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Rencontre avec Michel Denis, Directeur Général de Benuts, société belge spécialisée dans les effets spéciaux.

Publié le 06/12/2017 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

La nouvelle génération qui arrive peut apporter du positif pour tout le monde !

En Belgique (ou ailleurs), presque chaque film qui se tourne doit aujourd'hui faire appel à une société d'effets spéciaux. Une étape d'autant plus incontournable, à l'heure de l'avènement du numérique.
D'Abel & Gordon à Joachim Lafosse en passant par Dany Boon, Benoît Mariage ou Vincent Lannoo, mais aussi des projets comme Euh, La Trêve ou Le Sens de la fête, nombreux sont ceux à faire appel à la société Benuts, basée La Hulpe et (re)connue dans ce secteur aussi particulier qu'essentiel.
Rencontre avec son directeur, Michel Denis, tout juste de retour d'une importante mission au Canada et qui jouit d'une expérience de plus de vingt-cinq ans dans ce domaine.

C. : Vous venez de vous rendre au Canada. Dans quel but ?
Michel Denis : Notre objectif était d'y rencontrer les studios d'effets spéciaux et trouver de nouvelles collaborations. Dans l’industrie canadienne, il y a des milliers de jobs vacants. Puis, ce pays est un lien direct avec les États-Unis et donc, avec de potentiels films majeurs pour nous, comme ceux issus de la Fox, de Marvel ou de Warner. Cela correspond aussi à une envie de nous diversifier et faire gagner de l'expérience à nos graphistes. En Belgique, un problème récurrent est que nous perdons régulièrement des talents, déjà difficiles à recruter ! Puis, si nous avons ici différents outils indispensables d'aide au cinéma, pour les tournages, la post-production ou les effets spéciaux, on se limite aux films européens parce qu'aujourd'hui, il faut 30% d'un budget dépensé en Belgique pour coproduire un film. Ce qui est considérable pour simplement faire de la post-production en image ou des effets spéciaux, qui peuvent se fabriquer à distance. Mais des discussions ont lieu, en ce moment, pour réduire ce chiffre...

C. : On pourrait croire que le métier de graphiste est en vogue. Or, selon vous, il n'y en aurait pas tellement...
M.D. : Et non! Sur notre marché, les quelques boîtes d'effets spéciaux se partagent d'ailleurs les mêmes graphistes. Nous sommes donc parfois obligés de recruter en Espagne, en Italie ou en France, certains venant même s'installer chez nous. Des écoles les forment bien, comme l'IAD ou Albert Jacquard, ce qui nous amène des profils intéressants, mais ceux âgés entre 25 et 35 ans, souvent ambitieux, sont difficiles à garder. C'est la raison pour laquelle collaborer avec plus de films internationaux aurait un sens. Afin de les préserver ici...

C. : En cette fin d'année 2017, sur quels chantiers êtes-vous ?
M.D. : Nous travaillons toujours sur quatre ou cinq projets simultanément. En ce moment, le plus gros est la troisième saison de la série Versailles, une coproduction belge où l'on doit reconstituer le château et la foule. On termine aussi le prochain film de Dany Boon (La Ch'tite Famille), avec de grosses séquences de restaurant à faire. Puis, on planche sur le prochain Alain Chabat (Un Cadeau du ciel) et la suite de Stars 80, ainsi que Love Addict, une autre comédie française. Au niveau belge, on vient de terminer le générique de La Trêve 2, après avoir déjà fabriqué celui de la première saison. On est impliqué sur les autres séries, sur du documentaire, du court. Et même des webséries, qui vont être de plus en plus nombreuses, le Tax Shelter venant juste de s'ouvrir à elles.

C: Aujourd'hui, est-il correct de dire que chaque film a besoin d'utiliser des effets spéciaux ?
M.D. : Oui, y compris pour des productions modestes, où il faut juste effacer une perche de son, des griffes de lunettes ou de voiture ! On intervient parfois tard dans le processus quand, par exemple, un problème est remarqué au montage. Mais on essaie d'anticiper les tournages où d'être consulté au préalable, parfois dès l'écriture. Nous ne poussons personne à injecter des effets spéciaux partout, mais c'est désormais plus simple et moins coûteux pour un film de faire appel à une société d'effets spéciaux, que devoir retourner certains scènes. Nous nous intéressons en fait à tout ce qui touche à l'image et à son traitement, quel que soit le support ou le canal, finalement.

C. : Comme la musique qui, récemment, vous a apporté de belles surprises...
M.D. : C'est un peu le fruit du hasard, mais nous avons eu en effet une rencontre déterminante avec Stromae, qui signe des clips très cinématographiques. L'un d'entre eux («Quand c'est ?») nous a amené trente millions de vues ! Cela nous a ouvert des portes sur un secteur qu'on ne connaissait pas. Nous avons créé pour cela un label musical spécifique, avec lequel on développe des clips et des visuels pour concerts. On collabore avec des gens comme Loïc Nottet ou Bigflo & Oli, et on a pour le moment d'autres contacts majeurs. C'est un univers différent mais enrichissant pour sa créativité, notamment en animation.

C. : Visiblement, les perspectives dans votre secteur semblent donc intéressantes ?
M.D. : Oui, nous sommes optimistes. Nous avons aussi un bureau néerlandais et un partenaire français. Les outils de développement mis en place chez nous, de la Fédération Wallonie-Bruxelles au VAF, en passant par Screen Brussels, le Tax Shelter ou Wallimage, sont intéressants. Ils permettent d'attirer de beaux projets et d’offrir de nombreux emplois, d'autant que dans les effets spéciaux, en Belgique comme ailleurs, le travail se partage souvent entre plusieurs studios. Nous avons cinq salariés et une dizaine d'indépendants permanents, parfois plus selon les projets. On reste attentif à la formation, en maintenant aussi des discussions avec les écoles pour coordonner des outils qui, vous l'imaginez, évoluent sans cesse ! Mais pour nous, cela va donc être intéressant de toucher davantage le marché international, ses possibilités étant infinies. Tout en gardant bien sûr un œil sur ce qui se passe ici : le cinéma belge francophone ne permet pas encore de faire tourner complètement une société comme la nôtre, mais l'avènement des séries me fait croire à l'arrivée d'une nouvelle génération qui va faire changer les choses, y compris au cinéma. Et ce sera positif pour tout le monde...

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