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The Last Front de Julien Hayet-Kerknawi

Publié le 06/02/2024 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

The Last Front est le premier long métrage du jeune réalisateur gantois Julien Hayet-Kerknawi. Ce projet cinématographique entièrement belge réussit à mêler habilement drame et action, plongeant le spectateur au cœur de la Première Guerre mondiale. Son traitement cinématographique n'a rien à envier aux productions hollywoodiennes. En capturant l'essence des conflits et en explorant les histoires humaines qui s'y déroulent, le film offre une perspective poignante et immersive sur cette période tumultueuse de l'histoire. Son réalisme visuel et émotionnel transporte le public au cœur des campagnes flamandes et fait vivre au spectateur les luttes personnelles des protagonistes, avec une narration captivante et des scènes d'action bien orchestrées.

The Last Front de Julien Hayet-Kerknawi

L’histoire de The Last Front met en scène l’affrontement entre Léonard, un fermier flamand (Iain Glen de Games of Thrones), et Laurentz (Joe Anderson), un gradé allemand cruel et sanguinaire qui n’hésite pas à sacrifier les civils belges qu’il croise sur sa route en direction du front français. Si l’intrigue peut sembler simple et prévisible sur papier, c’est sans compter sur l’excellent scénario imaginé par Julien Hayet-Kerknawi. Loin de se limiter à un simple combat entre les deux hommes forts, les multiples intrigues secondaires décuplent les émotions ressenties par le spectateur.

Plus que le combat entre un protagoniste et son antagoniste, c’est le récit des villages oubliés lors de l’invasion allemande de la Première Guerre mondiale qui est raconté sur grand écran. Il y a aussi cet amour impossible entre le fils du fermier Léonard (James Downie) et la fille du médecin du village, Louise (Sasha Luss). Issue de la bourgeoisie locale, elle voit son amour avec un fils de paysan voué à l’échec. Cette intrigue reflète de manière frappante les tensions de classe au début du XXe siècle et les disparités sociales et économiques qui existaient alors. Les différences de statut social et de privilèges entre les différentes couches de la société sont explorées de manière subtile.

Une autre relation ambiguë exploitée par le réalisateur est celle de Laurentz, le méchant du film, et son père et supérieur hiérarchique dans l’armée allemande. Ce dernier n’ose pas aller contre la folie sanguinaire de son propre fils. Le réalisateur met en avant que la moralité n'est pas l’apanage d’un camp et montre de manière intelligente qu’il existe une palette de nuances où même les protagonistes et les antagonistes révèlent leurs faiblesses. Et c’est probablement ce qui démarque The Last Front des films de guerres américains où un camp représente les gentils à 100% et l’autre les méchants. Ici, tout est plus nuancé et personne n’est complètement bon ni mauvais. 

Parmi les nombreuses trames et rôles secondaires, c’est probablement l’officier Peer Schultz, interprété par le comédien belge Leander Vyvey, qui est interpellant. À travers quelques silences, il exprime à lui tout seul la résignation des soldats allemands forcés d’accomplir des ordres qu’ils abhorrent, par respect de la hiérarchie. Comme souvent durant la guerre, ceux qui désobéissent aux ordres font face à de lourdes représailles et Julien Hayet-Kerknawi n’hésite pas à donner un visage humain aux soldats allemands. 

Le film inclut des références historiques, telles que les francs-tireurs et la crainte des Allemands à leur égard, soulignant ainsi son engagement envers une documentation précise de la période. Ces détails contribuent à rendre la représentation de la guerre plus réaliste que celle souvent présentée dans les films de guerre conventionnels. Les dialogues évoquent les réalités brutales du conflit et révèlent un aspect peu connu de l'histoire belge : l'abandon des villages par les autorités belges.

Néanmoins, The Last Front demeure un film grand public à l'américaine, ce qui implique une certaine dose de romanesque dans son récit. Certains pourraient reprocher au réalisateur d'avoir recours à des stéréotypes, présentant une opposition simpliste entre le bien et le mal à travers le courageux fermier et l'officier allemand dépeint comme fou.

The Last Front va bien au-delà de la glorification de la violence ; il résonne comme un plaidoyer pour la paix et une condamnation sans équivoque des horreurs de la guerre. Mêlant romance, action et drame historique, le véritable thème central du film n'est pas tant la guerre que le deuil d'un être cher, et l'amour indéfectible qui lui est voué, une émotion intemporelle qui traverse les époques. Cette thématique universelle résonne à travers tous les personnages du film, soulignant ainsi la profonde humanité au cœur même des conflits les plus dévastateurs.

Version longue et remaniée du court métrage A Broken Man (2014), ce long métrage réunit tous les ingrédients des grands films de guerre. Rares sont les films belges qui ont les moyens de mettre en scène des fresques épiques et spectaculaires de manière aussi grandiose et hollywoodienne. Il faut rendre hommage à ce jeune réalisateur belge qui a pris du temps pour peaufiner son projet, puisque dix ans se sont écoulés depuis la sortie de son court métrage avec lequel tout a commencé.

 

La sortie de THE LAST FRONT en salles est prévue le 7 février 2024.

Teaser vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=opa6eJ_2XV4</

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