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Cruel Horizon, Guy Lee Thys, 1989

Publié le 19/12/2023 par Basile Pernet / Catégorie: Critique

En 1975, alors que la guerre du Vietnam s’achève avec la chute de Saigon, Nick Vandam est brusquement séparé de son amante, une jeune Vietnamienne prénommée Mai. Six ans plus tard, Nick tente de refaire sa vie à Bruxelles. Sur une lettre de Mai, il part à sa recherche en Thaïlande où cette dernière est menacée par les boat-people (des organisations pirates) qui exploitent et torturent les réfugié.es. Après le chaos de Saigon, Nick se fraie un nouveau chemin dans un contexte de crise totale, dont l’horreur n’est que la continuité et la conséquence d’un conflit dévastateur.

Cruel Horizon, Guy Lee Thys, 1989

Cruel Horizon s’inscrit dans la dynamique cinématographique qui a souvent défini le film de genre des années 1980, avec l’autoritaire influence des productions hollywoodiennes. Il est ici question d’une forme hybride entre le film d’aventure et le thriller. Un homme seul qui part contre vents et marées à la recherche de sa bien-aimée retenue prisonnière dans un monde hostile et déshumanisé. C’est bien une forme dérivée du Voyage au bout de l’enfer qui nous est présentée. Les dimensions dystopique et horrifique que prend le film à mesure qu’il se déroule ne sont pas non plus sans rappeler les récits de John Carpenter à la même époque. La mise en scène repose en partie sur une franche exhibition de la violence physique qui, révélant l’orgueil et la misère d’une société corrompue, soutient un autre type de violence, psychologique et morale. Seulement ici, la réécriture de ces grands voyages héroïques manque quelque peu de subtilité et d’authenticité pour créer un réel sentiment d’empathie à l’égard des personnages. Le fait de placer un héros occidental au milieu d’une civilisation en crise, achevant sa désillusion entamée par l’horreur de la guerre, constitue une formule dramatique qui a proliféré dans les années 1980 et 1990. Elle est encore plus efficace si le héros, symbole ultime de force morale et de virilité, devient le sauveur d’une femme qui a pour mission de l’attendre et surtout de rester désirable... Heureusement, la caricature n’est pas complète et le film repose sur quelques partis pris intéressants, qui soulignent l’adéquation du réalisateur avec le contexte historique très particulier auquel il s’attache.

 

Tout d’abord, Guy Lee Thys déplace le curseur des soldats vers les populations civiles, cruellement et directement touchées par le conflit. Ici ce sont ces réfugiés vietnamiens que l’on envoie dans des camps en Thaïlande et dont on perd très vite la trace, livrés à la misère, à la famine, aux maladies, ou alors interceptés par les boat-people, les femmes prostituées, les hommes torturés et assassinés. D’autre part, Guy Lee Thys porte un regard très sarcastique sur l’attitude des Occidentaux qui viennent passer des vacances en Thaïlande pour tirer parti de la corruption et s’offrir confort et pouvoir. En cela, il met en scène le processus qui favorise la construction de tout un contexte postcolonial. Dans la mesure où les autorités ferment les yeux sur cette situation, Nick Vandam est contraint d’aller chercher ses réponses par lui-même. Il peut compter sur la loyauté de l’un de ses amis resté sur place pour mener ses affaires, à bord de son bateau personnel. Tandis qu’un touriste allemand ne cesse de lui tenir la jambe durant son séjour, Nick prend conscience de l’image immonde que les Occidentaux donnent d’eux-mêmes. Cet aspect devient très vite un vecteur de détermination pour retrouver Mai et sauver le plus d’innocents possible. Dès lors il incarne des valeurs de justice et d’humanisme qui le fortifieront jusque dans les attaques et bains de sang.

 

En grande partie tourné dans les Philippines pour un budget relativement modeste, Cruel Horizon constitue un film d’aventure qui joue à la fois sur l’outrance et le sordide. L’une de ses qualités et de parvenir à retranscrire l’atmosphère d’un contexte sombre et dérangeant, tout en s’octroyant quelques hardiesses stylistiques.

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