Il y a des quartiers qui traversent l'histoire et gardent, à travers les années, leur cachet, leur ambiance. À croire que les personnes qui s'y installent s'y imbriquent petit à petit. Nous nous trouvons en plein cœur des Marolles, à deux pas du marché aux puces, où les vies miséreuses peuvent revêtir un panache d'une extravagance surréaliste, à l'image des objets qui jonchent, tous les matins, la Place du Jeu de Balle. Entre les dentelles défraîchies, les chemises longues plastronnées avec col amidonné que les bourgeois des années 30 arboraient fièrement, boutons d'or et fracs de gala, on y ramasse de la vaisselle ébréchée, des miroirs mouchetés et des boîtes à tartines aux couleurs délavées. Notre petite équipe arrive sur les lieux de tournage de Belgian Disaster (ex-Sauver Wendy) bien avant tout le monde, dans une rue piétonnière aux rez-de-chaussée encombrés de bric et de broc.
- Bonjour, vous faites partie de la déco ?
- Non, on vient faire une interview sur le tournage. Et vous, vous êtes qui ?
- Je suis le gardien.
- Moi je suis le proprio du magasin. Mais ça ne va pas aller. Il y a des problèmes avec mon locataire. Il se plaint que vous prenez de l'électricité chez lui, et c'était pas prévu. C'est fini le tournage. On arrête, là !
- On n'est pas au courant, on ne fait pas partie de l'équipe. Parlez-en avec la production. Elle arrive justement.
Marina Festré, qu'on avait rencontrée sur les films d'Abel et Gordon descend la rue aux pavés inégaux, un caddy rouge en vinyl avec une tête de chat au bout du bras. Nous la mettons au courant des surprises qui l'attendent : « Ça n'arrête pas ! » Mais il en faut plus que ça pour la déstabiliser. Qu’à cela ne tienne, le « plus », elle ne va pas tarder à l'avoir ! La scène de l'après-midi devait se tourner à partir du premier étage des fenêtres du locataire fâché. Après discussions, le proprio est à nouveau d'accord pour que le tournage continue. Le hic, c'est que le locataire s'est endormi chez lui, et que l'équipe ne pourra pas filmer comme prévu. Pas de souci, on fera les scènes extérieures et rendez-vous est pris pour le lendemain. Le proprio précise qu'il vaut mieux arriver avant 10h00 du matin s'ils veulent trouver leur interlocuteur sobre.
Nous profitons des aménagements à mettre en place sur le plateau pour discuter avec Patrick Glotz, le réalisateur.