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Le champ des visions de Boris Van der Avoort

Publié le 06/06/2017 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

Bestioles en fioles

Microcosme effrayant. Microcosme mystérieux. Microcosme méticuleux. Des centaines de milliers de pattes déambulent sous nos pieds, muettes. Et pourtant. Blattoptères, coléoptères, diptères, hyménoptères, lépidoptères, odonates grouillent. Un monde ancestral éphémère nous malmène, nous intrigue et nous effraie. On les touche, on les tape, on les capture, on les écrase, on les fuit. Un monde géant de lilliputiens rouges, dorés, verts, noirs dans lequel s'est immiscé Boris Van der Avoort.

Le champ des visions de Boris Van der AvoortÀ la fois photographe, monteur de la plupart des films de Thierry de Mey, auteur d'installations vidéo et cinématographiques (Le nom des choses), le réalisateur a toujours été fasciné par l'insecte. Dans Le champ des visions, il va à leur rencontre, à leur hauteur, en les décortiquant sous tous les angles: esthétique, phobique, sonore, philosophique, mythologique, etc. Il parcourt la nature et lui dérobe quelques trésors ailés qu'il ramène chez lui, trésors en fioles, qu'il scrute, loupe en main, qu'il écoute, micro branché. Et il les filme au plus près, très très près, jusqu'à percevoir l'âme profonde de ces ancêtres, soldats aux aguets.

Boris Van der Avoort farfouille dans les livres, les tableaux et recueille des visions hétéroclites, celles des peintres, des écrivains, des philosophes pour son kaléidoscope, pour construire le champ de vision de sa réalité inspirée par les insectes. Le réalisateur présente quinze angles d'approche différents, par le biais d'installations insolites, pour découvrir ce microcosme, ce monde pourtant infiniment grand. Il s'interroge sur leur organisation, leur fragilité, leur existence éphémère, leur fragilité. Les phasmes, combattants aux masques effrayants, se livrent des duels magiques.

Film-documentaire-planche illustrée, Le champ des visions dérange tant il s'immisce sous les carapaces bleutées. Le réalisateur titille nos sens, nos émotions, du dégoût en passant par la fascination, Boris Van der Avoort mêle les contes, la science et convoque l'entomologiste Jean-Henri Fabre pour ce voyage dans des contrées aux architectures chiadées. La voix off mêle commentaires scientifiques, culturels, historiques. La poésie des bestioles chatouille.

L'insecte est double, il est vie et mort. L'insecte est l'objet de rituels, il est le passeur entre l'enfant et l'adulte. L'insecte est infini. L'insecte est un animal social, comme l'homme. L'insecte est un surhomme. Que sera notre espèce quand elle aura 300 millions d'années, comme les insectes? Serons-nous toujours là pour les contempler?

J'ai des mouches dans la tête. Les mots sont des pattes de mouche. Après moi, les mouches. Faire mouche. Enculer les mouches. Tomber comme des mouches. On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Entendre une mouche voler... Et lui, quelle mouche l'a piqué?

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