Réalisé en 1965, le film marque le coup d’envoi du cinéma belge. Pas seulement à cause de ses indéniables qualités esthétiques, sa narration présentant une réalité qui peu à peu s’avère être contaminée par celle de l’imagination de Govert Miereveld mais aussi parce que dès le départ le film se monte avec un low budget (2.625.000FB).
En DVD : L'Homme au crâne rasé d'André Delvaux
Méprisé lors de sa sortie belge, le film se verra porté aux nues par une critique belge particulièrement obtuse dès que la critique française, Michel Cournot, en particulier, eurent comparé le film à Citizen Kane. L’Homme au crâne rasé -- c’est l’un des intérêts de l’excellent bonus qui accompagne ce film --est une commande de Jos OP de Beck. Delvaux a adapté un roman de Johan Daisne, pour lequel « le réalisme magique » avait une importance cruciale. Terme qu'il allait utiliser dans un sens large. 80% des cinéastes font partie de l’infime frontière qui sépare la réalité de l’imaginaire (de Bergman à Fellini en passant par Demy, Antonioni, etc.) L’important est le regard du réalisateur sur la réalité. Celle-ci, ne fut-ce qu’à cause du filtre de l’objectif (lequel reproduit une perspective fruit d’une forme symbolique héritée de la Renaissance), montre une reproduction de la réalité qu’on espère la moins naturaliste possible.
Outre le bonus regroupant les interventions de Jean Brismée, Patrick Duynslaegher, Jaco Van Dormael, Fançois Beukelaers (on y apprend entre autres l’importance de Ghislain Cloquet et d'Antoine Bonfanti dans le développement de l’œuvre du cinéaste), on vous offre "l’Auteur dans la cité", texte prononcé par Delvaux le 4 octobre 2002 à Valence et dans lequel il réaffirme son identité multiple, l’idée de métissage culturel.
Puis, un époustouflant documentaire, en noir et blanc, 35mm, sur le tournage des Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy nous prouve par son style alerte, très « nouvelle vague » et ses raccords audacieux qu'André Delvaux appartient au cinéma de ses contemporains, à la modernité. On est curieux de voir les reportages qu’il a réalisés sur Fellini, sur Jean Rouch, sur l’Ecole de Lodz, sur les métiers du cinéma, qui pour une question de droits, sont en ce moment invisibles hors du cadre du Musée du Cinéma. Curieux, car c’est tout un pan de son œuvre qui resurgit avec ces documentaires tellement captivants (s’il s’efface devant son sujet, Delvaux garde néanmoins un regard singulier sur celui-ci) qu’il restent une référence inépuisable pour les documentaristes d’aujourd’hui.
Enfin, la restauration numérique en haute définition du film frise la perfection. Le négatif original a été scanné avec « Shadow » de Thompson et restauré numériquement avec « l’Archangel » (nous vous en avons décrit le processus, voir Webzine N°89, "En DVD"). Ce qui signifie l’élimination des griffes, points, taches etc. Seule la restauration sonore a posé quelques soucis, le support magnétique d’origine n’ayant pu être retrouvé.
L’Homme au crâne rasé, (De Man die zijn haar kort liet knippen) d’André Delvaux, éd. Cinémathèque Royale de Belgique, Ministère de la Culture flamande, Canvas, EMI. http://www.cinematheque.be/
Rappelons que le coffret Rendez-vous à Bray est disponible chez Boomerang Pictures. On attend la suite de l’édition de l’œuvre de Delvaux avec impatience. À Signaler dans notre rubrique "Focus", la parution de "Delvaux ou l’art des rencontres" de Frédéric Sojcher dont nous rendons compte et avec qui nous nous sommes entretenus.