Muriel Kuypers nous parle d'un film qui relate une situation, malheureusement, trop souvent vécue par les femmes (elles en sont les premières victimes), le chômage. Le documentaire de Loredana Bianconi, une cinéaste auquel nous avons consacré un gros plan et qui a réalisé en 1998, le très beau long métrage : Do You remember revolution.
Devenir de Loredana Bianconi
Coup d'oeil derrière soi avant de regarder vers l'avenir
Une femme de 45 ans, au chômage, ce n'est, malheureusement, pas extraordinaire dans notre société contemporaine. Un film sur quelqu'un se trouvant dans une situation de précarité, ce n'est pas nouveau non plus. Le cinéma, qu'il soit de fiction ou documentaire, s'est toujours attaché à peindre la vie, le monde qui nous entoure et les gens qui y évoluent. Et quand le monde se fait cruel et injuste, le cinéma est une arme pacifique qu'il est bon de savoir utiliser pour mettre le doigt sur ce que tout le monde sait peut-être déjà, mais semble oublier en un battement de cils.
Loin d'un militantisme de pacotille, Loredana Bianconi nous propose ici un film sensible, et sensiblement surprenant. Au départ d'une situation simple, une femme qui cherche du travail, elle nous emmène dans une réflexion profonde, au gré des lieux, des souvenirs et des rencontres, sur la solidarité, la mémoire, les rêves, la compétition, sur soi, sur son propre corps. Comment s'habiller lors d'un entretien d'embauche ? Les lois primaires de la nature restent inchangées sur cette question : il faut que la femme ait l'air en bonne santé, fertile, apte à la reproduction. Quand on a 45 ans et les seins qui commencent à tomber, comment compenser cette inégalité ? Il faut agir sur le paraître, sur ce que l'on peut offrir d'autre. Que devient l'être dans tout cela ? Comment peut-on gérer l'absence de corrélation entre ses propres idéaux et les objectifs de l'entreprise qui offre un emploi ? Quelle place laisse-t-on à la solidarité dans une société qui invite à la compétition entre tous ?
En partant du principe que pour devenir il faut savoir qui on est, la réalisatrice nous emmène pour un voyage dans les souvenirs, qu'ils soient de cette femme d'un âge considéré comme jeune par les gens polis, mais peu productif par les lois du marché, au travers d'événements ponctuels qui amènent à d'autres situations ou qu'ils soient ceux des lieux qui se retrouvent sur sa route, lieux dont la plupart, comme les forges de Clabecq ou l'hôpital psychiatrique, ont, coïncidence malheureuse, dû fermer leurs portes depuis le tournage. Plus qu'un regard sur l'emploi, ou le non-emploi, ce film, présenté lors des Regards sur le travail du P'tit Ciné, offre un point de vue sur la vie, les questions qui se posent, sur soi et sur les autres dans de telles circonstances. Un véritable regard critique sur la société qui nous entoure et dans laquelle nous sommes bien forcés de nous battre.
Muriel Kuypers