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Rencontre Tanguy Dekeyser et Manon Verkaeren de la RTBF, pour les dix ans du Fonds des Séries belges

Publié le 22/02/2024 par David Hainaut et Antoine Phillipart / Catégorie: Entrevue

"La nouvelle Commission des séries sera positive pour tout le secteur" 

En 2021, le premier était nommé responsable des Coproductions Cinéma et Séries Belges de la chaîne publique, et la deuxième coordinatrice des Coproductions Fictions et Nouveaux Formats. Ils gèrent ensemble une équipe d'une dizaine de personnes.

Et ce jeudi 15 février à Tour & Taxis, tous deux étaient présents à la soirée célébrant les dix ans du Fonds des Séries belges. Qui en mars, laissera sa place à une nouvelle Commission Séries, désormais orchestrée par le Centre du Cinéma.

Cinergie: En quoi commémorer cette décennie de séries était important, selon vous ?

Manon Verkaeren: Pour marquer surtout cette aventure qu'a été ce Fonds des Séries belges, pour rappel conjointement mis en place par la Fédération Wallonie-Bruxelles et notre chaîne, dans un processus inédit en Europe. Car ce Fonds a démontré qu'on pouvait non seulement faire des séries belges francophones originales, mais aussi rencontrer avec elles un succès percutant, voire même grandissant, auprès du public. De La Trêve à Attraction, en passant par Baraki, Ennemi public...

Tanguy Dekeyser: ...1985, Unité 42, Pandore, Trentenaires, Des gens bien, et d'autres qu'on connaît. Soit 14 séries et 19 saisons au total. C'était important de réunir tous les gens ayant œuvré sur ces séries, qui ont fait naître un nouvel écosystème. C'est la consécration d'un super projet, en fait! Avant donc, qu'on passe au printemps à un tout autre mode de fonctionnement, avec une Commission qui ne concernera plus seulement notre chaîne, mais toutes.

 

C. : Et face à cette prochaine «redistrubtion des cartes», il y a des questionnements?

T.D. : Oui, il y en a car c'est neuf, c'est normal. Cette Commission va forcément changer la donne. Mais on est persuadés qu'il est sain de permettre cette ouverture, car cela donnera l'occasion aux auteurs et aux réalisateurs d'avoir plus de projets encore. Et donc, d'étendre encore un peu plus cet écosystème dont je parlais. Ce foisonnement d'idées rejaillira sur tout le monde. Donc nous, on considère ça comme un challenge, mais à partir du moment où des bases ont été bien construites, on trouve qu'il est excitant.

M.V. : Puis, il y aura un mélange d'opérateurs publics et privés, avec des lignes éditoriales propres, ce qui fera aboutir des choses différentes. On va en fait challenger notre créativité, mais aussi celle de tout le milieu. Cela ne pourra aller que vers un mieux.

 

C. : Preuve, s'il le fallait encore, que dans ce monde toujours plus «mondialisé», le public a besoin d'œuvres locales?

M.V. : Oui, clairement! Les gens, aujourd'hui, ont besoin de se retrouver en se reconnaissant dans des histoires qui parlent de leur quotidien, avec des personnages forts. Le public s'est approprié toutes ces séries belges et en cela, on peut dire que le pari est réussi.

T.D. : Une autre illustration, c'est que depuis qu'on a lancé notre plate-forme Auvio en 2016, neuf séries belges apparaissent aux douze premières places, parmi nos plus grands succès! Et on peut aussi parler de rentabilité. Non pas pour la RTBF, mais pour toute l'économie belge. Car un million dépensé par la RTBF et un autre investi par le Centre du Cinéma rapportent en moyenne neuf de PIB. Et il y a eu près de mille emplois créés.

 

C. : En ce moment, qu'est-ce qui vous occupe surtout?

T.D. : De penser à ...continuer! Continuer à exister face aux autres plateformes, et continuer à raconter des histoires locales et à diversifier les genres, toujours en allant chercher nos différents publics. Ce qu'on peut réussir à faire avec tous les supports de la RTBF, en lorgnant vers de la comédie, du thriller, du policier et d'autres types de formats. Du 52 minutes, du 26, etc...

M.V. : Oui, l'idée est de continuer à aller vers des univers décalés et de s'engouffrer vers des sentiers inédits. Je songe par exemple à Trentenaires, car c'est une nouvelle brèche qui évoque le quotidien, dans un axe de divertissement important à développer aussi. Tout comme les formats courts d'humour, comme Salle des Profs, où on n'était pas encore allé. En gardant l'objectif d'être toujours le plus proche des préoccupations des gens.

 

C. : Il y a quelques jours, lors d'une réunion à l'Association des Auteurs (ASA), certains scénaristes faisaient part d'un épuisement, dans ces longs processus sériels. Que leur répondriez-vous?

T.D. : C'est clair que quand on crée une série, les temps d'écriture et de développement sont longs. C'est une réalité dont on a conscience. Mais il ne faut pas perdre de vue que jusqu'ici, on faisait surtout du cinéma et du documentaire, en Belgique francophone. Que ces séries, c'est un autre style d'écriture, qui réclame un apprentissage. Mais justement, on veut continuer à développer des choses en accompagnant au mieux les auteurs.

 

C. : Quid des tournages à venir?

M.V. : Au niveau des formats courts, après la diffusion de la deuxième saison de Trentenaires, la troisième se prépare déjà. Et Les Chroniques du Charbon et Salles de Profs tourneront leur deuxième saison cette année.
T.D. : Et pour les séries plus longues: la saison 2 de Pandore arrivera dans les mois à venir, et on en tournera prochainement de nouvelles, comme Pays noir, Arcanes ou Ethernel. Sans oublier la deuxième saison d'Attraction, qui se peaufine, elle aussi.

 

C. : Et la diversité de genres que vous visez sera au rendez-vous?

T.D. : Dans les séries long format oui, on commence à avoir une belle diversité. Mais je pense que la révolution devrait avoir lieu, à terme, dans les comédies, avec plusieurs séries de 26 ou 30 minutes qu'on développe.

M.V. : Ne perdons pas de vue qu'on a commencé ces séries courtes, il n'y a pas si longtemps, avec Baraki!

T.D. : Et en écriture, j'ajoute qu'on va recommencer une expérience comme 1985 avec la Flandre, mais là, je ne peux pas encore en dire plus (sourire).

 

C. : Quelque chose à rajouter?

T.D. : De peut-être parler de nos ambitions. Car on voudrait proposer six à sept séries par an à partir de 2025. Puis, on a une réflexion en ce moment même sur les deuxièmes saisons, qui prennent parfois beaucoup de temps à se mettre en place. On aimerait accélérer un peu les choses. Pandore en sera un exemple, puisqu'elle arrivera maximum deux ans après son dévoilement. Ou celle Trentenaires, qui surgira douze mois après sa première.

M.V. : Dans l'immédiat, l'important est aussi de stabiliser tout ce qui a été mis en place depuis dix ans. Et là, on met à disposition toutes nos séries belges pendant trois mois, gratuitement, sur Auvio. Ce qui représente près de 150 heures de séries.

T.D. : C'est bien de dire qu'on est fiers, mais n'oublions pas que tout ça n'a pas pu se faire tout seul. Rien n'existerait sans les auteurs, les créateurs, les réalisateurs, les comédiens...

M.V. : C'est toute une nouvelle filière artistique qui s'est créée. C'est d'ailleurs l'occasion de remercier tout le monde, car la RTBF ne peut évidemment pas faire les choses seule, en effet. On compte donc sur tous ces artistes, en ayant la satisfaction de voir ce que le secteur a accompli, grâce à ces séries. Dans un genre qui, reconnaissons-le, avait été peu mis en avant en Belgique francophone, jusqu'ici...

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