Nicolas Deru a réalisé Gare à toi ! un court métrage produit par les Ateliers de L’INRACI qui passera dans "Tout Court", l’émission de Renaud Gilles, sur la deux/ RTBF le samedi 7 octobre. "Je n’avais pas la télévision chez moi", précise-t-il d’emblée lorsque nous lui demandons quel est le premier film ayant marqué son enfance. Ah bon, pas de petite lucarne pour le baby-sitting des mômes ? Voilà qui est aussi singulier que son film que nous venons de découvrir. Plus tard, nous apprendrons qu’il a passé son enfance dans une communauté. Les choses s’éclaircissent.
Gros Plan du réalisateur Nicolas Deru
"J’ai dû aller voir un Walt Disney avec ma grand-mère", avoue-t-il en se frottant la barbiche, un peu gêné, "mais cela ne m’a jamais fort attiré. Ce n’est pas lorsque j’étais petit que j’ai pris goût au cinéma, mais beaucoup plus tard." C’est plutôt vers 16-17 ans que le cinéma le passionne grâce aux courts métrages que diffuse Arte. "Ce sont les courts métrages un peu décalés qui m’ont attiré, avec de belles images et de belles lumières. Je ne pensais pas encore faire du cinéma mais je commençais à m’y intéresser." Son réalisateur préféré actuellement est Pedro Almodovar et en particulier ses films des années 80. "J’aime bien les thématiques qu’il aborde et j’aime bien la façon dont il dirige les actrices tout comme Wong Kar-Waï." Après avoir terminé ses études secondaires, il ne sait trop vers où se diriger. La science et l’art l’intéressent. Du coup, avant d’opérer un choix, il part en Allemagne comme éducateur bénévole pour personnes handicapées. "Je me suis rendu compte que je n’avais pas envie de rester coincé dans un bureau comme un biologiste dans un laboratoire. J’ai pensé d’abord à la photo que j’aime beaucoup, puis après au cinéma. Pourquoi pas ? J’ai commencé à réaliser de petits courts métrages avec des copains en Allemagne. Comme je ne savais pas quoi faire dans le cinéma, l’INRACI m’a paru être une bonne école puisqu’on laisse la possibilité, après la première année, de choisir sa direction. Très vite, j’ai choisi la voie de la réalisation." L’assistanat de réalisation ne l’intéressant pas, il voyage beaucoup et écrit énormément.
Autre embrayeur de cinéma, Nicolas a été pendant six ans le condisciple de Kevin Dardenne (le fils de Luc Dardenne). "Lorsque le film La Promesse est sorti en salles, toute la classe l'a vu et Luc Dardenne est venu en parler. J’aime le cinéma des frères Dardenne parce qu’il est engagé et social. Dans Gare à toi ! le personnage de Dimitri est inspiré d’un personnage réel, un SDF que j’ai rencontré par hasard dans un vernissage à Molenbeek et qui est venu me parler. Il m’a raconté sa vie, ses désirs, ses peurs. On s’est vu deux fois par semaine pendant deux mois. Il occupait une chambre du CPAS avec le statut de réfugié politique. Il adorait le cinéma et, en particulier, Stanley Kubrick. Je l’ai amené au Nova pour lui montrer des films. Mes examens ont interrompu notre relation et lorsque je suis retourné le voir, j’ai appris qu’il s’était suicidé ! Ça m’a fait un choc et j’ai décidé d’écrire mon film de fin d’études autour de lui. J’ai essayé de montrer le côté humain des SDF qui sont souvent méprisés ". À Propos de Dimitri, Nicolas Deru précise que son désir de prendre une chambre est contradictoire avec son désir de mobilité. "Il est difficile de changer de vie d’un coup et de réintégrer la société." Le film a été tourné avec une XD-Cam prêtée par Sony. Bien que Nicolas Deru ait souhaité tourner sur pellicule le budget ne l’a pas permis. La XD-Cam permet d’éviter les défauts de compressions inhérents à la plupart des caméras numériques. "Le film s’est fait avec des personnes qui avaient fait leur stage dans des maisons de locations de matériel ou des studios de post-production. Ce qui nous a permis d’obtenir gratuitement du bon matériel."
Nicolas a touché à la pellicule en réalisant, dans le cadre de l’INRACI, avec une Caméra Bolex, La Porte (1'30''). En seconde année, un court métrage qui s’appelle Judas (5’). Mais il considère que Gare à toi ! est son premier film car il a pu bénéficier d’une totale liberté de s’exprimer. "Le tournage s’est très bien passé et j’ai vraiment pris goût à la réalisation. J’espère continuer. J’écris un scénario sur la façon dont un citoyen peut s’exprimer dans notre société. C’est un court métrage que j’espère tourner sur pellicule."
Gare à toi ! a obtenu le prix spécial du jury à Fontainebleau, le prix d’interprétation à Palavas les flots, le prix Het Grote ongeduld (Brussels) et a été primé par la deux/RTBF.