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Tuer la mort de Thomas Licata

Publié le 03/10/2023 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Saviez-vous que la méduse est capable de se régénérer, ce qui la rend théoriquement immortelle? N’est-ce pas là le rêve de l’humanité, Tuer la mort? C’est en tout cas celui de plusieurs centaines de personnes à travers le monde, qui ont déjà confié leur corps ou leur cerveau au futur grâce à la cryogénisation. Un procédé rendu possible par des firmes privées à la pointe de la technologie, dirigées par des visionnaires et des adeptes du transhumanisme que le cinéaste Thomas Licata (China Dream) a rencontrés entre l’Europe et l’Arizona.

Tuer la mort de Thomas Licata

Tomorrow, Alcor, Matter Over Mind, autant de noms qui résonnent comme un titre de science-fiction. C’est pourtant bien à notre époque que le réalisateur part à la rencontre d’Elaine Walker et de sa famille, autrice adepte du transhumanisme. Une des centaines de personnes ayant déjà confié son futur à l’organisation californienne Alcor, qui conservera son cerveau en attente de technologies pour le ramener à la vie. “Je n’aime pas l’idée de mourir, je trouve ça déprimant”, confie Elaine au cinéaste. Mais derrière cette phrase, on sent toute la peur sous-jacente qui habite la protagoniste de ce film puissant. “Il ne peut pas ne rien y avoir après, n’est-ce pas?”, questionne-t-elle en riant nerveusement. Peut-on la blâmer? Ce n’est pas en tout cas le propos de Thomas Licata, qui présente au travers de ce documentaire de nombreuses perspectives autant scientifiques que profanes, toutes réunies par ces questionnements qui sont ceux de tout un chacun. Entre vaincre la mort et réduire les souffrances humaines, il y a tout un monde de chercheurs et de croyants qui espèrent mieux pour l’humanité et pour eux-mêmes, entre fiction et réalité.

Ce qui marque dans Tuer la mort, ce ne sont pas les avancées techniques ou les recherches scientifiques de pointe. Les moments de grâce du film apparaissent au détour d’une conversation avec Alice, la jeune fille d’Elaine, ou avec sa grand-mère, au crépuscule de sa vie. Car si Elaine, de ses propres mots, ne comprend pas que l’on puisse être en accord avec l’idée de mourir, sa mère et sa fille semblent toutes deux sereines par rapport à cette obsolescence. Dans un monde - et dans une famille - qui glorifie l’immortalité, cette sérénité est tout simplement désarmante. Et lorsque, le temps d’une conversation en tête à tête avec Carol Walker, celle-ci se livre sur son ressenti et son appréciation du futur, on ne peut qu’être balayé par sa lucidité.
Accompagnant ces réflexions entre science-fiction et acceptation du vivant, Thomas Licata et Hugo Brilmaker - ici directeur de la photographie - utilisent l’imagerie médicale et la musique ambient pour créer des atmosphères propices au questionnement et à l’évasion. Se laissant ainsi aller à la rêverie, le réalisateur nous emporte dans son univers sans pour autant se perdre. Le regard qu’il porte sur ses personnages est tendre de bout en bout, des premières rencontres avec les membres d’Alcor jusqu’au sommet des dunes de sable blanc où il accompagne Elaine et sa fille. Sans apporter de réponses - comment le pourrait-il ? - sur ce fantasme de vaincre la mort, Thomas Licata nous fait en tout cas découvrir toutes les réflexions profondément humaines qui nourrissent cette question. Une œuvre inspirante et bienveillante.

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