Cinergie.be

Samira Zaïbat et Aurélie Duchâteau, coordinatrices du Mouv' by Jolifanto

Publié le 20/04/2023 par Vinnie Ky-Maka et Gauthier Godfirnon / Catégorie: Entrevue

Samira Zaïbat et Aurélie Duchâteau, coordinatrices du Mouv' by Jolifanto, organisent chaque mois une projection dans différents endroits de Forest et mettent l’accent sur une thématique spécifique tout en promouvant l’aspect bicommunautaire et inclusif du cinéma de quartier bruxellois. Les deux jeunes femmes décrivent l’origine du projet, ses différents enjeux et leurs idées novatrices pour remettre le cinéma au goût du jour. Le 28 avril à la LUCA School of Arts Campus Narafi, deux tables rondes (Celles qui font des Cinémas et De rol van de (buurt)cinema [Le rôle du cinéma de quartier]) seront organisées avant la projection de deux documentaires.

Cinergie : D’où est venue l’idée du Mouv' ?

Samira Zaïbat : On a eu l'idée de développer ce cinéma itinérant de Forest suite à l’appel d'offres qui a été fait et gagné par le groupe d'architecture Ouest. On s'est dit que dans quatre ans, le Movy-Club va renaître de ses cendres. Que peut-on faire pour contribuer à ce que les Forestois se réapproprient ce cinéma et qu’il se réinscrive dans le paysage culturel local ? Et comment pourrait-on créer des séances pour que les Forestois participent à cette aventure ? Il faut savoir qu’ils étaient très attristés de voir ce cinéma fermé. Comment faire pour le faire perdurer ? On veut ainsi pousser les gens à aller au cinéma au moins une fois par mois. On veut aussi mettre un maximum en avant les films belges ou tournés en Belgique.

Aurélie Duchâteau : Il y avait aussi cette énorme demande des Forestois. Ils veulent voir tous ensemble des films. On veut que les deux communautés linguistiques se mélangent et on rend la programmation accessible à tout le monde.

S. Z. : On a repéré des salles de cinéma, de projection, un peu partout à Forest, pour créer un cinéma de proximité. On a sélectionné cinq lieux : le Rosas, le Wiels, le Ten Weyngaert, le Brass et le LUCA School of Arts du parc Duden. Pour la première séance chez Rosas, on a demandé aux spectateurs de venir en pyjama pour casser toutes les barrières, partager une émotion commune et pour que les spectateurs considèrent le cinéma comme l'annexe de chez eux. Ça a super bien fonctionné. Des spectateurs sont revenus au Rosas pour voir le spectacle En attendant, après avoir franchi une première fois la porte de ce lieu. Au Brass, on a fait un ciné-concert avec des courts métrages en partenariat avec le festival Anima et Zorobabel, un atelier de production forestois. On essaie à chaque fois qu'il y a une touche forestoise. C'est hyper important d'avoir cet aspect très local.

A. D. : Chaque mois, on organise une projection dans un autre quartier de Forest, une commune où il y a beaucoup de petits villages. Ça permet de faire découvrir à chaque fois de nouveaux lieux et quartiers. On a aussi créé le système d'abonnement non nominatif. On peut donner la carte d'abonnement à son voisin ou son ami. Voici encore une initiative d’inclusivité pour un prix très abordable. On ne veut pas non plus créer de la compétition avec les cinémas traditionnels.

S. Z. : On travaille beaucoup en synergie avec les lieux d'accueil et on essaie d'avoir une programmation cohérente avec ceux-ci. On fait un puzzle pour que ça corresponde à leur public, mais qu'on arrive aussi à en faire venir d'autres qui n'ont pas l'habitude de fréquenter des salles de cinéma. On travaille par thématique ou par genre pour chaque événement et chaque lieu. Cette année, on a projeté les films belges primés à Cannes. Ça a été un succès fou. À chaque fois, on organise une activité sociale en parallèle pour souder la communauté. On organise des quiz par exemple. La dernière fois, pour Close, c’était un quiz musical, car une Forestoise avait participé à la bande son du film. Pour le film des frères Dardenne, Tori et Lokita, c’était sur le cinéma belge. Ça a mis une certaine ambiance. On apporte aussi des outils, des clés, des ouvertures pour mieux comprendre le cinéma. Dans le cadre du Movy-Club, notre but, c'est de préparer les Forestois à cette réouverture et de pouvoir faire part de tous les résultats de notre travail à celui qui reprendra le flambeau. Après chaque film, on a une enquête de satisfaction et on fait participer le public aux améliorations. Il peut émettre des suggestions, participer à la programmation, c'est un cinéma qui appartient à tous.  Ça marche assez bien, on a à chaque fois des publics différents et on a notre communauté grâce aux abonnements. Pour le Wiels, on va travailler avec l'expo qui est en cours, on propose La Nuit américaine de Truffaut. Ça nous permet d'aborder le thème des films de patrimoine et on va aussi montrer une sélection de courts métrages un peu feel good. C'est chouette, car on a des sortes de parrains du cinéma comme Luc Dardenne qui nous accompagnent et on est beaucoup aidées par d'autres professionnels.

A. D. : On organise aussi toujours une session questions-réponses avec les professionnels. Pour Close, on a invité l'acteur Gustav De Waele et Claire Bourdet, la violoniste qui a participé à la bande-son du film.

 

C. : Votre organisme veut promouvoir de nouvelles formes de cinéma. Que pouvez-vous dire à ce propos ?

S. Z. : On va montrer deux films le 28 avril, De Goden van Molenbeek et Papa s’en va. On est en partenariat avec Kinoféroce qui, comme nous, défend le documentaire, parce qu’il y a de moins en moins de place pour le documentaire dans les salles de cinéma. On essaie de revaloriser cette forme de cinéma. Pour La Combattante, on avait demandé au public : « De quel souvenir de ta grand-mère ou de ton grand-père es-tu le plus fier ? » Ils avaient tous des petits papiers avec lesquels ils ont décoré la cafétéria. On a sélectionné quatre ou cinq exemples et on les a lus sur scène dans différentes langues. Le réalisateur a été très touché et on a eu des histoires extraordinaires. On veut vraiment mettre les gens en condition pour qu'ils puissent regarder ces films qui sont parfois des documentaires un peu ardus.

A. D. : On veut pousser les gens à se rencontrer, à boire un verre ensemble. Kevin fait toujours sa soupe traditionnelle et on vend aussi des gaufres à des tarifs très démocratiques. Pour les tables rondes qu’on va organiser le 28 avril, on a fait appel à une association de femmes monoparentales qui vont cuisiner pour nous. C'est la première fois qu'on organise ce genre d’événement pour faire découvrir au public des nouvelles formes inclusives de cinéma et leur montrer l’importance du cinéma de quartier. On a invité neuf femmes professionnelles du cinéma issues des deux communautés. Après les quatre premières séances, on s'est demandé où sont les femmes dans la programmation! On a voulu leur donner une très belle place dans cette aventure.

S. Z. : Il n'y a pas de démarche politique ou de message politique. Il n’est pas question de discrimination positive. Elles font du bon travail, un point c’est tout. C'est comme avec le cinéma flamand, il ne se limite pas à trois réalisateurs, il offre beaucoup plus.
Le cinéma est à portée de main. Il suffit que tu installes un écran ou un bout de tissu. Tu invites tes copains et tes voisins, on vient voir un film ensemble et on en discute. On veut mettre à l'honneur ces formes de cinéma. Toutes les voix et les avis comptent. On collabore également avec le festival Filem'on (FILM FESTIVALS FOR YOUNG AUDIENCES) qui travaille avec les teen ambassadors, des adolescents. C'est un public qu'on a complètement perdu des salles de cinéma, en tout cas des salles de cinéma d'art et d'essai. Pour Dalva qu'on va normalement projeter en juin, on va faire appel aux ambassadeurs. On est en train de travailler avec eux pour coanimer la séance et on va travailler de plus en plus avec eux pour intégrer les adolescents forestois.

 

C. : Que pourriez-vous ajouter sur votre choix de films pour le 28 avril ? 

S. Z. : Pour le premier, on voulait toucher plus particulièrement le public senior à la retraite. Dans Papa s'en va, le protagoniste veut devenir acteur après avoir dédié toute sa vie aux autres comme médecin. On veut rendre encore une fois le documentaire inclusif pour cette frange de la population et offrir quelque chose de plus léger. On va demander aux gens de raconter un rêve qu'ils voudraient encore accomplir. On est en pourparlers avec la réalisatrice pour qu'elle vienne aussi en discuter.

A. D. : Le deuxième film De Goden van Molenbeek suit deux petits garçons qui grandissent à Molenbeek. Soudainement, quelque chose se passe et ils vont être séparés. C'est un très beau documentaire d'une réalisatrice finlandaise. Pour ce film-là, on va faire une petite animation avant. On va demander aux gens : « Quel est votre plus chouette souvenir d'enfance ? ».
Comme ça, ils peuvent se mettre dans le bain de la thématique du documentaire et on peut en parler après.

Tout à propos de: