous demandez une autorisation. Ici, c'est pareil! On a eu un très bel exemple avec Black ! Ce film a été tourné sans autorisation et quand on voit le résultat, on se dit que c'est chouette. Pourtant, on n'aurait pas autorisé la moitié de ce qu'ils ont fait ...s'ils l'avaient demandé ! Mais bon, les choses se sont arrangées par la suite. Ils sont désormais au courant et nous ont recontacté depuis.

 

C.: Quels sont les endroits les plus prisés ?

P-Ph.H.: Ce sont surtout les véhicules qui sont demandés, avec des lieux. Mais celui qui ressort, c'est la station de métro Pannenhuis.

J.d.C.: Oui, pour son architecture particulière, Pannenhuis est régulièrement demandé pour des photos de mode, des clips. Sinon, Jette, le centre-ville bien sûr. Saint-Gilles est souvent réclamé pour son côté haussmannien, assez proche de Paris. Mais de manière générale, on va un peu partout.

P-Ph.H.: L'axe Louise-Rue Royale-Place Poelaert est souvent plébiscité. Mais bon, on essaie d'aiguiller les productions vers différents quartiers. Pas mal de demandes se font aussi grâce à Screen Brussels et le Tax Shelter. On se rend bien compte que Bruxelles reste encore plus accessible que Londres, Paris ou même New York, où c'est bien moins simple de tourner un film qu'on ne le pense.

J.d.C.: Tout dépend de ce qui est demandé : s'il s'agit d'un décor plus urbain, s'il faut un bus (plus flexible) ou un tram, on réfléchit ensemble de ce qui convient au film et aux scènes.

 

C.: Et quand il s'agit d'un tournage d'époque ?

P-Ph.H.: Là, on a une chance à Bruxelles, c'est d'avoir le musée des transports urbains, plus connu sous le nom du Musée du Tram. Il ne dépend pas de la STIB, mais il est géré par des bénévoles et pas mal d'anciens de notre société. C'est vrai qu'il y a pas mal de demandes pour des films d'époque, car on jouit d'un patrimoine exceptionnel et hyper bien entretenu. Emmanuelle Béart est venue tourner Le désert de l'amour, il y a quelques années. Et quelques séries télévisées bien connues, comme Hercule Poirot.

J.d.C.: Une chose est sûre, on est toujours contents et même fiers du résultat à la fin. Pour beaucoup de gens, ça reste toujours plaisant de reconnaître son bus ou son arrêt à l'écran.

P-Ph.H.: C'est une manière de valoriser le pays, et la région...