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Le Bleu du caftan de Maryam Touzani

Publié le 29/03/2023 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Un coup de ciseau, un regard de travers, une main qui tremble, et tout peut déraper. Dans Le Bleu du caftan, Maryam Touzani fait le portrait d’un mari aimant malgré tout, dissimulé dans une carapace d’étoffes qui le protège plus ou moins du monde. Un film tendre, poignant, qui faisait cette année l’ouverture du Festival du Cinéma méditerranéen de Bruxelles.

Le Bleu du caftan de Maryam Touzani

Maryam Touzani, actrice, scénariste et réalisatrice marocaine, nous livre avec Le Bleu du Caftan un deuxième long-métrage touchant, après Adam qui l’avait emmené en 2020 jusque dans la course aux Oscars. Halim, finement interprété par Saleh Bakri, dissimule son homosexualité aux yeux du monde, tout en perpétuant la tradition de tailleur de son père, avec l’aide de Mina. Leur quotidien se trouve bousculé par l’arrivée d’un nouvel apprenti, dont l’énergie va bousculer l’équilibre fragile du ménage. Mais contrairement à ce que pourrait faire penser cet énoncé, le film évite singulièrement tous les clichés et raccourcis, proposant plutôt une lecture douce et tendre de ses personnages, tous aussi beaux les uns que les autres. Mina, une Lubna Azabal espiègle, cinglante et même drôle, est une protagoniste complexe qui réussit à nous porter, à nous faire rire comme nous faire pleurer, dans la maladie qui l’habite mais qu’elle combat avec ferveur. Malgré ce mal qui la ronge, elle est pétillante lorsqu’elle rabroue les clientes trop rustres, et négocie férocement autant avec ses fournisseurs que les marchands qui lui vendent ses précieuses mandarines. Et pour compléter le trio, Ayoub Messioui fait un jeune apprenti convaincant, timide mais dont les émotions fusent au bon moment.

Une œuvre qui débute par la matière et qui retournera matière, rythmée par le tressage des fils d’or et par les mains qui frôlent les tissus. Les plans et les séquences de la cinéaste sont subtilement conduits, tels les fins doigts d’Halim qui manipulent les broderies, pour construire un moment de cinéma fluide et chatoyant, éminemment beau. Et c’est souvent lorsqu’elle prend son temps que la réalisatrice construit ses plus belles scènes. À l’image de ces moments de danse au bord du balcon, ou de cette séquence finale qui résume à elle seule tout le film, et résonne joliment avec son propos. Un film de silences, de caresses et de moments d'effleurements, où les images parlent plus que les grandes tirades. Tout comme ces regards, échangés avec complicité parfois, pudeur, désir et crainte à la fois. Jusqu’à l'absolution, où l’amour est plus fort. Dans ce film rythmé autant par ces moments de grâce que par une intrigue simple, vous pourrez vous laisser porter et vous perdre, en évoluant avec Halim dans les méandres de la Médina, au rythme des couleurs et des sonorités du Maroc. Un pays et une société où tradition et modernité s’opposent, autant dans les vêtements que dans les mœurs. Ce Bleu du caftan réussit à mêler les deux, rendant hommage au travail de ces artistes, tout en proposant une histoire résolument moderne.

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