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Rencontre avec Nicole Gillet, déléguée générale du 34è Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF), du 27/9 au 4/10

Publié le 25/09/2019 par David Hainaut et Constance Pasquier / Catégorie: Entrevue

« C'est flatteur de voir que le Festival de Namur intéresse toujours de nombreuses personnalités »

 

Avec les festivals de Gand et le Fantastique de Bruxelles (BIFFF), le Festival International du Film Francophone de Namur est aujourd'hui considéré comme l'une des trois principales manifestations liées au 7è art en Belgique.
Créé en 1986, l'événement wallon, qui démarre ce vendredi, en arrive à sa 34è édition. L'occasion d'en faire le point avec celle qui en est la déléguée générale depuis tout juste une décennie, Nicole Gillet.

Cinergie: Quand on est à la tête d'un même événement comme le FIFF depuis dix ans, réussit-on à l'aborder sereinement ?
Nicole Gillet: Non (sourires), car il y a toujours une angoisse et un stress liés aux difficultés de dernière minute. On espère surtout que les personnalités conviées répondent présentes. Mais c'est propre à l'événementiel, et c'est finalement aussi ça qui donne l'adrénaline: si on n'avait pas envie de le faire, on exercerait un autre métier. Je reste donc surmenée, bousculée mais … heureuse, car cette édition s'annonce belle. L'excitation est là, avec les mêmes envies de faire découvrir les films que nous avons choisis, entendre les retours du public et accueillir les équipes des films...

 

C: Lors de la conférence de presse de septembre, vous avez annoncé cette édition 2019 comme féminine, engagée et fantaisiste: c'est-à-dire?
N.G.: Féminine d'abord, car en regardant les 24 films de la compétition officielle et celle des premières œuvres, on voit qu'on atteint presque la parité entre réalisateurs et réalisatrices. Cela me semble important de le souligner après notre signature l'an dernier de la charte 2020 du collectif 50/50 (NDLR: un organisme international militant pour des valeurs comme la diversité, l'égalité et la parité), bien que nos choix ne se fassent qu'en fonction de la qualité des films, et non du sexe. Engagé ensuite, car la Francophonie offre des regards novateurs sur des problématiques sociétales, comme l'immigration. Le FIFF étant axé «films d'auteurs», ces thématiques nous sont récurrentes et l'engagement peut-être plus prégnant, avec des points de vue différents sur le monde. C'est encore plus le cas cette année. Et enfin fantaisiste - voire singulier -, le festival s'ouvrant cette année avec Chambre 212 de Christophe Honoré et proposant un film comme Perdrix d'Erwan Le Duc, soit un type de cinéma qui nous semble original et déroutant. C'est bien d'aller aussi dans cette direction-là, pour susciter le débat et interpeller le public.

 

C: Cette programmation, justement, après toutes ces années, elle se compose naturellement, ou devez-vous parfois opérer des choix « douloureux »?
N.G.: Dans une programmation, il y a toujours des choix à assumer et des regrets à avoir, étant donné les 1300 films reçus de toute la Francophonie, soit dix fois plus que ce qui est sélectionné! Nous, on veille surtout à être attentif à la diversité culturelle, à la représentation d'une Francophonie plurielle et à montrer des films porteurs et susceptibles d'attirer le grand public et la presse. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons réduit le nombre de films présentés, pour mieux les mettre en avant et les défendre. On aime aussi prendre des films en sachant qu'ils seront accompagnés par ceux qui y ont participé, histoire de permettre des rencontres et offrir des moments privilégiés à chacun. Car c'est aussi ça, le rôle d'un festival.

 

C: On sait que le vôtre figure parmi les principaux en Belgique. Vous qui bourlinguez souvent, comment le FIFF est-il perçu à l'étranger?
N.G.: Par sa spécificité et son histoire, il a une reconnaissance qui va bien au-delà du local et du national. C'est ce qui nous permet d'accueillir quelques belles pointures. Au fil des décennies, on a pu asseoir cette notoriété. Notre logo se retrouve régulièrement sur des affiches des films primés chez nous, voire même simplement sélectionnés. Bien sûr, on se bat, car il faut toujours être novateur et attentifs tant aux professionnels qu'au grand public. On a par exemple modernisé notre billetterie pour réduire les files, on organise de nombreux ateliers (jeunes comédiens, etc...). On a parfois tendance à penser que le public est vieillissant, mais le festival prouve avec le «FIFF Campus» que les étudiants et les jeunes sont très présents, et ce, depuis des années. C'est important de rester à leur écoute, de ne pas se reposer sur ses lauriers, de saisir de nouvelles tendances, voire de suivre certains talents.

 

Delphine LehericeyC: Un constat est clair, le tableau des invités de cette édition est assez impressionnant...
N.G.: C'est vrai! Nous sommes ravis d'accueillir le multi-césarisé André Téchiné comme président, tout en montrant un documentaire de Thierry Klifa sur lui. Notre coup de cœur est dédié cette année à Laetitia Casta qui, depuis sa carrière de mannequin, a fait des choix artistiques intéressants au cinéma. Elle défend un rôle magnifique dans Le Milieu de l'horizon de Delphine Lehericey, sans oublier sa présence dans la série Une Île, que nous présentons aussi. À côté, sans pouvoir citer tout le monde, on peut dire que d'Yvan Attal à Roschdy Zem, en passant par Sami Bouajila, Benjamin Biolay, Arnaud Desplechin, Valérie Donzelli, Charlotte Gainsbourg, Adèle Haenel, Christophe Lambert, Benoît Magimel, Pierre-François Martin-Laval, Chiara Mastroianni, Yannick Renier ou Ludivine Sagnier (...), il y a du beau monde. C'est tout de même assez flatteur de voir que Namur intéresse une telle richesse de personnalités...

 

C: Par ailleurs, vous veillez toujours à mettre le cinéma belge en avant...
N.G.: Oui, on veut toujours être une vitrine du cinéma belge. Nous proposons au moins cinq long-métrages en primeur, dont la Caméra d'Or cannoise Nuestras Madres, de César Diaz, en plus d'autres déjà sortis. Comme autre films inédits chez nous, je songe entre autre à ceux de Fabrice Du Welz (Adoration), de Laurent Micheli (Lola vers la mer), de Véro Cratzborn (La Forêt de mon père), ou celui du tandem Bénédicte Liénard/Mari Jimenez (By The Name Of Tania).
By the name of TaniaOn essaie aussi de provoquer des rencontres avec des distributeurs, des exploitants, des programmateurs ou même des vendeurs étrangers pour leur montrer ces films en primeur. On aime matraquer à ce niveau, car même si cela change un peu, on sait que le public belge ne va pas toujours voir ces films, alors qu'il y a tellement de choses importantes et intéressantes à voir! Mais ce travail, nous le faisons toute l'année et au-delà du Festival, comme avec La Caravane du court, qui permet de montrer des courts-métrages dans différents lieux.

 

C: Face aux festivals historiques comme le vôtre, on a vu ces dernières années poindre un nombre grandissant de festivals chez nous. Quel est votre sentiment, face à ce petit phénomène?
N.G.: C'est un constat valable tant chez nous qu'à l'étranger. De nos jours, chaque ville a envie d'avoir son propre festival. Ce que je comprends tout à fait quand Maxime Prévot, le bourgmestre de Namur, vient me dire après un voyage à Beyrouth que la Maire de Paris (NDLR: Anne Hidalgo) lui dit connaître sa ville grâce au ...festival! C'est assez extraordinaire pour la publicité d'une ville. Mais si de nombreuses municipalités essaient ou lancent des démarches, je ne suis pas certaine que cela reflète le même genre de réflexion que lorsqu'elle provient de professionnels. Car créer un festival de cinéma doit correspondre à une vraie philosophie. Je n'ai évidemment rien contre toute nouvelle démarche, mais j'ai aussi envie de dire qu'il faut comparer des choses comparables. Et qu'il y a parfois des thématiques fourre-tout...

 

C: Bref, après dix ans à sa barre, on peut dire que le FIFF s'en sort bien?
N.G.: Moi, j'aime ce festival, cette Francophonie et tous ces contacts. Cela me fait plaisir d'entendre qu'il y a un public qui se réjouit chaque année quand arrive le festival. Et si nous sommes une équipe de 9 à l'organiser toute l'année, je rappelle qu'on est près de 250 pendant l'événement, grâce à des bénévoles auprès de qui on suscite parfois des vocations. On dit de notre festival qu'il est convivial à côté du strass et des paillettes qu'il amène, mais je revendique cet aspect. Quand Vanessa Paradis est venue ici, elle avait mis beaucoup de garde-fous autour d'elle, avec un planning un peu cadenassé: mais une fois sur place, elle a trouvé l'ambiance tellement agréable qu'elle n'a pas hésité à se mêler au public sous le chapiteau, notre centre névralgique. Plus que jamais, celui-ci reste d'ailleurs un lieu-clé du festival. Namur est certes une petite ville, mais je pense qu'on peut dire qu'elle accueille aujourd'hui un grand festival!

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