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Bains publics de Kita Bauchet

Publié le 20/11/2018 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

Les Bains du centre où est tourné le documentaire ont été construits à deux pas de la Place du Jeu de Balle, à Bruxelles. Ils sont l’œuvre de l’architecte Maurice Van Nieuwenhuyze et le bâtiment est classé. Les dimensions modestes du terrain l’ont contraint à superposer les bassins sur cinq niveaux. 

Bains publics de Kita Bauchet

Kita Bauchet dit avoir toujours été fascinée par les piscines, par les images qu’elles suscitent en nous et dont témoignent de nombreux films de fiction. Avant cela, des écrivains comme Kafka les ont décrites : « Plongeur : les pieds écartés, il saute d’abord sur le plongeoir pour augmenter son élan. L’organisation d’une piscine ne peut être appréciée qu’après un assez long usage. Pas de leçons de natation. Un quelconque naturiste à cheveux longs joue au solitaire... » Établissement de bains à Zurich, août 1911.

Des peintres comme David Hockney en ont évoqué l’atmosphère si particulière, la transparence et les éclats de l’eau des piscines privées.
Le projet de départ de la cinéaste était de réaliser un film sur la précarité, la pauvreté.

En exergue de son dossier de présentation du film, elle cite Rainer Maria Rilke. Dans son Livre de la pauvreté et de la mort, le poète écrit ces vers qui sont toujours d’une brûlante actualité :
« Pauvres … La poussière des villes se lève pour souiller leurs visages / et toutes les immondices s’attachent à eux. / Ils vont échouer à la dérive comme des épaves ; / ils font peur comme des pestiférés …

Pour les sans-papiers, la fréquentation des douches publiques leur permet de retrouver un visage humain, ils peuvent se changer après s’être lavés, avoir soigné leurs corps souvent abîmés. C’est un endroit préservé des regards où ils sont accueillis, sans être jugés, avec compréhension.
Le sujet s’est élargi à la description des autres espaces de l’établissement : des deux bassins de baignade aux étages qui accueillent des sportifs, des écoles, des handicapés, des personnes du troisième âge.
La cinéaste filme les corps avec respect : que ceux-ci soient jeunes et dynamiques, ou fragilisés, vieillis, abîmés, c’est raconter, dit-elle, une part d’humanité.
À partir des questions simples comme le rapport à l’eau, au corps, au bien être, se dessine une relation le plus souvent non verbale, mais où les visages et les corps se livrent à la caméra.
Un des enfants, Mohamed, est effrayé à l’idée de plonger son corps dans l’eau. Alors que N’landu, un jeune champion de 14 ans, a trouvé dans l’eau une discipline libératrice de ses problèmes d’adolescent. Claude a remplacé l’alcool par la fréquentation régulière du bassin de natation.
Viviane, responsable des douches depuis trente ans, est au centre du film. Elle est généreuse et accueillante. Son énergie et celle de son équipe suscitent l’admiration. Voici ce qui se cache derrière la façade des Bains du Centre, un univers d’une grande humanité. Merci à la cinéaste de nous l’avoir fait découvrir de cette façon.

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