Dans Femmes prêtres, vocations interdites, Marie Mandy propose un documentaire engagé qui interroge la place des femmes dans l’Église catholique. À travers des témoignages puissants et une analyse éclairée, le film dévoile les mécanismes du Vatican qui perpétuent l’exclusion des femmes du sacerdoce, tout en soulignant les répercussions sociétales de cette marginalisation. Une œuvre nécessaire qui invite à repenser les traditions et à ouvrir un débat fondamental sur l’égalité des genres au sein des institutions religieuses.
Femmes prêtres, vocations interdites, de Marie Mandy, 2024
Publié le 13/12/2024 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique
À travers les rencontres et les prises de position de plusieurs femmes, Marie Mandy réalise une véritable enquête sur les raisons de l’exclusion des femmes du sacerdoce.
Jacqueline Straub, est théologienne et journaliste pour un média catholique zurichois. Ses interviews, menées auprès de plusieurs cardinaux, révèlent les résistances profondes à l’ordination des femmes au sacerdoce par le Vatican. Alors que le sujet de l’ordination des femmes fait l’objet d’une omerta puissante au sein de l’Église, c’est déjà un événement en soi d’avoir eu l’autorisation de filmer ces rencontres. Les propos recueillis témoignent d’ailleurs du danger pour le Vatican d’un schisme important au sein de l’Église, peut-être même plus grave que le Grand Schisme d’Orient de 1054, qui a divisé l’Église chrétienne entre l'Église catholique romaine et l'Église orthodoxe orientale. Que se passerait-il si toutes les femmes qui sentent une vocation pouvaient accéder au sacerdoce ? C’est une question épineuse que le Vatican ne veut pas aborder, et c’est bien en cela que la démarche de Marie Mandy est unique.
Luz Galilea, sa deuxième grande protagoniste, propose une analyse fascinante de la réécriture de la religion au cours des âges. À l’aide de textes anciens, dont une Bible de Jérusalem, celle-ci démontre que la figure féminine de Juniam, mentionnée dans le Nouveau Testament comme “illustre parmi les apôtres”, a fait l’objet d’une réécriture : “On a fait d’une femme un homme pour le bien de l’Église et sa conception du monde. Ça ressemble à la première trans de l’histoire de l’Église en tout cas.”
Enfin, la troisième grande héroïne de cette enquête exceptionnelle n’est autre que Myra Brown, une femme prêtre qui s’est révélée au grand public aux États-Unis lors du scandale qui a entraîné le mouvement Black Lives Matter. Et protagoniste d’un précédant documentaire de Marie Mandy : Une femme prêtre, la passion selon Myra.
Ce film se distingue par une approche documentaire, où l'absence de voix off permet au spectateur de s'immerger dans les échanges de manière brute et directe. Sans être guidé, il devient un témoin discret des conversations. La réalisatrice a fait appel à plusieurs spécialistes des questions de genre et de religion, enrichissant ainsi le film d’une analyse nuancée tout en laissant l’espace au spectateur pour développer sa propre réflexion sur le sujet. Les musiques, choisies avec soin, renforcent la sacralité de l'ambiance et immergent le spectateur dans le sacré, tandis que les jeux de lumière, entre obscurité et clarté, symbolisent l’invisibilisation des femmes, désormais mises en lumière à travers ce film.
Bien que le pape Jean-Paul II ait confirmé pour beaucoup que la position de l’Église sur l’ordination des femmes resterait immuable pour l’éternité, Femmes prêtres, vocations interdites (2024) laisse entrevoir une lueur d’espoir. Contrairement à ce qui a été affirmé, la parole de Jean-Paul II ne fait pas office de règle immuable. Le film montre que, pour la première fois, des voix féminines sont entendues, là où, rarement, voire jamais, le Vatican n’a pris en compte les aspirations des femmes à suivre un appel divin. En donnant la parole à trois protagonistes captivantes, Marie Mandy réalise une véritable enquête sur les raisons de l’exclusion des femmes au sacerdoce.
Bien que le pape actuel, François, ait fait des avancées en matière de la place des femmes dans certains rôles au sein de l’Église, Femmes prêtres : vocations interdites va bien au-delà de ces réformes limitées. Ce film ne se contente pas de questionner la place des femmes dans l’Église, il interroge aussi leur statut dans la société dans son ensemble.
En dévoilant la position rigide et dépassée du Vatican sur l’ordination des femmes, il met en lumière le patriarcat encore bien ancré dans les fondements de l’Église. Même si des progrès ont été faits, le documentaire montre que l’essentiel du problème reste intact : un système qui continue de nier aux femmes le droit d’occuper des rôles égaux à ceux des hommes dans le sacerdoce.
Le film Femmes prêtres, vocations interdites est actuellement disponible sur Auvio. Cette diffusion permet au plus large public d’accéder à un documentaire percutant qui explore la question de l’ordination des femmes dans l’Église catholique et les obstacles.
En intégralité sur Auvio: https://auvio.rtbf.be/media/femmes-pretres-vocations-interdites-des-voix-feminines-pour-changer-l-eglise-3276048
