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LARGO WINCH : LE PRIX DE L’ARGENT, Olivier Masset-Depasse, 2024

Publié le 23/07/2024 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Tomer le héros 

Depuis l’enlèvement de son fils Noom par des mercenaires à la solde d’un mystérieux adversaire masqué (James Franco), l’aventurier milliardaire Largo Winch (Tomer Sisley) fait l’objet d’une machination cherchant à l’anéantir et à détruire le groupe W, la multinationale dont il a hérité (à son grand regret). Pour découvrir ce qui est arrivé à son fils, Largo se lance dans une traque sans relâche. Des forêts canadiennes en passant par Bangkok, jusqu’aux profondeurs des mines de cobalt birmanes, il doit faire face aux démons de son passé sans savoir sur qui il peut réellement compter, tandis que les actionnaires du groupe (Koen De Bouw, Denis O’Hare) enclenchent le « code 51 » destiné à l’évincer pour de bon…

LARGO WINCH : LE PRIX DE L’ARGENT, Olivier Masset-Depasse, 2024

Treize ans se sont écoulés depuis la sortie du deuxième épisode cinématographique des aventures du héros créé par Jean Van Hamme. Un intervalle anormalement long pour une franchise en dents de scie, ayant toujours cherché, sans s’en cacher, à rivaliser avec les films d’aventures et d’action anglo-saxons, en particulier les sagas Jason Bourne, Mission : Impossible et James Bond, allant cette fois jusqu’à proposer un générique à la 007. Las, la saga accumule certaines tares et un modèle de production davantage hérités des productions EuropaCorp. Les deux premiers opus - plaisants, mais vite oubliés - n’ayant pas révolutionné le genre, nous étions curieux de voir ce que cet épisode tardif allait nous proposer de plus, particulièrement avec un nouveau réalisateur à la barre, venu du cinéma d’auteur.

Remplaçant Jérôme Salle, le Belge Olivier Masset-Depasse (Duelles) se retrouve en effet pour la première fois aux commandes d’un film d’action au budget conséquent. Il signe en fin de compte un film ni pire ni meilleur que ses prédécesseurs, affichant les mêmes qualités et souffrant des mêmes défauts. S’il commet l’erreur de tenter de rameuter le public adolescent avec les interventions d’une jeune « influenceuse » québécoise (Elise Tilloloy) qui « pirate » le film trop longtemps à notre goût, en plus d’imposer à nos oreilles un ragoût linguistique (français, anglais, québécois) peu digeste, on reprochera principalement à cet épisode 3 de ressasser une formule qui reste, dans les grandes largeurs, inchangée : une machination complexe se met en place pour déstabiliser le groupe W et Largo, berné par un traître au sein de son entourage, doit prendre la fuite, devenant un fugitif aux yeux du monde… 

Là où le film marque des points, en revanche, c’est dans la création d’un adversaire fascinant et effrayant, brillamment incarné par James Franco (qui n’est plus en odeur de sainteté à Hollywood). Tueur insensible à la douleur, donc a priori indestructible, c’est un véritable monstre qui se montre particulièrement cruel envers ses victimes. Mais lorsque les raisons de son passage « du côté obscur » nous sont révélées, son trauma lui confère une humanité inattendue. Volant aisément la vedette au héros, Franco fait ici un retour en fanfare, dans un film qui tente discrètement d’insérer au cours de son récit un discours antimondialisme, en faveur notamment de l’agriculture bio. Plus sombre que ses prédécesseurs, Largo Winch 3 a pour lui un rythme soutenu et quelques scènes d’action efficaces et trépidantes. Durant ces treize années de « pause », Tomer Sisley a eu le temps de se forger un physique à la Tom Cruise, qu’il exhibe généreusement, tous muscles dehors, dès la scène d’ouverture, longue course-poursuite entre différents véhicules qui restera le point d’orgue du film en termes d’action. Sisley incarne un Largo plus fragile, moins play-boy, brisé par les disparitions des proches qu’il n’a pas su protéger, que ce soit son père (dans le premier film), la mère de son fils (dans le second) et maintenant son fils, qu’il croit mort. 

Malgré ses qualités, cet épisode 3 (qui n’est pas une adaptation directe de la BD à laquelle il emprunte son titre) est une nouvelle preuve que le film d’action à l’européenne peine toujours un peu à rivaliser avec ses homologues d’outre-Atlantique. Mais ses producteurs ne s’en inquiètent visiblement pas trop, puisqu’un « twist » final nous promet l’arrivée prochaine d’un quatrième film ! 

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