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Rencontre avec Stéphanie Crayencour, jurée au 33e Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF)

Publié le 28/09/2018 par David Hainaut et Tom Sohet / Catégorie: Entrevue

"Le FIFF de Namur a une belle réputation, même à l'étranger"

Entre le Festival de Venise, où elle accompagnait l'équipe du film belge Emma Peeters de Nicole Palo, et le tournage cet automne d'Adorables, son deuxième film avec Solange Cicurel (Faut pas lui dire), Stéphanie Crayencour figure dans le jury officiel du festival namurois.

Depuis ses débuts en 2007 dans le dernier film d'Eric Rohmer (Les Amours d'Astrée et de Céladon) où elle tenait le rôle féminin principal, cette trentenaire native d'Uccle a fait son chemin, entre cinéma, musique et télévision. Rencontre, à son domicile schaerbeekois.

Cinergie : Ce n'est pas la première fois que vous vous retrouvez dans un jury de festival. Mais à Namur, ce sont donc vos débuts, dans ce rôle-là...
Stéphanie Crayencour : Oui, j'en suis fière et heureuse, car le FIFF est l'un des festivals les plus importants en Belgique, et jouit d'une bonne réputation, y compris à l'étranger. En voyant les noms des autres jurés et la programmation, ça s'annonce bien ! J'adore faire ça, aussi pour les rencontres : c'est grâce à un jury du Festival du Film Historique de Waterloo que j'ai croisé Jean-Marie Poiré, qui m'a ensuite engagé pour Les Visiteurs 3...

C. : ... et en septembre, vous étiez à la Biennale de Venise, avec Emma Peeters. Comment s'est passé l'événement ?
S.C. : Ah, Venise reste un des festivals les plus magiques au monde. J'étais ravie d'y retourner, onze ans après le film d'Eric Rohmer. Pour Emma Peeters, dans lequel je joue la meilleure amie du rôle principal incarné par Monia Chokri, l'accueil a été chaleureux, la salle a applaudi un quart-d'heure. Il y a aussi Fabrice Adde (Eldorado), qui est formidable. Le film est particulier, mais son scénario m'a plu directement. Et visiblement, il séduit le public. (NDLR: il sortira début 2019)

C. : De cette entrée marquante dans le cinéma, via Eric Rohmer justement, que vous en reste-t-il à présent, avec le recul ?
S.C. : Quand Les Amours d'Astrée et de Céladon est sorti, je n'en parlais pas comme une expérience positive, car je n'ai jamais pris de cours ni même, à l'époque, mis un pied sur un plateau! C'est mon physique grec ancien de bergère qui lui a plu. Mais son cinéma était atypique, avec parfois un faux jeu et des acteurs pas toujours... justes. À ce moment-là, je n'ai pas compris qu'il me voulait brute. J'étais complexée de me voir, sans maquillage et pas du tout mise en valeur. Mais le temps a changé mon regard, mon admiration et ma douceur par rapport au film. Récemment, je l'ai revu et même aimé. Tourner avec Rohmer ne ressemblait à rien d'autre : c'était simple, familial, beau et poétique, avec une prise ou deux. Il m'a plus tard écrit une sublime lettre pour me rassurer. J'ai pu lui répondre avant qu'il s'en aille. Mais aujourd'hui encore, je lui demande conseil, là où il est...

C. : Depuis, pour reprendre vos propos, vous arrivez à ne plus vous trouver «insupportable» à l'écran ?
S.C. : Oui (sourire), mais ça, je ne dois plus le dire! Car tourner reste une chance immense. Des réalisateurs me font confiance, et c'est toujours une joie de servir un film, sans songer à sa petite personne, à des futilités physiques ou même aux critiques, bonnes ou non. J'essaie de faire de mon mieux, en bossant pour m'améliorer, en essayant d'oublier que nous faisons partie d'une génération qui baigne dans l'image, au-delà du métier d'acteur, où tout s'accélère avec les réseaux sociaux, avec lesquels il faut vivre. Je n'ai rien contre, mais j'ai heureusement l'impression que le narcissisme et la prétention sont en train de passer de mode. Les gens ont à nouveau besoin d'authenticité, je crois. C'est sain. Et cela me correspond mieux.

C. : Après le FIFF, vous vous apprêtez à tourner dans le nouveau film de Solange Cicurel. Avant d'enchaîner avec la série Les Chamois pour TF1. C'est parce que, plus jeune, vous aimiez faire rire votre entourage que vous vous sentez aussi bien dans la comédie aujourd'hui ?
S.C. : Oui, même si dans la vie, j'ai peut-être un peu perdu cela, j'adore faire rire au cinéma. Et je l'assume. L'an passé, j'ai réalisé un rêve en tournant avec Pierre Richard (NDLR: dans Un Profil pour deux) qui est d'une humilité rare. Et lui-même, étrangement, semble avoir du mal à n'avoir été reconnu qu'à travers ses comédies. Alors qu'il a donné envie à tant de gens de faire du cinéma ! Je trouve toujours fou de dire que c'est moins chic de jouer dans une comédie et de n'opter que pour des drames indépendants. Qu'une salle puisse rire, c'est formidable ! Et on vit dans un pays dont le potentiel est encore à exploiter dans ce genre. Quant aux Chamois, avec François Berléand, on tournera la saison 2 de mars à juillet prochain. C'est le grand écart avec Rohmer, mais les séries sont désormais incontournables. Je suis en train de lire quelques projets : certaines sont mieux écrites que des scénarios de films.

C. : Vous prétendez souvent venir d'une famille où il n'y avait pas d'artistes. Pour quelqu'un ayant eu comme grande-tante Marguerite Yourcenar, c'est plutôt paradoxal...
S.C. : Oui mais là, on parle d'un génie qui a sorti un livre à 19 ans, ce que je ne suis pas ! Même si je n'exclus pas d'un jour écrire. Mais excepté un cousin actuel, Amaury, comédien en France, il n'y a jamais eu d'artistes dans ma famille, en effet. Le parcours de Marguerite m'inspire et m'influence encore. Comme elle, je suis un peu sortie du milieu de la noblesse, sans totalement la rejeter. C'était une fonceuse avec un sacré caractère, mais elle a gardé son chic et un phrasé élégant. Puis, elle était en avance sur son époque. Sur l'écologie par exemple, c'est elle qui a informé Brigitte Bardot du massacre des bébés phoques, dont tout le monde a parlé ensuite...

C. : Vous naviguez depuis des années entre Bruxelles et Paris. Quid de la suite, pour vous ?
S.C. : Comme beaucoup de comédiens belges, le Thalys est devenu un lieu de rendez-vous (sourire). J'ai vécu à mes débuts six ans à Paris, car il n'y a hélas pas d'agent côté belge francophone. Et là, je suis à Bruxelles, dont les problèmes de mobilités me désespèrent. Paris m'a un jour donné ma chance, et comme je travaille finalement plus là-bas qu'ici, j'y retournerai peut-être. Ma relation avec la ville française est passionnelle. Je l'aime autant que je la déteste. C'est certes une cité agressive, compliquée et concurrentielle, mais pour moi, il n'y a pas plus beau que Paris. Même si je me sens nomade. Et que j'aime toujours bouger !

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