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Entrevue avec Frédéric Hainaut

Publié le 01/02/2004 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Frédéric Hainaut est une sorte de disciple de Jean-Jacques Rousseau qui pense que l'homme naît naturellement bon et que la société le rend mauvais. Telle pourrait être la leçon de la fable que nous conte Around the ring, un dessin animé, particulièrement vigoureux que vous pourrez découvrir le mercredi 25 février dans « Tout Court », sur la deux/RTBF, dans l'émission de Renaud Gilles.

Entrevue avec Frédéric Hainaut

La première question, pourtant rituelle sous cette rubrique, lui paraît bien compliquée. Le premier film vu ? Retenu ? Dumbo l'éléphant vu en salles à l'âge de sept ans. Il nous précise aussitôt qu'il a beaucoup regardé la télévision. Cadet de cinq enfants, ses parents étaient moins sévères avec lui qu'avec ses aînés. Il a donc pu voir beaucoup de films qui n'étaient pas destinés à son âge. C'était l'époque des policiers français que la RTBF diffusaient ces années- là. Films signés Jacques Deray, Jean-Pierre Melville avec Alain Delon. Un cinéma de polars dont certains sont des chefs d'oeuvre (Le Samouraï ou Le Cercle rouge de Melville) et qui vont durablement l'influencer. «Ce qui m'inspire le plus dans le « thriller », c'est un genre où les choses sont très claires. Du moins dans les films des années cinquante où les gangsters avaient des trenchs et des chapeaux mous et cela avaient créé une mythologie qui, visuellement dans la mise en scène de ces films, pouvait nourrir graphiquement un dessinateur. Maintenant les gangsters sont plus anodins. Lorsqu'on regarde les infos on constate qu'ils sont présentés comme des personnages anonymes. A l'époque on voyait qui était le flic et qui était le mauvais garçon. Maintenant on ne fait plus la différence, les gangsters sont en col blanc. »

 

Depuis l'enfance il dessine et s'intéresse à la bande dessinée. C'est cependant vers l'animation qu'il se destine lorsque après ses humanités, il entre à l'ENSAV de la Cambre. Il y débarque avec la même naïveté que le boxeur, en début de carrière, d'Around the ring. « Je ne savais pas ce qu'était un plan, une séquence ou le montage. La première chose qu'on nous montre à la Cambre est une petite balle qui rebondit. Pour qu'elle aille vite on fait peu de dessins et pour qu'elle aille lentement on fait beaucoup de dessins. Cela a été vraiment une surprise. J'avais le désir de découvrir une nouvelle technique parce que si j'avais suivi ma pente naturelle je serai devenu peintre. Mais j'ai pensé que c'était une activité que je pouvais faire chez moi. Mon projet était d'apprendre quelque chose que je ne connaisse pas, tout en me permettant de continuer à dessiner. Et finalement le dessin l'a emporté sur la peinture. Je pense davantage en terme de mouvements ou d'animation ou de dessin et moins par couleurs ou par masses. »

 

En 1996, il quitte la Cambre avec dans son sac à dos deux courts métrages d'animation Zist et Jeanne et Pablo (dessins sur papier, coloriés à la main). Il avoue que l'ordinateur, loin de le fasciner, lui donne envie d'utiliser de plus gros pinceaux, des taches, des choses très graphiques. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, pendant quelques années, il fait des décors pour le théâtre. Il travaille quelques mois à l'Usine à images, un lieu où l'on produit des séries télés dans l'animation. « J'ai travaillé sur un moyen métrage qui s'appelait Eugénio. J'étais assembleur, on me demandait de travailler sur ordinateur. Ensuite je suis allé participer à un spectacle à Amsterdam où je me suis retrouvé, pendant quelques mois, sur une scène à peindre. » Tout cela ne l'empêcha guère de composer des affiches, d'illustrer des livres, notamment un recueil de poésie de Nicolas Ancion. Ce qui lui permet de rencontrer Laurent Denis lequel lui propose un scénario à lire. Bien que peu intéressé par la boxe il découvre Hors la boxe, un livre illustré par Jacques Faton qui le passionne. « La compétition m'ennuie, les gens qui se tapent dessus sont lamentables. Mais là, on tombe sur des gens qui sont tout à fait humains et qui par nécessité ou par désir de s'exprimer se retrouvent sur un ring. Ils ont une famille, des enfants. Lorsqu'ils sont à la maison ils ne sont pas violents. Cela ne les empêche pas que sur le ring ils sont obligés de taper sur un type qu'ils ne connaissent même pas et à qui ils n'en veulent pas. Ce récit était plein d'humanité ». Cette contradiction entre une vie quotidienne banale et le spectacle de la boxe le fascine, ce sera un déclic dans la conception du scénario. « En plus l'univers de la boxe est très graphique, c'est comme un spectacle lorsqu'on voit des comédiens sur scène, un projecteur pointé sur quelqu'un avec un fond noir. C'est une mise en abyme où l'on enlève tout ce qui est superflu, c'est juste des mouvements. Cela se rapproche de la danse." » Du coup il se documente à fond en regardant les films et les reportages ayant trait à la boxe que ce soit sur Ray Sugar Robinson ou Mohamed Ali.

 

« Dans Around the ring on m'a traité de misogyne mais je m'en défends parce que je ne pense pas que je rende les hommes plus beaux ou plus corrects que le personnage féminin. La relation du personnage féminin commence comme une rencontre fortuite, non calculée qui se transforme en appât du gain lorsqu'elle découvre les sommes mises en jeu. Je suis plutôt un pessimiste qui a des moments d'optimisme. On ne peut pas se promener aujourd'hui dans la rue sans être touché par ce qui nous entoure. C'est impossible. On rentre chez soi, on boit un café, on oublie mais le lendemain quand on ressort on découvre la même chose. Cela n'empêche pas d'avoir une famille, des amis, de trouver du plaisir à aller au cinéma ou à écouter de la musique, de me permettre de faire des choses inutiles. C'est d'ailleurs le sujet de mon prochain film dont je commence le tournage dans quinze jours. Il sera fait avec des marionnettes et la même équipe que pour Around the ring. Laurent Denis en a écrit le scénario et va suivre la production du film. Le sujet tourne autour d'un homme qui pense que pour résoudre ses problèmes il faut aller ailleurs. »

 

La bande dessinée le tente assez. Son graphisme s'y prête bien. « Je ne me sens pas capable d'écrire une histoire, j'ai besoin d'un scénariste qui puisse écrire une histoire et en faire un découpage. Je me sens très à l'aise lorsqu'on me donne des contraintes pour autant qu'elles puissent être bousculées. Je suis en contact avec une petite maison d'édition bruxelloise dont le travail qu'elle publie pourrait se décliner sur le mode de l'exploration ou de la recherche. »

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