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Animals de Nabil Ben Yadir

Publié le 07/03/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Bouleversant et terrifiant de réalité, Animals de Nabil Ben Yadir était en avant-première au Ramdam festival, édition 2022. Sans surprise, il y a remporté le prix du "Film le plus dérangeant". Du genre qui vous retourne l'estomac et vous fait vous questionner sur l'horreur de nos sociétés.

Animals de Nabil Ben Yadir

Était-ce pour autant un film nécessaire ? Nous le pensons. Car raconter par le cinéma, par ce réalisme cru pourtant en deçà de la vérité, c'est aussi sortir le crime atroce du simple fait divers, et conscientiser. "Passer de deux lignes de texte sur un site ou dans une colonne de journal, à quelque chose d'interpellant", pour citer les propos du cinéaste. Et si une bonne partie du film en devient extrêmement dure, Nabil Ben Yadir s'en explique simplement : "Je me voyais mal faire un film soutenable et supportable à partir de cette histoire qui ne l'est pas.

De ce postulat découle une tension, omniprésente dans l'œuvre. Filmé en caméra à l'épaule, notre point de vue colle à la peau d'Ibrahim. Comme pour nous immerger dans les dilemmes et les tribulations du personnage caché au milieu des siens. Renforcée par la menace de son secret sur le point d'être dévoilé, la crispation du protagoniste envahit l'écran, jusqu'à la confrontation avec l'intolérance fraternelle. Première salve, violente.

Arraché au bonheur de sa famille par sa différence, Ibrahim erre dans les clubs gays de la cité ardente à la recherche de sa moitié. La caméra respire, comme pour refléter la banalité de l'instant où tout va basculer. En un échange à peine, la toxicité se fait sentir. Claquement de portière, et le destin du jeune homme est scellé sans qu'il en soit conscient.

Dès lors, le film divisera, c'est certain. Fallait-il aller aussi loin ? Consacrer tant de temps et d'espace à cette violence crue, atrocement reproduite par le jeu de ces comédiens dont l'animalité est si glaçante ? C'est en tout cas le point de vue du cinéaste.

Pour comprendre, pour se représenter en tout cas, toute la noirceur dont est capable l'humain. En filmant au smartphone, avec précautions et entraînement pour protéger sans occulter. Sans le salut de l'ellipse, car Ibrahim n'en a pas eu. Et avec son alter ego Soufiane Chilah, nous vivons les moments de souffrance, de torture, d'espoir faussement suscité et de terreur omniprésente. Nous subissons ces longues minutes, entrevoyons son cauchemar. À l'instar de cette longue scène de silence, coincé dans le coffre de la voiture, qui s'étire et s'étire encore. Les dernières heures d'un innocent.

Parce que ce film ne pouvait ni ne devait s'arrêter à cette reconstruction de l'abject, Nabil Ben Yadir nous entraîne dans le sillage de l'un des assassins. Non pour justifier ou pardonner ses actes, mais peut être pour esquisser une première compréhension, une ou des raisons qui auraient été à l'origine du monstre. Et si dans l'esprit du meurtrier, on ne peut sentir une once de remords, le cinéaste laisse transpirer la dissonance par les pores, les membres et les mains du jeune homme. Comme si son corps tout entier ne pouvait plus supporter ses propres actes.

La réalisation est précise, le ton est juste. Animals marque au fer rouge les esprits de celles et ceux qui le découvrent. Et pour aller plus loin, le très complet dossier de presse écrit par Cinéart pourra vous aider à faire sens de cette œuvre, et comprendre. Comprendre...

https://www.cineart.be/fr/presse/animals

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