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The Pod Generation de Sophie Barthes

Publié le 24/04/2023 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Après le succès mondial de son court-métrage Hapiness au Festival de Sundance 2007, Sophie Barthes a réalisé son premier long métrage Cold Souls (2010), puis Madame Bovary (2014). The Pod Generation consiste en une dystopie avec pour thématiques principales la procréation, mais également l’évolution des relations sociales ainsi que le lien qui relie la nature et les humains. Drôle et caustique, le casting est digne des plus grandes productions hollywoodiennes avec Emilia Clarke de Game of Thrones (GOT) et Chiwetel Ejiofor de Twelve Years A Slave (2013) dans les rôles principaux. On note également la présence de Jean-Marc Barr, dont personne n’a oublié la performance dans Le Grand Bleu (1988).

Construit entre la Belgique, la France et le Royaume-Uni, The Pod Generation propose une thématique universelle avec des comédiens qui disposent d’une aura mondiale. Si tout semble vouer le film à un grand succès, les thèmes abordés sont probablement trop complexes et engagés pour satisfaire les exigences d’un box-office toujours plus lisse et politiquement correct, si ce n’est quelques exceptions. Sophie Barthes prouve néanmoins une fois de plus son talent avec une réalisation soignée.

L’esthétique du film est léchée et l’ambiance futuriste rappelle celle des boutiques de la marque à la pomme. Le monde dans lequel vivent les protagonistes de The Pod Generation au 22e siècle est aseptisé à 200%. L’ambiance n’est pas sans rappeler certains épisodes de la célèbre série Black Mirror. Indice de bien-être analysé par des machines qui encadrent les humains H24, disparition des plantes et des guêpes de la surface du globe, remplacement de la nature et jardins botaniques par des hologrammes, déploiement de capsules virtuelles qui émulent la nature au sein des villes et qui rendent inutiles les déplacements à la campagne pour profiter de la nature et prendre un bol d'air frais, existence de psychologues robots qui incitent les humains au contrôle permanent de leurs émotions et au détachement affectif, utérus artificiels favorisés à la naissance naturelle pour la procréation : voici quelques-unes des thématiques fortes abordées dans ce film qui s’oppose à un idéal d’évolution de nos sociétés qui semble déjà bien en devenir.

La trame principale du film met en scène la grossesse de la célèbre Khaleesi de GOT, Emilia Clarke. Celle-ci n’a pas cette fois-ci à couver trois œufs de dragons, mais un seul œuf dénommé Pod. Cette coquille électronique futuriste contient son ovule et la semence de son mari, Chiwetel Ejiofor, qui interprète à nouveau un rôle d’esclave, mais de technologies et de la robotique dans ce cas.

Dans ce monde inventé par Sophie Barthes, la procréation par Pod est le nouveau phénomène à la mode pour les plus fortunés. Le Centre de l’Utérus, un organe digne des Ministères de 1984 de George Orwell ou de la société Rekall du légendaire Total Recall (1990) de Paul Verhoeven, a créé ce procédé afin de remplacer l’utérus des mères. L’intention est d’aider les femmes à rester productives et d’arrêter de leur imposer la contrainte d’être enceinte. Mais bien évidemment, tout ne se passe pas comme prévu.

Les questionnements suscités par ce récit sont nombreux et complexes. Ce film questionne les rôles de père et mère dans une société où la procréation naturelle est perçue comme un fardeau injuste à porter pour le sexe féminin. Mais le ton reste léger et le talent des acteurs permet au spectateur de ne pas décrocher malgré quelques creux. On aurait aimé voir davantage de ce monde, mais l’histoire reste centrée uniquement sur ce couple de stars et ses choix, malgré quelques intervenants de qualité.

Pourquoi ne pas choisir le sexe de son enfant et le façonner suivant ses propres goûts, si on peut le faire via une application installée sur son smartphone ? Faut-il risquer de mettre au monde un enfant qui risque d’avoir un gène « défectueux » ? Comment renouer avec la nature dans un monde toujours artificiel ? Quelle évolution pour les relations sociales et l’humanité face aux technologies modernes et à l’intelligence artificielle ?

Autant de questionnements suscités par ce film qui, malgré quelques petits bémols, a le mérite de ne jamais vraiment trancher ces interrogations de manière abrupte. Sophie Barthes propose un thème très au goût du jour. Elle dévoile un propos visionnaire dans une société où le taux de natalité est en chute libre et les zones vertes disparaissent sans discontinuer depuis plusieurs décennies.

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