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Dernière porte au Sud de Sacha Feiner et Chloé Morier

Publié le 01/10/2015 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

En compétition nationale de courts métrages au FIFF de Namur 2015

Que peut-il bien y avoir derrière cette porte ? Et celle-ci, qui mène à celle-là, qui mène encore à une autre ? L’enfant cherche, l’enfant explore, l’enfant se perd, l’enfant veut connaître le monde qu’on lui cache…

À Anima cette année, derrière la porte, deux prix attendaient Sacha Feiner et Chloé Morier pour leur très réussi court métrage fait « maison » Dernière porte au Sud.

« Le Monde…
il est très grand.
C’est des étages,
reliés par des escaliers.
Les étages…
c’est des pièces reliées par des couloirs.
Et tous les étages,
Ça fait…
le Monde ! »

 

Difficile de retranscrire, par l’écrit, la petite voix hésitante, douce et glaçante à la fois de cet enfant aux yeux tous ronds sorti tout droit d’un cauchemar. Quant à sa tête… enfin… « ses », car oui, il en a deux, une grosse qui parle et une petite qui hurle... mais très très fort. La petite, c’est Toto et lorsque Toto n’aime pas quelque chose, il crie. L’autre, la grosse, on ne sait pas comment elle s’appelle, mais elle a décidé de trouver le bout du monde en arpentant couloirs, étages et escaliers de l’austère demeure familiale et bien cloîtrée.

 

Dernière Porte au Sud de Sacha Feiner et Chloé Morier

 

Bienvenu dans l’univers anxiogène du dessinateur de bd Philippe Foerster, transposé ici en animation en volume. L’illustrateur belge a noirci les pages de Fluide Glacial durant plus de 20 ans avec ses histoires cauchemardesques dessinées à l’encre de Chine. Sacha Feiner et sa complice Chloé Morier ont donné vie à cet univers monstrueux… en pire, si possible (pire étant, dans ce contexte, un adjectif mélioratif bien évidemment). Car il faut bien avouer que l’enfant à deux têtes de la bande dessinée éponyme est, même s’il est très proche de cette adaptation, moins impressionnant que cette marionnette macabre. La voix, sans doute, y est pour beaucoup… la matière lisse un peu luisante du personnage, la manière dont il se meut aussi, le changement caractéristique des yeux. Et l’adaptation, du coup, gagne énormément du côté de l’horreur, un peu comme lorsqu’on passe du vrai au faux, du mort au vivant, un peu comme lorsqu’on a soudain envie de crier : « Ça bouge ! » 

De même, les décors distordus, l’univers tout en fuites et en courbes construits par Chloé Morier ajoutent encore au malaise et accentuent l’impression de vertige. Face à l’enfant-monstre mega(-bi)céphale qu’il convient de cacher à tout prix, la figure maternelle fait un contraste saisissant. Tentaculaire et serpentine, elle se révèle évidemment le véritable monstre de l’histoire. Car c’est bien à cela qu’elles servent, la plupart du temps, ces histoires de difformité, à révéler le jeu des apparences, la comédie sociale qui cache, sous des dehors policés, la véritable monstruosité.

I am not an animal! I am human being!

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