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Namur, fais-moi peur! Rencontre avec l’équipe du Aaaargh Retro Film Festival

Publié le 17/10/2024 par Kevin Giraud et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

Si le cinéma de genre rime souvent dans l’esprit belge avec un guttural “Welcome”, marque de fabrique du BIFFF, c’est à Namur que nous invite Frédéric Burlet et Mélanie Celeghin pour célébrer la cinquième édition du Aaaargh Rétro Film Festival. Un événement riche en frissons et en découvertes, fédérateur des amateur·ices de cinéma de genre wallons et namurois et porté par une ASBL au nom évocateur, 7e Aaaargh. En amont de cette nouvelle édition, qui mettra non seulement le cinéaste anglais Christopher Smith à l’honneur, mais aussi - et pour la première fois - le septième art belge de genre, nous avons rencontré l’équipe pour une présentation des grands axes et des grands défis de cet événement unique en Wallonie.

Cinergie : D’où vous est venu le projet de ce festival?

Frédéric Burlet : À l’origine, tout est parti d’une bande d’amis namurois qui regardaient des films ensemble, et échangeaient à la suite de ces projections domestiques. À l’époque, il nous a semblé qu’il n’y avait rien de tel à Namur, et c’est dans cette niche du cinéma rétro d’horreur que s’est développée l’association 7e Aaaargh. D’abord, au travers de projections régulières, et par la suite au travers du festival. Notre idée était de nous focaliser sur des rétrospectives, tout en ramenant l’esprit qui avait été celui des Nuits Fantastiques du Caméo, avec des salles combles et une ambiance de feu. Aujourd’hui, le contexte est différent, car les plateformes de streaming ont fragmenté les audiences, mais après cinq années de festivals on se rend compte qu’il y a toujours un public friand de la salle, et de cette expérience collective.

Mélanie Celeghin : Au niveau de la programmation, on ressent aussi qu’il y a toujours une appétence du public pour le cinéma d’horreur et de genre, ainsi qu’une résurgence du cinéma de genre francophone. Des films comme La Nuit se traîne attirent le public. De notre côté, le festival existe depuis 2019 et la ligne éditoriale a quelque peu évolué. De gros succès ou de classiques comme Hitchcock, nous programmons désormais des films en lien avec des thématiques ou des cinéastes précis. L’année dernière, nous avons centré notre programme autour de Clive Barker, et cette année c’est Christopher Smith qui sera notre invité d’honneur, avec une remise en avant de sa filmographie associée à une carte blanche, pour continuer à mêler cinéma d’horreur de patrimoine et cinéma plus récent.

 

Cinergie : Cette année, vous renforcez la présence du cinéma belge au travers d’une journée dédiée.

Mélanie Celeghin : Cela passe notamment par nos programmes de courts métrages, mettant en avant les jeunes talents belges, européens et internationaux. Aujourd’hui, il y a une vraie envie de la part des cinéastes de se tourner vers le cinéma de genre, et qui sont assez surprenants dans les contenus qu’ils proposent. Nous collaborons par ailleurs avec le Razor Reel à Bruges afin de faciliter la découverte de contenus flamands de ce côté de la frontière, tout en leur proposant les films francophones que nous recevons. Cela nous permet également, dans le cadre des invités internationaux, de mutualiser certains coûts tout en proposant des événements de qualité. En termes d’invités belges, nous aurons également Harry Kümel qui viendra présenter Malpertuis, tandis que Jérôme Vandewattyne et son équipe viendront introduire The Belgian Wave. Cette journée sera aussi l’occasion d’organiser des ateliers autour de l’écriture de scénario et de la distribution de courts métrages, deux thèmes clés pour les jeunes auteur·ices belges qui veulent se lancer dans un projet de genre. Avec les invité·es présent·es, cela donnera sans aucun doute lieu à des échanges très intéressants.

 

Cinergie : À l’aube de cette cinquième édition, comment ressentez-vous l’évolution de la communauté du festival?

Frédéric Burlet : C’est plutôt positif. Chaque année, nous accueillons de nouveaux publics qui reviennent pour l’édition suivante. Mon plaisir, c’est lorsque des gens viennent, sortent de la salle, me regardent et me disent “oh p****, on a vu un bon film.” Et c’est la meilleure récompense pour notre travail, cette preuve que nous avons réussi à faire découvrir ce film à ce public. Le ARFF est un événement très convivial, dans le cadre chaleureux du centre culturel Quai 22. Le bar, la salle, tout est agréable et il n’y a pas de séparation entre les invité·es et le public, ce qui amène de beaux échanges et des soirées jusqu’aux petites heures du matin.

Mélanie Celeghin : Là où nous devons travailler, c’est au niveau de notre visibilité et de notre communication. Il faut savoir que notre équipe est actuellement bénévole, et construire une stratégie de communication ainsi que la mettre en place prend du temps, et des compétences bien précises. De mon côté, j’ai rejoint l’association en mars après un master en gestion culturelle, et j’apporte cette expertise même si nous n’avons pas forcément de rôles définis au sein de l’association, chacun s’implique et on essaie d’attaquer tous les angles pour faire en sorte que le festival se déroule au mieux et continue sur sa lancée. De nouveaux partenariats médias sont en cours de développement, afin d’élargir notre public et dépasser le cercle d’habitués majoritairement cinéphiles que nous touchons à l’heure actuelle. Nous proposons par exemple une programmation familles, et nous avons à cœur d’être cette plateforme pour la découverte du cinéma d’horreur pour les plus jeunes et les moins friands de ce type de cinéma. C’est comme cela que j’ai moi-même découvert le festival, et ces films.

 

Cinergie : Comment vous situez-vous dans le paysage cinématographique des festivals, et du cinéma à Namur en particulier ?

Mélanie Celeghin : En termes de festival, nous collaborons avec l’Offscreen Film Festival qui propose une délocalisation durant leur événement. Du côté du BIFFF, il y a bien sûr de très bons rapports, mais nous n’avons pas encore eu l’occasion de collaborer, notamment parce que nos offres étaient jusqu’ici assez distinctes, contrairement à l’Offscreen qui proposait déjà des rétrospectives. À Namur, nous nous situons dans un entre deux à mi-chemin entre le Caméo et une programmation plus art & essai, et l’Acinapolis avec sa programmation plus commerciale. Les collaborations ne sont donc pas évidentes, mais nous sommes ouverts à ces propositions et pourrions tout à fait organiser des événements selon les thématiques.

Frédéric Burlet : Notre festival, c’est un peu le petit frère du BIFFF et du Offscreen, nous proposons une programmation qui se situe à la croisée des leurs, à la fois pointue et grand public, tout en conservant notre ADN et notre position unique à Namur. Ce genre d’activités n’existe pas réellement en Wallonie, là où Bruxelles par opposition dispose de nombreux événements culturels et de mises en avant du cinéma de genre. Notre objectif, c’est également de pouvoir proposer ce type de cinéma aux publics wallon et namurois qui n’ont pas forcément la possibilité ou l’envie de se déplacer à Bruxelles.

 

Cinergie : Quels sont vos projets pour l’avenir?

Mélanie Celeghin : À l’heure actuelle, nous nous concentrons sur la prochaine édition qui arrive rapidement. Pour la suite, nous procédons pas à pas. C’est bien d’avoir des ambitions, mais nous restons pragmatiques notamment vis-à-vis des soutiens et subsides, qui nous permettront ou non de nous développer. Notre ambition reste d’être basés à Namur, tout en proposant plus d’activités comme les ateliers, les rencontres. Nous voulons cibler les étudiant·es, notamment en lien avec le nouveau programme qui vient de s’ouvrir à Namur, mais aussi les amateurs de cinéma de genre en Wallonie.

Frédéric Burlet : Notre objectif, c’est aussi de fédérer ce public, venant de Charleroi, Liège ou ailleurs. Et l’on continuera à poursuivre ce but dans les prochaines années. En sachant qu’à partir de 17h, le parking est gratuit chez nous! [rires]

 

Entretien filmé effectué avec l'aide de la SABAM

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